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«Je marchais à pas lents de bout en bout dans la Maison, et la traîne de fourrure me suivait comme un lourd serpent louvoyant. Bêtes fauves, bois de camphre, pin qui brûle et pain qui fume, j'emplissais la Maison de chaleur et de lumières. J'en étais la force vitale, l'organe palpitant dans un thorax de charpentes et de pignons.»Hantée par un âge d'or familial, une femme décide de passer toute son existence dans la grande maison de son enfance, autrefois si pleine de joie. Pourtant, il faudra bien, un jour ou l'autre, affronter le monde extérieur. Avant de choisir définitivement l'apaisement, elle nous entraîne dans le dédale de sa mémoire en classant, comme une aquarelliste, ses souvenirs par saison. Que reste-t-il des printemps, des étés, des automnes et des hivers d'une vie ?
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Isadora est maintenant une vieille femme, en EHPAD, entre passé heureux et présent douloureux...
Qu’ils étaient beaux, les étés des la narratrice, dans cette grande maison blanche entourée de végétation : les arrivées des cousins, des oncles et tantes, les cabanes dans arbres.
Mais Isadora Aberfletch est maintenant une vieille femme en résidence pour personnes âgées. Beaucoup des siens sont morts mais elle n’a jamais pu se défaire de la Maison.
J’ai aimé suivre cette femme à l’aube de sa vie se remémorant ses beaux souvenirs : les Noëls illuminés par la petite dernière Harriett ; le frère aîné s’entrainant sans cesse à la trompette dès potron-minet ; la soeur aîné Louisa plus distante.
J’ai aimé découvrir Petite-Mère qui peint des fleurs sans cesse et Petit-Père qui est là simplement.
J’ai aimé la grande-tante Babel et ses pelisses, ses séjours interminables en cure ; l’oncle Bertie et ses cigares au miel.
J’ai aimé les couleurs : la salle d’eau verte toujours trop froide ; le jardin et ses arbres bleus ; le jaune du soleil ; les planches de bois blanc.
J’ai aimé qu’Isadora ait des amours, de passage malheureusement.
Mais j’ai eu de la peine pour cette femme qui vit dans ses souvenirs, particulièrement celui de sa soeur tant aimé Harriett.
J’ai aimé qu’un jour, Louisa lui raconte ce qu’elle n’a pas vu avec ses yeux émerveillés d’enfant.
Et bien sûr, j’ai aimé ne pas savoir dans quel pays ni à quelle époque se déroulait le récit.
L’auteure excelle dans les descriptions de la nature un peu mystérieuse qui abrite les jeux d’enfants.
Un roman doux-amer sur l’impossibilité de la séparation.
L’image que je retiendrai :
Celle des bruits des petits pieds d’enfants courant dans la maison et le jardin.
https://www.alexmotamots.fr/les-guerres-precieuses-perrine-tripier/
C'est typiquement le genre de livre qui n'avait rien pour me séduire : pas d'intrigue à proprement parler, du stricto contemplatif construit autour de souvenirs épars d'une vieille dame. Et pourtant, je le referme émerveillée, et impressionnée par la performance littéraire de cette très jeune auteure.
« Il est des lieux qui vous harponnent. Qui enroulent leurs mailles autour de vos songes, qui ajustent leurs griffes, juste assez pour vous laisser grandir, mais avec dans votre chair la meurtrissure de leur emprise.
Il est des portes dont le bruit quand on les pousse est comme un cri du temps qui brise encore l'oublie.
Il est des escaliers dont on aimerait tant gravir à nouveau les marches, juste une fois, en laissant couleur dans sa paume le poli froid de la rampe.
Çà, c'est la Maison. »
La narratrice, Isadora, est amoureuse de la Maison, sa Maison. Elle lui a tout sacrifié pour y vivre jusqu'au bout du possible. Mais là, elle veut raviver les souvenirs « évider l'espace du présent et faire resurgir, à coups de souvenirs forcenés » les lieux qu'elles aimaient tant et qui ont tendance à s'effacer désormais qu'elle n'y vit plus, acculée à la maison de retraite.
