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Morz est la terre la plus au Nord du monde.
Des siècles plus tôt la neige a cessé de tomber et la glace a fondu, devenue une boue informe et immonde.
Il y a une ombre dans l'Est de Morz ; celle de Noir, un esprit maléfique prêt à tout pour provoquer la ruine du royaume. Sur ses talons court le Second, un guerrier prodigieux, plus cruel et féroce que tous les séides gravitant autour d'eux.
Il y a un enfant sur le trône de Morz : on attend de lui la ferveur de ses ancêtres pour maintenir le royaume dans la Lumière. Mais le prince Jaroslav doute de sa place, de son pouvoir et ne souhaite qu'une seule chose : vivre en paix.
Et dans le Nord, près des montagnes, ourdissent les sorcières, vengeresses, dévorées par le rêve incertain de refaire un jour tomber la neige sur leur monde déchu.
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--- La promesse d’une lecture différente ---
Voilà ce que laissait entendre le synopsis et ce qui m’a attirée dans ce one-shot. La raison même pour laquelle je l’ai acquis en avant-première à La Foire du Livre de Bruxelles. Et, dès le prologue, j’ai plongé dans un monde froid et sanglant qui fondrait bientôt sous les rayons ardents du soleil…
Je ne sais comment l’expliquer, mais ce livre fut une expérience unique, car l’auteure a construit un univers qui sort des sentiers battus. La manière dont elle le raconte participe également à son originalité, mais j’y reviendrai. Alors, certes, on y retrouve des hommes qui se font la guerre, mais pas seulement. D’autres créatures s’invitent dans l’histoire, comme Noir, un esprit prétendument maléfique, les N’dus (je ne saurai vous expliquer qui ils sont) et les sorcières aux intentions cachées.
Mais alors, qu’est-ce qui pèche ? En vérité, j’ai eu l’impression que le puzzle n’était pas complet. Bien sûr, nul auteur ne peut creuser à l’infini son univers, mais je suis restée sur ma faim. Certaines zones d’ombre m’ont frustrée, d’autres m’ont parfois perdue. J’aurais tellement aimé en savoir plus sur la magie des lions ailés, sur les actes commis par Daria. Noémie Wiorek a cependant choisi de ne pas donner toutes les réponses, et je dois reconnaître que ces manquements confèrent à l’histoire un côté mystérieux, presque mystique.
--- Un style d’écriture qui ne fera pas l’unanimité ---
La plume de Noémie Wiorek se veut travaillée, voire poétique par moments. Le résultat est certes remarquable, mais il ne simplifie pas l’entrée du lecteur dans l’univers. En effet, celui-ci est déjà complexe par bien des aspects, et la lourdeur du texte ne fait qu’aggraver les choses.
En outre, j’ai eu la sensation que l’auteure se perdait dans de belles phrases, parfois trop longues, souvent creuses. Quand elles n’étaient pas tout simplement redondantes. Je me suis donc surprise à refermer le livre lorsque ma concentration m’échappait, consciente qu’il ne servait à rien d’insister.
Ah, et j’ai relevé une utilisation excessive des points-virgules. Vous voilà prévenus !
--- Un mot sur les personnages ---
Le synopsis fait mention de plusieurs personnages, et tous sont essentiels pour l’histoire. Noir est certainement le plus énigmatique, mais je ne peux trop en dire sans vous spoiler. Sachez simplement qu’il contribue à l’originalité du récit et que sa relation avec le Second m’a beaucoup intriguée. Au début, elle m’a paru pleine de contradictions, puisqu’ils s’attirent et se repoussent sans cesse. Néanmoins, tout s’explique par la suite, et les révélations à ce sujet m’ont littéralement scotchée.
D’autres personnages vivent dans l’obscurité, mais j’avoue avoir eu du mal à les distinguer. L’auteure reste vague et use de sous-entendus pour les décrire, évoquer leur passé et tracer leur avenir. Bref, quelques précisions supplémentaires n’auraient pas été superflues.
Enfin, n’oublions pas le prince Jaroslav et son champion, Timoslav. Deux fanatiques qui se croient investis d’une mission et, au vu des circonstances, c’est compréhensible. Ils ont ainsi joué le rôle d’antagonistes avec brio, et c’est pour cette raison que j’aurais aimé en apprendre plus à leur propos.
--- Lumière contre obscurité ---
On pourrait croire au premier abord que cette histoire raconte l’immuable combat entre le Bien et le Mal. Mais ne pense-t-on jamais que nos actes et nos croyances sont légitimes, tant que l’on ne connaît pas ceux du camp adverse ? C’est justement ce que Noémie Wiorek démontre avec brio dans Les chat des neiges ne sont plus blancs en hiver. Il ne s’agit donc en rien d’un récit manichéen, au contraire.
