Les Furies est l'histoire de la quête qu'entreprend un homme (l'auteur) pour conjurer un passé qui l'oppresse et le hante. Personnages, fantômes, idées, un oppressant ballet se joue devant nos yeux et des héros hors série tiennent la scène sans jamais prendre le temps de souffler. Ainsi, dans la famille Porta, cette mère neurasthénique, Teresa, convaincu que le monde est pourri, et qui ne vit qu'afin de trouver les preuves qui nourrissent son obsession ; ainsi Antonio le fils, ambitieux mais sans personnalité, qui se fera fasciste en vain, et jouera avec une prostituée, qu'il épouse, à l'amour sublime. Carla, sa femme, se suicidera à côté de cet homme devenu " un énorme mensonge ".
Puis Angela, qui croit trouver le sens de sa vie dans ce curieux ordre religieux des Madeleines dont la règle est de mêler le bien et le mal et faire se côtoyer les plus vertueuses des femmes avec les plus dépravées, ici les saintes, là les putains. Une prostituée assassinera Angela. L'ordre sera dissous. Contre tous ces morts, contre cette famille, un autre mort : Ernesto, avec qui l'auteur, à Milan, eut d'interminables et véhémentes discussions d'étudiants. Les fascistes ont tué Ernesto, 20 ans. C'est en retrouvant la maison où il vécut adolescent que l'auteur assiste à la résurrection de son passé. Et le voilà à nouveau jeté en plein dans les recherches philosophiques, les folies mystiques, le désir de comprendre le monde, qui ont marqué son adolescence. Il se rend compte que la jeunesse est cet âge de l'homme où l'on comprend les plus grandes vérités, mais sans jamais les vivre. Après, quand on en a les moyens intellectuels, quelque chose manque à jamais et pour toujours, une espèce de grâce. Sortant de cette maison où il a tant espéré, tant désespéré, naguère, l'auteur explique sa conception de l'âme à un Christ imaginaire rencontré au coin de la rue.
Les éléments lyriques et épiques dominent dans Les Furies où nous sommes loin aussi bien du néo-réalisme que du roman expérimental. Ce livre est le récit d'une promenade aux sources, une sorte d'itinerarium mentis, une expérience qui s'accomplit à travers la rencontre de personnes vraies, mais, surtout, de visions, qui sont presque des hallucinations et qui, introduites abusivement aux racines de la vie, sont devenues à tel point concrètes que l'auteur peut les rapporter et les décrire sans rien inventer. En somme, c'est là vraiment un roman " visionnaire ". Il exalte contre l'imagination, l'expérience lucide : un roman " de pointe " qui, contre une certaine et fausse objectivité, revalorise l'intériorité.
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