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Il s'appelle Yossef Hayim Brenner. Il est né en 1881 à Novy Mlini, à la frontière entre la Russie et la Biélorussie. Il est avec Bialik et Agnon l'un des trois grands écrivains fondateurs de l'hébreu contemporain, et sans doute le plus audacieux. Sa vie est brève, il meurt assassiné, lors d'émeutes arabes à Jaffa en 1921, à l'âge de quarante ans. Il laisse derrière lui quelques volumes qui témoignent, en creux, dans l'espace de vingt ans, de la renaissance tumultueuse de l'hébreu moderne, entre la Russie, Londres, les États-Unis d'Amérique et la Palestine ottomane que les pionniers appelaient Eretz Israël. Dans une enquête intime, fiévreuse, littéraire, Rosie Pinhas-Delpuech traque les balbutiements de cette langue réinventée et dessine tout un rapport au monde, amoureux et inquiet.
•NAISSANCE D’UNE LANGUE•
Il y a des ouvrages qui fascinent, qui émoustillent la cornée cérébrale. Le typographe de Whitechapel fait partie de ces textes qui au-delà de faire découvrir un pan de l’Histoire méconnu, manie à la perfection le jeu du désir. Ici, vous découvrirez Yossef Haïm Brenner qui avec talent a réussi l’exploit de raviver la langue hébraïque à travers le monde. Langue condamnée par les dictateurs qu’eussent été Adolf Hitler et Joseph Staline. Langue qualifiée de contre-révolutionnaire, de rétrograde par ce dernier. Le führer quant à lui en voulant déshumaniser ce peuple, voulait leur interdire toute langue et y préférait l’espéranto pour les soumettre. Avec une facilité déconcertante, sans jamais être redondante ou avec ennui, Rosie Pinhas-Delpuech à travers la notion de transmission mais également d’héritage, permet de s’approcher d’une histoire où Jack London au début du XX ème siècle, croise la route de Brenner à Whitechapel. Ce dernier apprendra le métier de typographe, et se lancera dans le pari fou d’une revue en langue hébraïque alors même que cette langue n’existait plus.
Dans un fog caractérisé de l’ambiance londonienne, Brenner arrive sans bagage et sans le moindre sou. L’époque se veut dure et coriace pour les juifs qui arrivent en masse d’Europe. Londres devient une escale pour émigrer aux États-Unis sous la pression des syndicats britanniques. Lord Balfour en 1917 ouvrira les portes d’un foyer juif en Palestine pour créer une terre d’asile à ces individus rejetés qui prenaient le travail des nationaux. Cela devrait vous rappeler certaines choses passées et actuelles… « Brenner est révulsé par la misère, la souffrance, le dénuement matériel et intellectuel de son peuple. »
Quand un peuple est à terre, la création d’une langue peut le sauver du marasme culturel. Peuple qui se déplace constamment à l’époque, la langue mue de la même manière. Lorsqu’elle se fixe elle devient souvent intangible. Avec une subtilité et une justesse déconcertante, l’autrice offre un parallèle entre l’Histoire et l’actualité. Tel un roman linguistique, on s’aperçoit de la fragilité de chaque langage. Le yiddish balayé, l’hébreu réhabilité, l’Histoire demeure à géométrie variable.
Page après page, on découvre ces travailleurs à l’humanité quasi inexistante, comme une antichambre des camps de concentration. Dès 1895 dans un Londres qui deviendra libérateur quarante ans plus tard, des juifs étaient déjà considérés comme des « épinglés comme des lépreux par la société bien-pensante ». Ce livre c’est aussi la découverte des journaux yiddish au folklore assuré, d’une ambiance particulière dans laquelle on se plonge avec émerveillement.
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