Il est rare que les Amish du Vieil Ordre accueillent sous leur toit une famille étrangère (" anglaise", comme ils disent) et la fassent participer à la plupart de leurs activités religieuses et sociales.
Jacques Légeret sa femme et leur fils, ont ce privilège de vivre de l'intérieur cette expérience depuis plus de 14 ans, dans une communauté amish de Pennsylvanie où ils ont séjourné plus d'une trentaine de fois. Le récit de cette vie commune est donc d'un grand intérêt d'autant plus que Jacques Légeret, journaliste féru d'histoire et de sociologie, explore le coeur d'une société radicalement différente de celles de notre monde occidental.
Comment est-il possible, au coeur des Etats-Unis, de vivre au XXIe siècle tout en respectant des règles religieuses et morales établies aux XVIe et XVIIe siècles ? Comment parvient-on, au pays de l'individualisme et de la concurrence à outrance, à refuser la compétition ? Peut-on vivre aujourd'hui en refusant d'utiliser les principales ressources de la technologie moderne ? Jacques Légeret répond à ces questions et nous introduit dans une société qui relativise fortement nos valeurs et nos certitudes : malgré un système qui nous semble, de l'extérieur, relativement coercitif, les communautés du Vieil Ordre Amish sont en expansion sans avoir sacrifié une once d'un héritage issu directement de la réforme anabaptiste du XVIe siècle.
Un livre très intéressant qui nous permet de découvrir et connaitre un peu mieux les amish, ces gens « pour lesquels l’horloge du temps a cessé de tourner voilà plus de 300 ans », ces gens qui choisissent de vivre en lisière du monde actuel. Sans électricité, sans télévision, sans automobile, avec un minimum d’instruction, certains avaient prédit leur disparition mais au contraire au fil du temps les amish prospèrent.
L’auteur qui les a côtoyé pendant 15 ans nous décrit leur façon de vivre, de penser, leurs croyances, le rôle des hommes, des femmes, des enfants, ... De même il aborde les différentes « communautés » dérivées des amish et la différence entre être né amish et être un véritable amish.
***
« Notre monde occidental est fait d’expériences et de réalisations personnelles, de recherches constantes, de remises en question (…) de mise en valeur permanente de l’ego. (…)
Le monde amish est un monde de certitude dans lequel presque rien n’est jamais remis en cause (…). C’est un monde d’obéissance et de refus des conventions modernes (…).
Notre monde stimule l’activité créatrice et artistique et il procure une excitation intellectuelle permanente qui parfois nous fait progresser. Par contre, le monde amish procure à ses membres baptisés une tranquillité d’esprit permanente.
Lequel de ces deux mondes est-il préférable ? Ni nous-mêmes ni les Amish ne voudraient et ne pourraient changer de monde : on ne change pas de culture. Ni nous ni les Amish ne pourrions vivre sans les acquis de la science. Ils sont un peu malgré eux, devenus la conscience du monde américanisé, parce que face à tout progrès technologique, ils se posent les bonnes questions, alors que nous l’acceptons aveuglément. »
« Si le progrès signifie utiliser les yeux fermés la dernière technologie, poursuivre à tout prix une carrière personnelle, croire que la science va résoudre tous nos problèmes, alors les Amish sont démodés, voire retardés. Par contre, si le progrès signifie sécurité affective, absence d’anxiété devant le choix, ignorance de la peur à l’approche de la vieillesse, égalité sociale, sauvegarde de la vie communautaire, alors ils sont en avance sur nous. »
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