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Peu après les attentats du 11 septembre 2001, la journaliste italienne Oriana Fallaci publie un article puis un livre intitulés La Rage et l'orgueil, dans lequel cette grande figure progressiste italienne s'en prend au monde musulman dans son ensemble. Les musulmans y sont comparés à de « nouveaux croisés » et les imams à des « guides spirituels du terrorisme » dont les mosquées « grouillent jusqu'à la nausée de terroristes ou d'aspirants terroristes ».
Effondré par les outrances d'une femme dont la carrière de brillante intervieweuse l'avait amenée à dialoguer avec le Shah d'Iran, Willy Brandt, Lech Walesa, le colonel Kadhafi, Yasser Arafat, Indira Gandhi, à se débarrasser de son voile devant l'ayatollah Khomeini ou encore à faire admettre à Kissinger que la guerre du Vietnam s'était avérée « inutile », Tiziano Terzani s'attelle à la rédaction d'une réponse, qui va prendre la forme de lettres adressées à son petit-fils Novalis.
Ces Lettres contre la guerre sont d'abord l'oeuvre d'un Occidental qui a passé près de la moitié de sa vie en Orient, sans jamais y perdre ses racines ni son cartésianisme. Mieux que quiconque en Europe, il a senti la nécessité du dialogue Nord-Sud et Est-Ouest, et l'absurdité non seulement de la guerre dite « contre le terrorisme » mais aussi de toutes les guerres menées sous les prétextes de « modernité » ou de « civilisation », et qui ne sont souvent que les cache-nez de l'avidité des hommes et de leur soif de pouvoir.
Fidèle à sa méthode de grand baroudeur du journalisme, c'est depuis le Pakistan et l'Afghanistan que Terzani écrit la plus grande partie de ces lettres.
Là, il comprend « le drame du monde musulman dans sa confrontation avec la modernité, le rôle de l'islam en tant qu'idéologie antimondialisation ».
Ce texte est visionnaire à plus d'un titre. Au détour de chaque phrase, on y décèle les erreurs qui furent celles de l'Occident dans son rapport au monde musulman et plus largement à toutes les autres cultures, avant et après le 11 septembre 2001.
Lettres contre la guerre, d'où émanent à la fois une colère sourde et un pacifisme de combat, est une contribution essentielle au débat géopolitique mondial et une pierre cruciale sur la voie de la paix des nations. Sa lecture, près de quinze ans après sa rédaction, n'a jamais semblé aussi nécessaire.
lien vers ma chronique: http://www.lesmiscellaneesdepapier.com/lettres-contre-la-guerre-de-tiziano-terzani/
Le mot de la fin : Un immense coup de cœur à mettre entre toutes les mains, surtout en ce moment. La vision de Tiziano apporte énormément, elle permet de réfléchir et apporte de la lumière et un début de réponse là où les médias n’en mettent pas. Les lettres sont factuelles, pacifiques, neutres et efficaces. A vous procurer d’urgence !
Rappelons qui est Tiziano Terzani (1938-2004), correspondant en Asie pour le Spiegel et le Corriere, il a officié à travers le monde dans les plus grands conflits.
Dans les années 1990 il découvre l'Inde et sa spiritualité et se retire peu à peu du journalisme, pour vivre le fil de sa vie, ses dernières années différemment.
Mais en 2001 juste après les attentats du 11 septembre, il sort de sa réserve face aux articles d'une consœur Oriana Fallaci, qui condamne l'Islam dans son entier.
Le 19 décembre 2001 il écrit ceci : " Les Etats-Unis, en portant la guerre en Afghanistan aujourd'hui, demain au Soudan ou en Somalie, en Irak ou en Syrie, ne courent aucun risque. Sauf celui d'une riposte éventuelle inversement déséquilibrée : le terrorisme."
Ce pacifiste que l'on ne peut pas accuser de naïveté ou d'angélisme, s'en explique dans ses "lettres contre la guerre".
C'est la voix d'un occidental qui ne s'est pas contenté de traverser le monde mais il s'est immergé dans les différentes cultures, en ouvrant grands les yeux et le cœur sur des civilisations autres mais sans jugement de valeur elles sont autres.
L'autre est un je...