C'est incroyable ce qu'on peut faire avec des mots.
Une écrivaine de 24 ans peut endosser la voix d'une vieille dame avec une maturité confondante pour dire le temps qui passe, la fugacité de la vie et le rapport aux souvenirs autour d'un passé raconté comme un matériau malléable avec lequel il est parfois difficile de s'apaiser tout en l'honorant.
Une maison étrangère peut devenir ta maison d'enfance, même si cette dernière n'a rien à voir avec les descriptions de la Maison tant la magie de l'écriture de Perrine Tripier parvient à capter l'universalité des souvenirs d'enfance, cristallisés, idéalisés autour d'un lieu sacré, citadelle et temple, dont on a tous eu envie de devenir le gardien. Tu as l'impression que les souvenirs d'Isadora sont aussi les tiens.
Par la magie des mots, un récit dans lequel il ne se passe rien de notable, sans dialogue même, se met en mouvement et insuffle de la vie dans des scènes descriptives grâce à une énergie organique. Un récit qui épouse le fil des saisons pour épouser une sensorialité de la nature en évolution, au diapason des émotions humaines qu'elle accompagne, très loin de la nature morte qu'il aurait pu être.
Non il ne se passe rien et on est bouleversé d'un rien tant cette écriture de dentelle se double d'une incroyable finesse psychologique. C'est le genre de roman que j'ai couvert de post-it tant chaque page recèle des phrases-trésor ou de sublimes scénettes comme l'histoire de cette chaussette de la soeur d'Isadora :
« Il y avait, sous son lit, coincée dans la plinthe, une chaussette qu'elle avait perdue enfant. Je l'ai laissée là. On passe l'aspirateur autour, mais son petit pied dépareillé demeure sous le matelas vide. Elle y est encore, cette chaussette, au premier étage de la Maison ouverte au grand vent, rongée de vigne vierge, al façade affaissée de bois pourri, sans doute. Si j'y retournais, là, poussais la porte d'entrée, grimpais péniblement, l'escalier en prenant garde aux deux marches effondrées, remontais le corridor au vitrail cassé, couvert de feuilles mortes dans la lumière usée des murs craquelés, et entrais dans notre petite chambre, nos deux lits seraient encore collés contre la paroi, et la petite chaussette d'Harriett encore coincée dans la plinthe. Je m'assiérais sur son lit, et elle s'assiérait à côté de moi, légère comme une aube, et je sentirais juste son souvenir invisible danser contre mon épaule.(...) Harriett me dirait que c'est l'heure d'aller jouer, et son pas dans le mien me mènerait au bois, moi avec ma canne, elle perchée dans les cimes, riant de me voir si vieille. »
Le tour de force est d'autant plus remarquable que la narratrice n'est pas un personnage qui force l'empathie malgré son grand âge. Son amour pour la Maison confine à la névrose à tant idéaliser le passé au point d'échouer à faire du lien avec les autres, les membres de sa famille, de possibles amoureux. J'ai aimé son ambivalence, la tendresse qui surgit du flot de ses souvenirs, mais aussi la violence jalouse de ses réactions lorsque des personnes investissent la Maison et la « concurrencent », teintant sa nostalgie d'une certaine amertume.
Une premier roman vraiment époustouflant par la qualité de l'écriture qu'il déploie et sa force d'évocation.
J’ai été séduite par les premières lignes, la pluie fraîche sur pelouse bleue, l’herbe mouillée, l’odeur de la terre, les cheveux qui frisottent avec l’humidité...
Bref, faire d’une maison l’objet d’adulation d’une femme âgée à l’esprit encore alerte, c’était bien parti, et puis, et puis...
Isadora, la vieille dame contrainte de quitter sa maison chérie pour un EHPAD sécurisant, m’a intéressée, mais pas les ancien.ne.s occupant.es qui occupent une place prépondérante ; j’ai trouvé cette smala (parents, cousin.e.s, tantes, oncles....) caricaturale au possible (caricaturale donc barbante ?!), au point que j’ai sauté de pages en pages pour atteindre la fin.