Néanmoins, comme vous pouvez l’imaginer, la lutte est éternelle. Tandis que la lumière domine, l’obscurité tente de reprendre la main. Mais ce ne sont jamais que de petites victoires, pour autant de recul. J’ai donc relevé des longueurs, surtout dans la première partie, qui m’ont découragée, car elles ralentissent considérablement l’intrigue. Heureusement, j’ai davantage apprécié la seconde moitié, plus dynamique, plus riche en rebondissements et en révélations.
--- Une pseudo intrigue de cour ? ---
C’est sûrement l’une de mes plus grandes déceptions. En effet, l’auteure amorce complots et manipulations à la cour du prince Jaroslav, tandis qu’il succède à son frère dans la précipitation. J’ai donc fondé de nombreux espoirs sur cet aspect de l’histoire. Cependant, il s’est finalement révélé assez secondaire, d’autant plus que Noémie Wiorek accorde davantage d’importance aux partisans de l’obscurité.
Pourtant, tous les ingrédients étaient réunis : dissensions, meurtres et trahisons, que l’on entrevoit dans quelques passages, mais rien de plus. Vraiment, quel dommage !
--- Un dénouement que je ne comprends qu’à moitié ---
Encore une fois, c’est regrettable. Pourtant, Noémie Wiorek est parvenue à m’emporter avec elle lors du combat final, bien qu’il n’ait pas pris la forme que j’avais imaginée. Mais qu’importe, c’était grandiose !
Toutefois, le double épilogue m’a laissé un goût amer, déjà parce qu’il est beaucoup trop long, ensuite parce qu’il est… farfelu ? J’ignore si c’est le bon terme, mais je n’en trouve pas d’autre.
Je dois reconnaitre que, même si j’aime beaucoup tenir ce blog, je suis parfois saisie par le découragement en voyant le nombre de visiteurs s’effondrent un peu plus chaque mois : j’ai alors le sentiment d’écrire dans le vide, de m’acharner pour rien … A quoi bon passer de longues heures à rédiger des chroniques qui ne seront lues que par une petite poignée de personnes ? Plus d’une fois, je me suis dit que, peut-être, le blog avait fait son temps, et que nul ne s’intéressait plus à ces longs articles mêlant avis personnel et analyse que j’affectionne tant … Soyons honnête : la tentation de tout arrêter m’a déjà effleuré l’esprit ces derniers mois, tandis que les statistiques mensuelles sont en chute libre. Mais il a suffi d’un simple mail pour me redonner du courage et de la motivation : celui du chargé de communication des éditions de l’Homme sans nom, qui me proposait de recevoir l’une ou l’autre de leurs nouveautés … C’était pour moi la preuve que tout n’était pas encore perdu, qu’il y avait peut-être encore un peu d’espoir pour ce petit blog déserté. Et je dois reconnaitre que la simple perspective de recevoir un ouvrage d’une maison d’édition qui m’a toujours « intimidée » par la qualité de ses ouvrages me remplissait de joie : je sentais que j’allais passer un excellent moment de lecture … et j’avais raison !
Depuis bien des siècles désormais, depuis la Grande Fonte, le royaume de Morz n’est plus que boue et gadoue, masse informe où les arbres malingres se dressent et où les animaux à bout de souffle se trainent. Les habitants de cette terre désolée ne connaissent la neige qu’à travers les contes et mythes terrifiants que déploient les prêtres pour mieux louer la bienveillance et la puissance du dieu-soleil Eldan. Balbutiant et trébuchant sur un trône bien trop grand pour lui, le petit enfant-roi Jaroslav se sait l’ultime Elu de la Lumière, destiné à mettre définitivement fin au règne implacable des Ténèbres qui s’accrochent encore ci et là. Mais une ombre plane sans faiblir au-dessus du pays : celle de Noir, sombre esprit maléfique, et celle plus grande encore de son Second, guerrier impitoyable qui sème mort et désolation sur son passage. Soutenus par les troupes N’dus, ces monstres honnis de tous, et par les sortilèges des sorcières vengeresses du nord, Noir et le Second nourrissent l’espoir incertain de faire enfin revivre l’Hiver …