Première réflexion fondamentale de Tiziano Terzani, en mots simples tout est dit " 10 septembre 2001, le dernier jour avant que notre envie de plus d'amour, plus de fraternité, plus d'âme, plus de joie ne soit déroutée vers plus de haine, plus de discrimination, plus d'intérêts matériels et plus de douleur."
Son analyse se décline en 7 lettres.
1) Orsigna en Toscane : Une bonne occasion. 14 septembre 2001.
Le 14 septembre, après la stupeur et des heures à regarder en boucle les médias, la réflexion se met en marche.
Une bonne occasion pour se rappeler que Oussama Ben Laden a été utilisé et protégé par la CIA, car sa première mission a été la construction de grands bunkers en Afghanistan, pour le stockage des armes destinées aux moudjahidin. En 1991 il se révolte une première fois et en 1996 il déclare la guerre aux Etats-Unis.
Depuis 1983 pensons que les Etats-Unis ont bombardé régulièrement le Liban, la Libye, l'Iran et l'Irak.Beaucoup de morts et des enfants morts de malnutrition.
Tiziano Terzani écrit ceci : " Sinon, chaque bombe ou chaque missile qui tombera sur les populations du monde qui n'est pas le nôtre ne servira qu'à semer d'autres dents de dragon et à faire naître de nouveaux jeunes prêts à hurler "Allah Akbar", en précipitant un autre avion rempli d'innocents contre un gratte-ciel ou, demain, en larguant une bombe bactériologique ou une bombe atomique de poche dans un de nos supermarchés."
En conclusion le 11 septembre aurait du être une "bonne occasion" de voir l'univers "comme un tout dont chaque partie en reflète la totalité et dont la grande beauté réside dans sa diversité."
2) Florence : Le sultan et Saint-François. 4 octobre 2001.
En réponse à Oriana Fallaci : un rappel de leur origine commune et une demande de ne pas se laisser dominer par ses émotions, face à une situation nouvelle.
"Comprendre, parce que je suis convaincu que le problème du terrorisme ne se résoudra pas en tuant les terroristes, mais en éliminant les raisons qui les rendent tels."
Remise en cause de la dépendance économique occidentale vis-à-vis du pétrole.
Remise à plat des relations pouvoir-médias
S'imposer comme journaliste (donc observateur) de prendre ses responsabilités en "créant des champs de compréhension et non des champs de bataille."
3) Peshawar : raconteurs d'histoires. 27 octobre 2001.
Ville au nord du Pakistan, frontalière avec l' Afghanistan et l'Asie centrale, au bazar le monde se fait et se défait mais même en ce lieu une certaine uniformité s'est installée.
Tiziano Terzani se rend au cœur des villages voir de ses yeux se qui se passe. Il constate la misère toujours plus grande, des écoles avec des enfants faméliques à qui seul le Coran est enseigné et la guerre.
Cette société est chargée de haine mais celle des occidentaux l'est-elle moins?
4) Quetta : Taliban-Ordinateur. 14 novembre 2001.
Toujours au Pakistan, cet homme éclairé, avance pour comprendre..."L'unique façon de résister est de s'obstiner à penser avec sa tête et surtout de sentir avec son cœur."
Il discute avec un maximum de personnes qui lui disent "la mort éventuelle du mollah Omar, le chef des talibans ne changera rien car le conseil des sages est constitué de mille mollahs Omar et chacun d'eux peut lui succéder.
Ce dernier est mort en 2013. Qui a vu du changement?
Un comparatif très intéressant entre les mosquées et nos églises : après les attentats du 11 septembre , les églises italiennes faisaient leurs prêches avec le même passage de l'évangile, sans évoquer le terrible événement...
5) Kaboul : vendeur de pommes de terre- cage aux loup. 19 décembre 2001.
Il constate que cette ville n'en est plus une. Elle a perdu tous ses trésors elle n'est plus qu'un "immense cimetière poussiéreux" à cause non d'une catastrophe naturelle mais de la guerre.
Il a une lettre de recommandation pour le conservateur du musée de Kaboul : ce dernier est devenu vendeur de pommes de terre.
6) Delhi. 5 janvier 2002.