L’arrivée du locataire d’hiver a relancé mon intérêt mais le malheureux est expédié en deux temps trois mouvements : dès lors il a été clair pour moi qu’Isadora avait un vrai souci dans son rapport aux autres, tous les autres.
Finalement, que me reste-t-il de ces « guerres précieuses » : un vague souvenir, l'octroi d'un bon point pour le découpage en saison et les pages sur la description de l’hiver à la campagne mais aussi une interrogation concernant le titre (quel rapport avec le texte ?) et les affèteries de style : des majuscules pour la Maison, le Collège, la Ville, le Grand Ménage, pourquoi pas les autres noms communs, une explication ?
Ce livre voyage dans le cadre des 68 premières fois, merci à l’équipe pour cette aventure.
Isadora Aberfletch est âgée et vit désormais en maison de retraite. Il ne lui reste plus que ses souvenirs et plus particulièrement ceux de son enfance. Elle a toujours vécu jusqu'à son placement dans une grande maison de campagne. Ce lieu a rassemblé de beaux moments familiaux mais aussi plus tard des instants de solitude et d'évocations douloureuses. À l'aube de sa vieillesse, Isadora nous conte son histoire et celle de La Maison à travers les différentes saisons passées.
"Les guerres précieuses" est un roman d'ambiance où les sensations olfactives et visuelles sont sollicitées.
L'histoire est intemporelle et insituable. Nous ne savons pas précisément à quelle époque cela se passe ni où. La narratrice nous indiquant seulement que La Maison est isolée dans un village et qu'on se rend à La Ville en train. Il en ressort alors un lieu au charme un peu désuet.
Le récit commence en été. La narratrice Isadora nous présente le domaine et sa famille proche qui s'élargit à cette saison avec la venue de son oncle, de sa tante et des cousins et cousines. Isadora est aussi proche de sa petite sœur Harriett qu'elle est différente de sa grande sœur Louisa. Harriett est son petit lutin facétieux avec qui elle partage sa chambre. Avec son frère aîné Klaus c'est une relation pudique qui se développera.
Au fur et à mesure que les saisons sont égrénées par la narratrice, les souvenirs sont douloureux et l'atmosphère devient lugubre. Isadora tente de s'accrocher à un passé qui n'existe plus.
Pour un premier roman, la plume de Perrine Tripier est habitée et de toute beauté. Elle signe à 24 ans un roman d'une grande maturité.
Le vocabulaire très descriptif m'a permis de m'immerger complètement dans cette grande demeure qui apparaît comme le second personnage principal du roman.
Je n'ai malheureusement pas réussi à m'attacher à Isadora que j'ai trouvé égoïste, oisive, névrosée et parfois acariâtre.
Isadora est très attachée à La Maison, à un point qu'elle en parle comme une entité et la nomme avec un article défini. J'ai trouvé cela très troublant voire malaisant. Je suis quand même parvenue à la trouver touchante sur certains moments.
Le roman tire un peu en longueur à partir de sa deuxième moitié. Isadora se répète dans ses pensées. Cela amoindrit la portée émotionnelle du propos tout en montrant l'obsession pour un temps et un lieu révolus.
Une belle découverte et une si belle plume que je vous conseille.
"Le café dans la tasse est froid comme mon cœur. Qu'on le boive, qu'on en finisse."
J’ai refermé ce premier roman en me faisant cette réflexion : « Que j’aimerais écrire comme cela ! » car l’écriture de Perrine Tripier (qui n’a que 24 ans) m’a totalement éblouie. C’est un roman contemplatif et lent mais j’ai eu du mal à sortir des murs de cette vieille bâtisse, siège des « guerres précieuses » de la famille Aberfletch, et personnage à part entière.
L’autrice prête ici sa plume à une vieille femme qui a déserté la maison qui était toute sa vie pour finir ses jours, bien malgré elle, à l’hospice. Cette femme, c’est Isadora Aberfletch qui a décidé de s’installer dans la maison familiale après la mort de ses parents. Cette maison et elle deviennent vite indissociables.
