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Après le décès de son père, Joëlle Leblanc remonte le fil des événements qui, quarante ans plus tôt, le 20 décembre 1975, ont conduit à la mort d'un homme et à l'effacement d'un autre, dans un petit village varois proche de la Méditerranée. Événements prenant eux-mêmes racine dans ceux qui, en Algérie, avaient abouti une décennie plus tôt à une indépendance. En une intense succession de flash-back, celle qui était alors une gamine d'une dizaine d'années raconte la séparation de ses parents, ce que devint son père et ce qui provoqua son exil à elle loin du territoire chéri de l'enfance.
À travers ce roman qui questionne avec acharnement l'articulation des destins, l'autrice sonde les mouvements d'une époque toute à ses révolutions et à ses meurtrissures, où les uns en terminent avec le pardon quand les autres en sont encore à le chercher. Une histoire à hauteur d'hommes, où la traîtrise, le remords, la lâcheté mènent un jeu d'ombres et de dupes. Dans un coin reculé de Provence plus traversé qu'on ne croit par l'histoire coloniale de la France, Isabel Ascencio montre aussi comment les événements d'Algérie toujours vifs dans les mémoires n'en finissent pas d'interroger ce que veut dire être chez soi.
Attention, coup de coeur !
Il y a des livres dont on entend peu parler et pourtant, ils réunissent tout ce que l’on attend de la littérature : une écriture, une réflexion sur les hommes, les lieux qu’ils habitent et qui les habiteront pour toujours, l’Histoire qu’ils traversent et qui s’inscrira à jamais en eux... Tout cela est là, dans le dernier livre d’Isabel Ascencio : un livre fort, très fort, de ces romans qu’on n’oublie pas et dont les personnages nous accompagnent pour longtemps.
Joëlle Leblanc, la narratrice, a quitté le Jura où elle vit pour se rendre à l’enterrement de son père Serge Leblanc, dans le Nord. C’est l’histoire de ce père qu’elle va raconter, un pied-noir, un exilé, qui a quitté l’Algérie en 1962 pour se retrouver un peu perdu dans les rues de Marseille… S’en suivront une rencontre avec une femme, un mariage, deux enfants, une installation dans une commune du Var, avec, en prime, l’achat d’un petit terrain non constructible sur les hauteurs du village, « dix ares de vieilles souches en pentes raides » et un cabanon de douze mètres carrés avec une vue sur la baie de Bandol quand le ciel est dégagé…
Un lieu à soi, pour aller pique-niquer en famille.
Un bout de terre qui rappelle tant les pieds de vigne du trisaïeul, là-bas, en Algérie...
Serge Leblanc aurait pu mener une vie paisible assis sur son coin de terre aride, les yeux perdus dans la contemplation du ciel bleu méditerranéen lavé par le mistral.
Mais un homme n’est pas une ligne droite. Non, un homme est fait de nostalgie, de souvenirs, de paysages, d’images, de sensations, d’attachement à une terre, à une enfance. Et tout cela est là, en chacun, et chacun est la somme de cet ailleurs, de ces territoires, de ces espaces en dehors desquels être chez soi ne va pas de soi...
Ainsi, Serge Leblanc a beau mettre un pied devant l’autre chaque jour, son coeur est resté attaché à l’Algérie et ce qu’il porte en lui du passé va lui jouer des tours car l’on est sensible aux êtres qui ont les mêmes images dans les yeux...
Et pourtant, peut-être aurait-il pu (dû ?) détester immédiatement Michel Garrigou, le Marseillais, une grande gueule qui aime raconter ses « vingt-huit mois d’Algérie et dix de rab dans la foulée », les yeux brûlés par le soleil, les pieds en sang dans les rangers, la trouille qui tord le ventre de celui dont la mission était « le maintien de l’ordre » … Bel euphémisme… « J’ai tout fait pour te le sauver ton pays » dira Garrigou à son ami.
N’empêche, les Arabes, Garrigou en parlera toujours à Serge en disant « tes Arabes »… Et dans ce petit village du Castoul, sur ce même territoire bien circonscrit, il y en a des Arabes : la famille Taïeb par exemple. Tout le monde les connaît bien les Taïeb… Ils ont perdu une fille, une petite Najet, qui n’est jamais rentrée d’un voyage en Algérie.
Bientôt, ils perdront un fils… Les accidents sont si vite arrivés… Le fils Taïeb renversé par une voiture… conduite par Serge Leblanc.
C’est lui, il a avoué...
Et pourtant, ça lui ressemble tellement peu à Serge Leblanc de s’alcooliser, de conduire vite au risque de renverser un jeune garçon sur son scooter.
Un jeune Arabe…
Un portrait sensible et tout en nuances d’un père introverti, silencieux, hanté par les lieux d’avant, ceux de l’enfance, du passé, de la mémoire, un homme « tout résigné au sort qui l’accable, déterminé à survivre encore une fois avec ce qu’on lui laisse », un homme « profondément habitué à perdre.»
Et autour de lui, une femme, deux enfants, des amis qui vont s’inscrire dans son destin, tenter d’y trouver leur place, de l’aimer, de profiter aussi de sa générosité et de sa fragilité...
Un récit très fort et tout en tension… magnifique !
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Un événement en 1975 qui bouleversera la vie de Serge Leblanc, après les événements, ceux d’Algérie, quelques années avant. Joëlle, fille de Serge et Dominique, raconte l’histoire de ce père, ses drames, et retrace une époque, qu’elle inscrira dans quatre cahiers.
Un style littéraire très élaboré, et quelques longueurs, dans ce récit. SI j’ai été plutôt curieuse au début, au fil de la lecture, j’ai trouvé dans le texte une certaine lourdeur, comme une sorte de martèlement autour d’un mystère qui n’en est plus un dès les premières pages. Les phrases, certaines très longues, ont peut-être renforcé cette impression de pesanteur. Ce livre dégage toutefois une certaine atmosphère, qu’Isabel Ascencio a réussi à créer.
Après l'enterrement de son père, Joëlle Leblanc explore le passé pour reconstituer son itinéraire et expliquer pourquoi cet homme, né en Algérie, exilé en France, a accepter un deuxième exil en partant vivre dans le Nord, loin de sa terre natale et des plages méditerranéennes d'où il pouvait encore vaguement s'imaginer la voir. Reconstruisant pas à pas le fil des événements qui vont le conduire à ce double déracinement, elle trace le portrait d'un homme blessé, mélancolique, qui accepte douleurs et humiliations comme si elles lui étaient dues. La tension s'accroît de pages en pages, l'autrice instillant petit à petit les éléments qui permettent de comprendre le personnage, sa nostalgie et ses émotions, et de finalement saisir l'enchaînement des événements jusqu'à la révélation finale, suite arithmétique dans laquelle s'ajoutent exils, douleurs, trahisons et désillusions. L'écriture d'Isabel Ascencio emporte, ses phrases nous saisissent et nous plongent dans un tourbillon qui mêle les micro-événements d'une vie intime aux " événements" de "l'Histoire avec sa grande Hache" comme aurait dit Georges Perec. Le puzzle prend forme peu à peu avec en toile de fond une suite musicale aux notes profondément mélancoliques, comme celles des balades de Leonard Cohen que Serge Leblanc aimait tant.
Les Événements suite, est un roman foisonnant, extrêmement bien construit autour d’un personnage qui ne peut que nous toucher tant ses misères intimes peuvent être l'écho de bien des drames universels.
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