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1946 : le marquis d'Argentières se meurt.
L'aristocratie française assiste à sa propre disparition : les héritiers se partagent les derniers biens et entretiennent leur haine mutuelle, la jeune génération fraie dangereusement avec les communistes ou, pire, les parvenus. "Il faut vivre avec son temps", disent-ils, mais le temps est assassin pour une espèce moribonde.
Ce roman, qui traverse plusieurs générations de nobles, débute au lendemain de la deuxième guerre mondiale pour s’achever à l’orée du XXI ème siècle. Le lecteur découvre la famille d’Argentières lors des funérailles du marquis du même nom, mort des suites d’une chute de cheval. Le château familial servira de toile de fond à cette saga foisonnante qui se terminera au même endroit, cinquante ans plus tard quand Antoinette d’Argentières, l’artiste reniée par la famille, est exposée par son neveu dans le château devenu propriété de la Région.
Entre ces deux épisodes, la romancière tisse son récit des amours heureux ou contrariés, des naissances, des mariages et des fêtes mais aussi des destins tragiques, des trahisons, des mensonges et de la folie. Ignorant les bouleversements de l’histoire et l’évolution du monde, cette famille d’aristocrates poursuit son destin, figée dans ses valeurs désuètes. Mais leur fortune, leurs certitudes et leur arrogance ne les mettent pas à l’abri des vicissitudes de la vie. Alors que certains d’entre eux, sûrs de leurs prérogatives, avancent dans le siècle avec le poids des traditions, d’autres tentent de secouer le joug, pesant, de l’héritage familial. Derrière un détachement hautain qui nie la réalité, on cache l’artiste aux mœurs trop libres, l’officier sombrant dans l’alcoolisme et la violence, la fille communiste, la cousine tombée sous l’influence de moines dissidents et celle qui cache son homosexualité. La folie fait irruption, niée jusqu’à l’absurde. Leur condition ne les a pas préparés au changement. Certains y parviendront, comme Tancrède, l’héritier au nom de héros qui réhabilitera la mémoire de sa tante artiste. D’autres, comme Odile, sombreront dans l’aigreur et la médiocrité.
Camille de Villeneuve nous brosse un tableau de cette aristocratie sur le déclin à petites touches. L’air de rien, elle sait acérer son trait pour décrire tel personnage ou évoquer telle anecdote. Mais elle sait aussi nous attendrir sans nous apitoyer avec le destin tragique de l’un ou l’autre des d’Argentières. Jamais elle ne prend parti, laissant le lecteur libre face à sa narration empreinte d’humanisme et de distanciation.
Ce pavé de 600 pages traitant d’une multitude de destins aurait pu être indigeste. Il n’en est rien, tant la romancière, par son talent, a su capter l’intérêt du lecteur pour des vies traversées par les tragédies de l’histoire, l’évolution des mœurs et les prises de position de l’église. Et, à travers une écriture littéraire et maîtrisée, elle nous conduit avec finesse jusqu’au dénouement.
C’est long, très long.
Près de 600 pages sur l’histoire de cette famille triste, ennuyeuse, vivant dans son monde et considérant avec un dégoût manifeste tout ce qui n’appartient pas à son « milieu ».
J’ai voulu essayer de le lire jusqu’au bout mais j’ai renoncé à la moitié.
Je n’ai pas le souvenir qu’un livre m’ait fait une aussi déprimante impression : l’atmosphère est oppressante et d’une tristesse constante. Les tentatives de mêler aux évènements intimes d’autres plus historiques sont un échec, l’auteur ne parvenant pas concilier les deux aspects de manière intelligente et fluide.
Peut-être que la seconde moitié se serait révélée plus intéressante… Mais la lecture des 300 premières pages n’a réussi qu’à me donner l’envie de passer à autre chose…
C’est une grande fresque familiale qui nous est racontée dans ce premier roman très abouti à l’écriture parfaitement maîtrisée…qui pourrait aussi faire l’objet d’une adaptation télévisée. La présence de l’arbre généalogique en début d’ouvrage permet de toujours s’y retrouver parmi les liens de parenté de cette famille que l’on suit.
On traverse la seconde partie du vingtième siècle à travers l’évolution des relations d’une famille bourgeoise qui a du mal à s’adapter aux changements de la société française. Le roman se concentre sur les relations familiales, les ruptures entre les différentes générations, opposant sans cesse le côté « avant-gardiste » de certains personnages au côté « vieille France guindée » des autres membres de la famille. Les événements historiques et les grands changements de la société française sont évoqués sans être détaillés ou expliqués : le propos se concentre sur les relations familiales et leur évolution dans le temps.