« La Maison était à moi, et j’étais à elle. J’avais, en prenant les clefs, imbibé les murs de mon ombre. Les étrangers familiers qui revenaient donc pénétraient dans mon cœur et rangeaient leurs valises ouvertes dans mes veines ; peut-être sans le savoir. »
L’autrice fait revivre « d’une voix argentine, l’innocent paradis plein de plaisirs furtifs », comme disait Baudelaire, et les réminiscences classées par saison compose un ensemble parfaitement maîtrisé. Si vous n’y avez pas déjà succombé, laissez-vous charmer par cette grande maison et les différents membres de la famille Aberfletch qui sont, par petites touches successives, très bien dépeints. J’ai eu l’impression de retrouver l’ambiance des Quatre Filles du Docteur March avec un style proche de celui de Giono. Une très belle découverte !
Un roman poétique, délicieux que j’ai découvert dans la sélection finale du prix Orange du livre. Perrine Tripier dont c’est le premier roman évoque avec une justesse incroyable la vie de la narratrice retirée dans une maison de retraite après avoir passé sa vie entière dans la maison familiale. Maison idéalisée au point qu’elle ne s’est jamais mariée de peur qu’un conjoint la lui fasse abandonner.
Au fil des saisons, nous suivons cet amour inconditionnel. Je suis admirative devant cette si jeune autrice qui sait nous partager les sentiments de cette vieille dame. Son enfance dans laquelle beaucoup se reconnaîtront surtout les plus âgés. Les images sont lumineuses, nostalgiques et m’ont fait penser à Giono.
Puis vient l’automne avec sa part d’ombre et enfin l’hiver avant que ne revienne le printemps. Chaque saison rythme cette vie de solitude et Perrine Tripier nous les décrit comme si elle-même s’y était déjà confrontée.
Un texte magnifique de beauté, de nostalgie, de délicatesse, ciselé comme un bijou.
Et on ne peut retenir ses larmes.
Isadora n'a pas toujours été cette vielle dame qui se meurt dans un établissement pour personnes âgées. Toute sa vie s'est déroulée dans la Maison, cette de la famille, de l'enfance, de sa vie d'adulte, loin du monde loin des autres loin de la vie.
Aujourd'hui, à l'aube de sa fin de vie, elle se souvient. Essentiellement de l'enfance, Petit Père, Petite Mère, Louisa Harriet Klaus, Bertie, tante Hilde ou grand-tante Babel, tous revivent à ses côtés, les absents et les morts, les vivants et les présents.
La vie s'est chargée d'éloigner la fratrie après le décès des parents. Mais Isadora fidèle à la Maison n'a jamais quitté la chambre aux lits jumeaux, jamais quitté le bois où elle seule distingue toujours les fantômes de leurs cabanes d'enfants dans les arbres, la pièce où Petite Mère peignait inlassablement ses bouquets de fleurs.
C'est toute cette vie, ces souvenirs qu'elle égrène aujourd'hui dans sa chambre solitaire entre deux visites d'infirmière ou d'aide soignante.
Avec une écriture ciselée, précise, juste, Perrine Trippier fait revivre la Maison oubliée, désormais vidée de ses habitants et de ses souvenirs.
Il y a une application et un soucis de perfection dans cette écriture, une force de description qui rend les souvenirs plus précis que heureux. Le temps qui passe prend ici toute son importance, la vie, l'enfance, le décès des parents, les frère et sœur qui quittent à leur tour la Maison, l'abandon des traditions familiales. De tout cela ressort une fatalité, un besoin pour Isadora de maintenir le fil de ce qui n'est plus envers et contre tout et tous qui m'a fait ressentir une grande tristesse pour la vie manquée de cette femme. Je n'ai pas réussi à m'y attacher. À aucun moment. Malgré les deuils qu'elle a connu, la solitude qu'elle s'est imposée, elle qui s'est astreinte à faire vivre coûte que coûte la Maison familiale.
avis lecture complet sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2023/09/24/les-guerres-precieuses-perrine-tripier/
Remarquable ! CM
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