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Paolo Rumiz n'en est pas à son premier voyage, lui qui a longé les 7 000 kilomètres des frontières de l'Europe, de l'Arctique à la mer Noire, traversé les Balkans, franchi les montagnes à la recherche d'Hannibal, descendu le cours du Pô... Et pourtant il s'apprête en ce printemps 2014 à vivre le plus étonnant d'entre eux. Son premier voyage immobile. Isolé dans un phare perché sur un rocher au milieu de la Méditerranée, avec pour seuls compagnons les gardiens. Et soudain le sentiment d'être libéré, sans agenda, sans horaires, sans aucune connexion avec le monde, enfin loin de tout mais curieusement peut-être aussi au centre de tout. Un nouvel univers où plus rien ne ressemble à rien, où même les étoiles ne semblent pas être à leur place. Se consacrant à l'exploration de son minuscule environnement, un kilomètre de long sur deux cents mètres de large, il nous raconte la nature, le cri des oiseaux, le silence des poissons, nous décrit le bâtiment où il loge, la lanterne du phare. Il nous parle tempêtes, orages, vents et nous fait partager le quotidien des gardiens, ceux d'aujourd'hui mais aussi ceux de jadis. C'est avec une indéniable volupté que ceux qui rêvent d'île déserte et de vie d'ermite se laisseront entraîner dans ce voyage immobile tout en délicatesse, empathie et érudition.
Un écrit à picorer
Description de la nature, des ciels changeants et des vents... Des passages poétiques.
Extraits:
"Ce n'est pas sans raison que le mot "âme" vient du grec anemos, le vent. Et même dans mon phare, le vent joue avec les âmes."
En lisant ce passage ci-dessous j'ai pensé à ma classe et tous les moments forts et magiques qu'il nous faut saisir pour encourager et valider le jeune apprenant.
"Dans un endroit aussi exposé aux éléments la météo est décisive. Elle vous met à nu, elle évoque les avalanches de visions et réveille la machine à pensées qui sommeille en nous, par la faute de notre vie trop sédentaire.
Hier, par exemple, il a suffi d'une déchirure et, sous un fer à repasser de nuages noirs comme de la paix, est apparue une procession de bateaux turcs, italiens, grecs et asiatiques. Et alors, on a intérêt à courir prendre son téléobjectif et son trépied, parce qu'on sait bien qu'une lumière partielle, on ne la verra jamais."
C’est avec délice et secouée par des vagues d’émotion que je me suis laissée entrainée dans ce fabuleux livre de mer méditerranéenne.
Paolo Rumiz, écrivain-voyageur italien mondialement reconnu, raconte son séjour de trois semaines dans un très haut phare sis sur un îlot rocheux d’un kilomètre de long et deux cents mètres de large, sans le nommer.
L’auteur parsème quelques indices qui m’ont fait ouvrir Google et mon gros Atlas à la recherche des mers et des phares qui pourraient correspondre à l’endroit où il s’est exilé mais en vain. Peut-être le phare de Palagroza en Dalmatie du sud ?... Rien de certain.
Donc, c’est un phare de l’Enfer, nom donné aux phares situés sur des îlots en pleine mer.
« La nuit, cependant, reste étrange. On a l'impression que l'île navigue. »
L’îlot est près d’une fosse abyssale regorgeant de poissons.
La mer est balayée par des vents violents typiques de l’Adriatique : sirocco, brutal et dangereux nevera annonciateur de tempêtes cauchemardesques, bura, tramontane, ou le levantazzo dont il dit : « ce vent d'est humide et infâme est une lamentation, une migration d'âmes mortes, il vous pousse dans les cavernes inexplorées de votre for intérieur » ou encore le levante : « C'est un vent chargé de lumière et de reflets, qui anime la mer de vagues fréquentes et riches d'écume, qui gorge nos rochers de couleurs, qui porte des semences de myrte et de romarin, qui mûrit les figues de Barbarie et les raisins, qui ensanglante de coquelicots les champs de blé, qui féconde la mer de nouveaux poissons… »
« Chaque vent déchaîne en toi une tempête de sentiments inattendus »
L’îlot est quasi inaccessible à la navigation dû à un dangereux relief sous-marin et à une mer particulièrement inhospitalière qui font croiser les bateaux très loin au large. Le phare est aussi une station météo et un observatoire unique sur le paysage maritime et le cosmos.