Laissez-moi clamer et acclamer l’audace créatrice de l’autrice, qui nous offre ici un roman original et atypique, aussi surprenant que son titre, qui transcende, sublime et magnifie les codes et clichés du genre pour mieux fasciner son lecteur. Contrairement à ce qu’on pourrait croire et craindre au premier abord, il ne s’agit pas ici d’une énième histoire relatant la sempiternelle lutte entre le Bien et le Mal : ici, l’Ombre et la Lumière ne font finalement qu’un, et on ne peut en réalité soutenir aucun des deux « camps ». On se contente d’observer cette lutte intestine de deux êtres qui ne sont que deux facettes d’une même folie : d’un côté le fanatisme teinté de folie d’un jeune prince qui se veut l’Elu de la Lumière, de l’autre le dévouement aveugle d’un Second prêt à tout pour réaliser le rêve de Noir, cet esprit obsédé par le désir de faire renaitre l’Hiver … Deux rêves, deux illusions, qui broient les cœurs et les âmes, et poussent sans cesse Jaroslav et Agnieszka en avant, tels deux pantins persuadés d’agir librement. Ils se battent pour des causes qui les dépassent, qui les écrasent, auxquels ils ont adhérés sans vraiment savoir dans quoi ils s’engageaient : ils avaient besoin d’un but pour donner sens à leur existence, et se sont laissés convaincre que leur voie était la bonne …
Etrangeté et beauté, rêve et poésie, voici les maitres-mots de ce roman pas tout à fait comme les autres qui a su me captiver, me fasciner, sans que je ne sache véritablement expliquer comment et pourquoi. Je crois que j’ai tout particulièrement apprécié l’ambiance qui se dégage de ce récit : on a le sentiment d’entrer au cœur d’un rêve, qui n’est pas tout à fait le nôtre, pas tout à fait celui d’un autre. Un rêve de blancheur et de fraicheur, un rêve dans lequel on peut facilement se perdre. Comme souvent dans les rêves, tout semble émoussé, le temps semble s’être arrêté … Il y a une certaine lenteur, une langueur même, on se laisse comme bercer par ce récit envoutant et troublant dont on ressort tout embrumé, mais étrangement apaisé. Mais c’est aussi une histoire aussi sombre que violente, où la haine et la folie se mélangent, où l’humanité et la bestialité se confondent, telles ces sorcières liées à leur animal totem dont les esprits finissent par se fondre totalement l’un dans l’autre. La mort est omniprésente, elle rôde au détour d’une ombre, elle se cache au cœur-même de la lumière, elle gicle dans le sang qui se répand. Noir, Blanc, Rouge, les trois couleurs de cette histoire, aussi simple que complexe, aussi brute que puissante …
Comment ne pas être impressionnée par la sublime plume de Noémie Wiorek, qui démontre avec ce premier roman qu’elle a parfaitement sa place parmi les grands noms de la fantasy française ? Il y a une force et une beauté inouïes qui se tapissent au cœur de ces mots, de ces phrases : je suis vraiment tombée sous le charme de cette plume, riche et poétique, qui nous relate avec subtilité et finesse cette histoire qui se démarque indiscutablement de toutes les autres. L’autrice nous invite à partir à la rencontre de personnages tout en nuances qui ne sont ni bons ni mauvais, forts et fragiles à la fois, à la fois attachants et si distants, prêts à se déliter d’une seconde à l’autre et pourtant inoubliables. On ne sait sur quel pied danser avec eux, tantôt on les plaint, tantôt on les exècre. Rien n’est jamais tranché dans ce royaume où les légendes prennent vie, où la lumière et l’ombre se confondent dans le blanc de la neige qui apparait tantôt comme la renaissance d’un monde et comme la mort en marche. Et puis, l’autrice nous surprend, du début à la fin, elle nous offre des rebondissements inattendus, des révélations étonnantes : pas une seule fois elle ne tombe dans la banalité ou la simplicité …
En bref, vous l’aurez bien compris, c’est un véritable coup de cœur pour ce roman qui ne ressemble à aucun autre malgré les apparences, car les apparences sont souvent trompeuses. Bien sûr, au premier abord, on pourrait grincer des dents face à ce récit qui semble rempli de clichés et de stéréotypes, mais il suffit de quelques pages pour comprendre qu’il ne s’agit clairement pas d’une banale lutte entre un Seigneur des Ténèbres et un Elu de la Lumière. Et alors, on ne peut que se laisser captiver par cette histoire envoutante, entêtante, entrainante, par cette ambiance poétique, onirique, mélancolique … par la puissance de ces mots et de ce récit. C’est un roman de fantasy qui fait étonnamment écho aux grandes questions de notre société contemporaine : le réchauffement climatique qui détruit progressivement l’hiver qui repose la terre, la disparition de nombreuses espèces animales qui réduit progressivement à néant la diversité de notre planète, mais aussi la puissance des femmes et de leurs rêves, opprimés mais jamais éteints. Des thématiques qui surgissent en filigrane derrière cette histoire déjà si captivante et passionnante. C’est vraiment un excellent premier roman, et je souhaite le meilleure à cette autrice qui a un grand avenir devant elle !
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2020/06/les-chats-des-neiges-ne-sont-plus.html
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