L'Inde pays de la non-violence est devenu un pays comme les autres, n'ayant pas su dire "ni avec vous, ni avec les terroristes."
Une raison : les dirigeants pensaient résoudre le problème du Cachemire...
Toujours non résolu, et 14 ans de plus conflits : le plus vieux conflit de l'humanité.
Pays qui n'a pas su ou pas pu ou pas voulu mettre en avant sa spiritualité pour aller vers la paix.
7) Himalaya. Que faire ? 17 janvier 2002.
Une conclusion aussi spirituelle qu'humaine...
"Alors arrêtons-nous. Imaginons notre moment présent dans la perspective de nos arrière-petits-enfants. Regardons aujourd'hui du point de vue de demain pour ne pas devoir regretter ensuite d'avoir perdu une bonne occasion. L'occasion de comprendre une fois pour toutes que le monde est un, que chaque partie a son sens, qu'on peut remplacer la logique de la compétitivité par l'éthique de la coexistence, que personne n'a le monopole de rien, que l'idée d'une civilisation supérieure à une autre n'est que le fruit de l'ignorance, que l'harmonie, comme la beauté, est dans l'équilibre des contraires et que l'idée d'éliminer l'un des deux est tout simplement sacrilège. Que serait le jour sans la nuit ? La vie sans la mort ?
Cette manie de vouloir tout réduire à une uniformité est très occidentale."
Ce livre est une pépite pour la réflexion sur la situation internationale, pour aider à réfléchir différemment et ne pas croire que nous occidentaux détenons une vérité applicable à toutes les nations.
Mais c'est aussi un gouffre de désolation car écrit en 2001 donc voilà 15 ans tout y était prévu : le terrorisme et son explosion dans tous les coins du monde.
Ces innocents qui paient pour des gouvernements qui ne pensent que profits et jamais humanité.
On termine la lecture des lettres de ce grand sage que fut Tiziano Terzani en cherchant pourquoi les représentant de tous les pays ne se réunissent-ils pas pour remettre une situation à plat, éradiquer l'inutile pour aller à l'essentiel : l'Homme au cœur de la vie.
J'espère juste vous avoir donner envie de faire ce voyage beaucoup plus informatif que tous les médias actuels.
"La route est longue et reste souvent encore à inventer."
" Alors bon voyage ! Au-dehors comme au dedans."
Un grand merci à Babelio et aux éditions INTERVALLES.
Trois jours après les attentats du 11 septembre 2001, Tiziano Terzani, grand reporter qui connaît bien le monde en général et le monde musulman en particulier, retiré depuis quelques années en Inde en quête de spiritualité, publie une lettre intitulée Une bonne occasion. Et si ces attentats étaient la bonne occasion pour tout remettre à plat, discuter et ne pas céder à le violence qui entraînera toujours une violence encore plus grande. Quelques jours plus tard, une autre journaliste italienne publie un livre d'une rare violence contre les musulmans. Tiziano Terzani décide alors de reprendre la plume dans diverses régions du monde pour lui répondre et témoigner de ce qu'il voit et vit au contact des musulmans de Kaboul, Peshawar, Quetta.
Ce livre écrit entre le 14 septembre 2001 et le 7 janvier 2002 rassemble 8 lettres prônant la paix, la tolérance et l'entente entre le peuples. Tiziano Terzani après avoir été grand reporter sur tous les grands conflits s'est tourné vers l'Inde et sa spiritualité, s'est posé et est devenu aux yeux de beaucoup d'Italiens le visage de la paix. Il est décédé d'un cancer en 2004. Ce livre a précédemment été publié chez Liana Levi en 2002.