Paolo Rumiz transcrit talentueusement les nombreuses activités de son quotidien (dont de bons petits plats mitonnés arrosés de frais malvoisie) et son ressenti d’homme seul face aux éléments, à la mer, au ciel tout en évoquant son environnement terrestre restreint inhabité hormis par deux gardiens qui se relaient, de rares animaux (un âne, une poule et un chat), oiseaux, poissons, insectes et végétaux tenant chacun leurs rôles. Dans la bruyère, il déniche du petit fenouil de mer, des bijoux de câpres vert émeraude, de l’ail sauvage et de petites asperges.
« Oui, la vie est une gourmandise qu’il faut mastiquer doucement, sous le soleil ou sous les étoiles.»
Il se rappellera des conversations avec des amis marins, des écrivains-voyageurs, il lira Derek Walcott et Stevenson ainsi qu’un journal ancien laissé sur les étagères de la bibliothèque rédigé en allemand qui témoigne d’un temps passé relatant une tempête où la foudre s’était invitée à l’instar de ce qu’a vécu l’auteur avec stupéfaction pendant son séjour.
Bien entendu, il remplira de nombreux carnets de notes qu’il dit restituer ici, sans modification.
« Sur l’île déserte, où j’ai passé trois semaines et demie, j’ai ressenti comme je ne l’avais encore jamais fait ma responsabilité vis-à-vis de la nature. »
Pour ce récit érudit, prenant, atypique, austère, voluptueux et remarquable, construit en 26 courts chapitres, le jury des Étonnants Voyageurs de Saint-Malo lui a décerné le Prix Nicolas Bouvier, largement mérité.
« Il m'a suffi de m'arracher au vacarme de la terre ferme, à la tempête des SMS, à l'overdose de données, aux débilitantes musiques de supermarché, et de venir sur une île déserte. Là tout est évident. Il y a un système qui nous abrutit de calmants, qui nous maintient dans un état de confusion mentale, dans le but précis de ne pas nous laisser comprendre qu'un gang de pillards est en train de dévorer le monde. Derrière la guerre en Irak, derrière la Syrie, l'Ukraine, les Balkans, derrière tous les «ismes » et les drapeaux, les nations et les religions, il y a toujours cet accaparement éhonté des dernières ressources de la planète. »
Le phare, voyage immobile de Paolo RUMIZ
Une belle histoire de phare, sur une île secrète, l’auteur ne veut pas nous dévoiler l’endroit de peur de la voir envahie de touristes, quelque part en Méditerranée.
Il nous raconte la vie des gardiens de phare et des gens qui s’en approchent volontairement ou pas.
Ce livre est plaisant à lire. J’y ai appris beaucoup de choses intéressantes, même si ce n’est pas un sujet qui me passionne.
Extraits :
La pomme grignotée nous a déjà valu assez de déboires comme ça : d’abord avec Eve et ensuite avec le Web. Je vous prie donc, au cas où vous trouveriez l’île, de ne rien dire à personne, si vous avez le moindre goût pour mes écrits et si vous ne voulez pas voir un lieu béni envahi par des hordes d’infidèles.
Je vous le recommande, mesdames : épousez un gardien de phare. Il vous procurera de quoi manger, il fera briller la maison comme un miroir et vous ne l’aurez pas dans les pattes un mois sur deux, conformément au rythme talmudique idéal pour la durée des mariages.
A quelqu’un comme moi, né dans l’Adriatique, on ne fera jamais croire que les plus beaux phares d’Europe se trouvent en Bretagne ou en Cornouailles.
Les jours de tempête, la lanterne du phare est la meilleure salle de lecture qui soit. On est en haute mer, sans roulis ni tangage, et la fureur des éléments vous enferment dans une enveloppe où fermentent des pensée nouvelles et inouïes.
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