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Au décès de son père, un jeune homme revient a la Martinique. Accueilli par son frère, il va découvrir l'envers d'une île que la France abandonne, une île en proie a des bouleversements écologiques et sociaux, une île ou tout a définitivement change ... comme lui. Poursuivi par ses démons hexagonaux et les visions d'une étrange anguille spectrale, Charles va s'engager peu a peu, entre relations fraternelles tendues et amours multiples, aux côtés des indépendantistes.
Dans son nouveau roman, Les Choses immobiles, Michael Roch décrypte au travers d'une relation fraternelle chaotique les blessures intimes et le virilisme ravageur sur fond de chaos politique.
« Entre les vagues, la terre et le sel ». Michael Roch
Le piédestal de la littérature !
Haut les cœurs !
« Les Choses immobiles » et l’admirable écriture de Michael Roch, dont chacune des phrases est langue humaine, irradiante et spéculative. L’acuité verbale innée. Elle nous attire, nous retient, élève notre regard. L’éminente littérature, efficace, poétique qui, dès la première majuscule, vibre en nous.
Magnétique, engagé, c’est un chef-d’œuvre intranquille, poignant, d’une beauté inouïe.
« Faudrait-il que j’émerge au monde, à chaque jalon, construit hors de ma volonté. Non. Me voir émerger au monde, dans le lieu bleu de la mémoire, me construire en épopée, en puissance, me dire que si j’existe, c’est du cosmos, si j’existe, c’est de la seule force de l’homme – que le reste du monde meurt, ouais, peut-être, mais que je grandis sans lui, dans sa faille ».
Un homme revient. De dos, nous le voyons. La tête baissée, les épaules lourdes et courbées, franchir avec force et courage, la Martinique. Fouler la terre-père, lave de volcan en son cœur, fragile et sublime. Il revoit son frère. L’hospitalité comme la pierre angulaire. Ce dernier est un combat, un homme qui creuse de ses mains l’île. Réfute les disparités, les inégalités, les troubles comme des algues qui chevillent ses élans. Indépendantiste, le bandeau noir sur le front dans cette invisibilité qui renforce. La parabole des mouvances intestines d’une île abandonnée aux astres sombres.
« «Il est temps que le bordel s’arrête. Que la colonisation s’arrête. Qu’on arrête de foutre la poussière sous le tapis ».
La sensualité superbe et assumée, les convictions comme le chant marin dans un coquillage, les frères sont des cris dans la nuit noire. Des retrouvailles fraternelles où se lovent les frustrations. Les existences murailles et bordures d’une île assoiffée de justice et d’équité.
Le revenant, Charles, accueilli dans cette concorde à laquelle il devra rendre des comptes.
Lui, le torturé, le tourmenté, des démons sur sa langue et son ventre, l’anguille spectrale emblématique.
Viril, solaire, le livre est étonnamment manichéen. Entre la trame surdouée et ce que Michael Roch dévoile de finement politique. On reste dans cette latitude d’une histoire essentielle qui est un langage de ténacité, de douleur de de persévérance.
« Tout se passe dans le geste, le geste qui ouvre, qui encercle aussi, qui creuse l’espace où se raconte chaque chose ».
« Une histoire commence par son incarnation dans le corps de celui qui ouvre la ronde des paroles, des danses, des rythmes aussi, des tambours du cosmos. Qui a dit ça ? Qui a écrit ça ? Tomber en possession ? ».
Charles reste cloîtré entre ses désespoirs, ses cauchemars, ses craintes et le poison lent qui diffuse les frustrations et sa vulnérabilité. Il va être embrigadé. Volontaire au fond de lui-même. L’exutoire qui rime avec la rémanence et son retour peut-être à la vie. L’ambiguïté des valeureux. Comprendre combien cette île a changé. Les mouvances intestines des disparités sociétales, les effluves écologiques, et l’appât du gain des puissants. Lui, qui vient de l’hexagone, entre deux rives, relève le danger de la finitude.
Les protagonistes sont assignés à l’immersion bouleversante d’un livre hors du commun. Symbolique et puissamment charnel, la danse des corps et le virilisme comme déontologie, la culture retourne les corps à contre sens. Et c’est beau !
« T’as la mer en toi, Jidé, le courant aussi, le ressac et l’écume qui s’écoule de tes lèvres ».
« Les Choses immobiles » l’obsession cardinale de lutter contre un monde ployé sous les affres. Les changements d’une île qui se moque et méprise les siens. La pauvreté comme une lumière qui vacille en bord de plage. Les résistances comme des vertus.
« Combien de temps met le progrès pour tout manger? Et de quel côté se vide la mer. Peut-être bien des deux ».
Le progrès qui fragmente ce peuple comme du pain moisi jeté aux chiens. Charles est de dualité, d’ombre et de lumière, le noir et le blanc. Un libérateur ou un terroriste ?
Ce récit est tempétueux, sombre et miraculeux.
« Nous ne sommes pas le ban du monde, nous ne sommes pas sa marge, pas sa province, pas son autour. Nous ne sommes pas son évasion, son aire touristique, encore moins sa rédemption ».
Le roman s’efface. Il cède sa place à l’intrinsèque, à la vérité. À la loyauté de l’abnégation. Devenir l’île, s’échapper de la vie. Être l’oiseau de mer qui sera la férocité d’un combat pour que tout change.
La Martinique en fronton, la liberté et la beauté d’un geste final. La violence comme une réponse au silence. Ce livre est un hommage à la lutte des cœurs. Digne d’un génie évident, il défie l’acceptation de l’advenir.
« Retiens bien, 2037, la Martinique devient indépendante ».
Taire le baisser de rideau d’un récit connivence avec notre cosmopolite. Des frères héroïques, la postérité du renom qui foudroie ce livre en majesté. Inestimable, l’anticipation lucide et exhaustive. Publié par les Éditions MU.
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