Ce numéro anniversaire revisite en 40 sujets les polémiques historiques qui ont animé ces 40 dernières années. Un reflet de l'évolution de la recherche, mais aussi des interrogations, peurs, débats qui traversent la société. Et des bouleversements qui la touchent. Dans la même année 1978 paraissaient La Nouvelle Histoire, dirigée par Jacques Le Goff, et le premier numéro de notre revue-magazine L'Histoire. Sous le label de « nouvelle histoire » les collaborateurs des Annales regroupaient un certain nombre de pratiques ins-pirées par Marc Bloch, Lucien Febvre et Fernand Braudel qui, depuis les années 1930, avaient transformé la recherche historique. En face de l'histoire-récit, de l'histoire « événementielle », les nouveaux historiens privilégiaient une histoire-problème, professaient l'interdisciplinarité, scrutaient les rapports entre le « mental » et le « matériel », intégraient l'imaginaire dans l'analyse des sociétés, renou- velaient et multipliaient les objets d'histoire jusque-là laissés aux sociologues ou aux an- thropologues, et, après avoir oeuvré largement dans l'économique, ouvraient le champ à ce qu'on appelait alors les « mentalités ». Lorsque Michel Chodkiewicz, qui devenait PDG des éditions du Seuil, et qui avait été le directeur de La Recherche, me proposa en juin 1977 de lancer une revue qui, sur le modèle de son magazine scientifique, fût consacrée à l'histoire, j'acceptai d'enthousiasme. Mes rapports avec la « nouvelle histoire » n'étaient pas d'obédience. J'admirais les travaux de Jacques Le Goff, d'Emmanuel Le Roy Ladurie, de Georges Duby et de bien d'autres membres de leur école, mais je m'étais spécialisé dans l'histoire politique, dont la nouvelle histoire s'était défiée, de fait, sinon par principe. Il me semblait que les apports de celle-ci pouvaient être précieux pour renouveler l'histoire politique elle-même. Au Seuil, où depuis 1969 j'avais la responsabilité des collections d'histoire, et spécialement de « Points-Histoire » que j'avais créée, je m'étais toujours efforcé à respecter la pluralité des approches et la diversité des auteurs. C'est dans ce même état d'esprit que je désirais faire vivre notre magazine. Pendant un certain temps, je me suis heurté à Jacques Le Goff et à ses amis qui, eux aussi, voulaient lancer un magazine Avec les contributions de près de 50 historiens.
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