Difficile d'aborder le thème de la tolérance, de l'amour entre les peuples, de la compréhension de l'autre alors qu'il y a quelques jours des attentats terribles traumatisaient Paris, la France entière et bien plus largement encore, quelques mois tout juste après le massacre de Charlie Hebdo. Je me permettrais donc de citer T. Terzani qui intitule sa dernière lettre Que faire ? Et maintenant allons-nous céder à une surenchère dans la violence ? "C'est peut-être ce qui m'a fait penser que l'horreur à laquelle je venais d'assister était... une bonne occasion. Le monde entier avait vu. Le monde entier allait comprendre. L'homme allait prendre conscience, se réveiller pour tout repenser : les rapports entre États, entre religions, les rapports avec la nature, les rapports entre hommes. C'était une bonne occasion pour faire un examen de conscience, accepter nos responsabilités d'Occidentaux et faire peut-être enfin un saut qualitatif dans notre conception de la vie." (p.15) Une grande partie de la réflexion de l'auteur est basée sur sa conception de la vie et des rapports entre les hommes : "... je suis vraiment convaincu maintenant que tout est un et que, comme le résume si bien le symbole taoïste du Yin et du Yang, la lumière porte en elle le germe des ténèbres et qu'au centre des ténèbres il y a un point de lumière." (p.15) Mais il ne s'est pas arrêté à sa réflexion, il est retourné sur le terrain voir comment vivaient les gens en Afghanistan, au Pakistan. Et chaque témoignage est aussi l'occasion pour le journaliste de raconter l'histoire du pays, celle qui explique pourquoi et comment on en est arrivé là. Évidemment, les États-Unis sont montrés du doigt : "Chalmers Johnson répertorie les manigances, les complots, les coups d'État, les persécutions, les assassinats et les interventions en faveur de régimes dictatoriaux et corrompus dans lesquels les États-Unis ont été impliqués ouvertement ou clandestinement en Amérique latine, en Asie et au Moyen-Orient depuis la fin de la seconde guerre mondiale." (p.40). Pour ce "vieux professeur de Berkeley University, peu suspect d'antiaméricanisme ou de sympathies gauchisantes", les attentats sont des contrecoups de cette politique étrangère agressive, les États-Unis sont devenus le Diable aux yeux du monde islamique. L'Europe étant à la remorque des États-Unis, il est loin le temps ou le ministre des affaires étrangères français osait s'opposer à une décision de faire la guerre, elle est elle aussi la cible potentielle d'attentats et l'atroce nuit parisienne du 13/14 novembre est là pour le confirmer.
A chaque fois que Tiziano Terzani apporte des informations, il les confronte à sa réflexion, à ses questions. Il ne prétend pas détenir la vérité, il pose des questions légitimes, il met en doute les certitudes des autres. Ces textes ont quasiment quinze ans et pendant ces années, rien n'a changé. Ou plutôt, si, tout a changé : les positions des uns et des autres se sont durcies. Tellement, qu'il paraît même difficile de parler de la même manière -utopiste- que le journaliste italien. Jusqu'où pourra continuer cette violence ? A-t-on le droit au nom de nos principes occidentaux de s'immiscer dans les politiques de certains pays ? Notre indépendance énergétique doit-elle primer sur la vie des habitants des pays producteurs ? Nos sociétés sont tellement différentes. Le monde que nous proposons, nous Occidentaux, globalisé, mondialisé, abreuvés que nous sommes de culture américaine -même si la France résiste encore un peu à l'envahissement par son cinéma, sa littérature, son mode de vie- est une violence faite à certains pays pas prêts et pas désireux de s'y soumettre. Et qui serions-nous pour l'imposer ?
Mon billet peut sembler brouillon, maladroit et il l'est sans doute. Lors de ma lecture j'ai sans cesse hésité entre l'admiration pour la réflexion de cet homme, sa sagesse et la peur que la violence monte toujours plus haut. J'ai fini ma lecture le 13 novembre au soir. Le matin suivant je me réveille avec les annonces des attentats parisiens et j'écris mon billet ce même jour, à chaud ; j'y mélange les réflexions de Tiziano Terzani et les miennes. J'ai apprécié que cet homme puisse me donner un autre angle de vue, me donner des informations pour continuer ma réflexion : je ne suis sûr de rien, j'écoute et lis beaucoup avant de me faire une opinion et lorsque j'y arrive elle peut encore varier en fonction de ce que je lis et entends. Ce dont je suis sûr cependant, c'est que ce bouquin va rester longtemps en moi et près de moi, je vais même le conseiller à tous ceux qui comme moi s'interrogent sur cette violence et cette haine qui explosent. Et à tous ceux qui savent déjà tout, je le leur conseille également, il les fera peut-être réfléchir et les bousculera dans leurs certitudes.
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