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Trois millions de morts en quatre ans. Comment, à notre époque, une telle hécatombe peut-elle passer inaperçue ? Et quels en sont les responsables ?
A partir de 1998, soit quatre ans après le génocide au Rwanda, lorsque la République démocratique du Congo s'est trouvée prise dans l'engrenage de la guerre, on a vu l'armée du Rwanda « punir » la population congolaise suspectée d'abriter les acteurs du génocide. Mais si bien des Congolais sont alors morts dans la violence ou l'abandon, ce n'est pas seulement au nom de la sécurité du Rwanda, c'est surtout parce que les richesses de leurs terres aiguisent tous les appétits...
Trop longtemps, en effet, au gré des prédateurs rôdant dans la région, la dictature de Mobutu a été un frein à l'exploitation du cobalt, de l'or, du diamant, du colombo-tantalite et du pétrole : il était urgent d'ouvrir les immenses réserves congolaises aux prospecteurs et aux aventuriers. Dans le même temps, les pays voisins - Rwanda, Ouganda, Zimbabwe - rêvaient de bâtir leur développement sur les ressources puisées chez leur voisin. Mais Laurent-Désiré Kabila, le tombeur de Mobutu, qui aurait dû être le fondé de pouvoir de ce vaste projet régional, ne tarda pas à renier ses promesses. Telle fut la raison profonde de l'éclatement du conflit.
Depuis l'assassinat de Kabila, en janvier 2001, l'équation a changé : au nom de l'ouverture, le pays s'est soumis aux institutions financières internationales, les promesses d'assistance se sont multipliées, les prédateurs ont subi de fortes pressions. Car, après le 11 septembre, il importe que l'ordre règne dans les banlieues du monde, et les puissances - Etats-Unis, France, Grande-Bretagne - s'y emploient. Mais si les rôles ont été redistribués, si de nouveaux acteurs sont apparus, les ambitions demeurent, et les intérêts des populations continuent à passer au second plan.
Le destin de cette région convoitée est exemplaire d'une configuration désormais planétaire. Et à l'heure de la mondialisation, la résistance des peuples du Congo à cette nouvelle ruée vers l'or est, elle aussi, exemplaire.
Colette Braeckman est journaliste au Soir de Bruxelles, spécialiste de l'Afrique. Elle a publié tous ses livres chez Fayard, parmi lesquels Le Dinosaure : le Zaïre de Mobutu (1992), Rwanda : Histoire d'un génocide (1994) et Terreur africaine : Burundi, Rwanda, Zaïre, les racines de la violence (1996).
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