L’auteur nous emmène au cœur d’une famille provinciale bourgeoise qui essaie de maintenir son influence, son train de vie, sa prestance en dépit de revers de fortune : comment évoluer sans renier ses origines, les traditions familiales ? L’évolution, l’adaptation à la société moderne et à ses changements radicaux passent-elles forcément par une rupture radicale avec le passé ?
Les paroles de Vanessa, au moment d’une prise de conscience douloureuse avant son départ salvateur pour elle, page 284, concentrent l’essentiel du roman :
« Notre décadence économique n’est qu’une apparence dont notre pudeur, ou notre fierté, habille notre décadence morale. Nous mourons de la très haute idée que nous avons de nous-même…Nous voulons nous répandre comme un principe généreux, sans nous demander si nous avons quelque chose à recevoir. Nous nous croyons les conservateurs de valeurs dont, disons-nous, le monde a besoin, sans même nous interroger sur leur pertinence… Nous voulons transformer le monde, sans penser que c’est nous qui avons besoin d’être transformés… Nous nous asseyons sur les fantasmes de la gloire familiale … nous ne sommes que sur un tas de ruines. »
Un roman très bien écrit, dans la trame de Maupassant où l'on suit sur plusieurs générations une famille d'aristocrates préférant l'argent au sentiment. Des personnages très carctéristiques et une évolution des moeurs qui touche même et surtout l'aristocratie.
Ils vivent hors du temps et sont insomniaques « incapables de sommeil et de repos, car nous attendons de revivre notre passé, nous voyons en toute naissance la marque obsolète de notre histoire, nous ne savons pas oublier ». Les Argentières sont de ces familles aristocrates qui n’ont pas su épouser leur temps et leur temps est passé. Le remarquable roman de Camille de Villeneuve raconte cette lente agonie économique et morale, tout au long de la seconde moitié du dernier siècle. Il aurait fallu qu’ils se donnent les moyens (grandes écoles, alliances, relations…) de poursuivre la saga élitiste, d’autres l’ont fait - sans rien renier ; le Who’s who regorge de nobles patronymes associés aux pouvoirs. Eux sont restés confits dans l’immobilisme, « [assis] sur les fantasmes de la gloire familiale, sur les morts accumulés des générations passées, en pensant qu’ils nous élèvent, qu’ils nous donnent du monde un vaste panorama ; nous ne sommes assis que sur un tas de ruines ». Le récit déroule sans se presser (600 pages) les méandres du déclin de la parentèle s’attachant au destin d’une trentaine de personnages. La plume élégante, fluide et précise de l’auteur - qui maîtrise parfaitement son sujet, de l’intérieur semble-t-il - annonce un nouveau talent (c’est un premier roman) qui pourrait s’imposer s’il sait se confronter à d’autres univers.
On dit que la fin justifie les moyens. Ici, c’est le contraire : ce qui compte, c’est le chemin qui mène à la fin plus que la fin elle-même.
En 600 pages, Camille de Villeneuve brosse le portrait de la famille d’Argentières, pièces rapportées incluses. Mariages, naissance et décès, fréquentations et jalousies, déshéritages, mesquineries, coups bas, péchés d’orgueil… Elle n’épargne rien à ses personnages, dans un milieu où l’apparence est primordiale.
L’ensemble est dense, mais l’arbre généalogique qui ouvre le texte est là pour nous guider.
Le tout se lit facilement. Le langage est soutenu, le vocabulaire recherché, les dialogues très plaisants. Les descriptions sont justes, les traits de caractère des personnages plus vrais que nature, il n’y a rien d’inutile. Il nous semble qu’on les connaît, ces gens ; qu’on a une tante qui ressemble à Jeanne, une cousine qui a eu sa période excentrique et ne plaisait pas à la famille comme Jacqueline, un arriviste opportuniste comme Charles…
« Les insomniaques » est un premier roman. On imagine que la famille d’Argentières ressemble à la famille de Villeneuve, ce qui explique tant de justesse - et, parallèlement, tant de détachement. . La plume de Camille de Villeneuve, en tout cas, ne laisse présager que de bonnes choses. J’ai hâte de voir de quoi son avenir littéraire sera fait.
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