"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Nous sommes à Bizerte, en Tunisie, janvier 1921, sous le protectorat français.
La vie serait presque douce pour le jeune docker du port de Bizerte, Tarik Aït Mokhtari, nageur longiligne et musculeux, s'il ne s'était heurté un matin, dans sa ligne de nage, à un obstacle infranchissable : il ne le sait pas encore, mais il s'agit d'un croiseur de bataille, survivant de la flotte impériale russe qui fuit l'irréversible et sanglante poussée des « rouges » et transporte à son bord toute une population d'exilés, de « blancs » aristocrates désormais appauvris, bousculés par le vent de l'histoire. Mais il ignore la guerre qui divise la Russie. Il vit à Bizerte, il est beau et pauvre, il a une soeur désirable, une mère veuve.
Ce destroyer est-il « maskoun » ? Hanté, habité par un djinn, infréquentable pour le docker aux longs cils ? D'où vient le navire fantôme couleur d'âme grise ? Quel est son nom ? Que cherche-t-il à fuir ? Quelles horribles scènes de pogroms, de fermes incendiées quand les soviets lancent « le coq rouge », pillent, tranchent au sabre et fusillent, quelles images hantent à jamais les passagers du Georguii Pobiedonossetz ? Depuis le 18 décembre 1920, les Russes sont confinés à bord des bateaux de guerre en rade de Bizerte. Des prisonniers flottants. Tarik aurait été avisé d'en rester là. Mais, comme le chant d'une sirène, le docker entend soudain la voix d'une jeune femme, une voix de théâtre, et il aperçoit, chatoyante, sa robe de mousseline blanche, gonfler sur le pont du navire.
A l'instant il en est captif.
Yelena Maksimovna Mannenkhova, fille unique d'un riche baron, personnage qu'on dirait issue de La Cerisaie, a la beauté fragile d'une porcelaine qui va se briser. Chaperonnée par sa tante Sofia, elle fuit la même horreur que toute une classe sociale gisant sans pouvoir s'en libérer dans les coursives d'un navire qui sera leur prison, et peut-être leur destin.
Tarik parviendra-t-il à la rencontrer ? Avant que le cosaque Bissenko ne tranche la blanche gorge de notre héroïne ? Avant que la soeur du docker ne se marie ? Avant que le monde ne referme les rideaux d'un théâtre pourpre sang sur ces deux innocents ? Vivront-ils ?
Le nageur de Bizerte se nomme Tarik, il nage quotidiennement dans les eaux tunisiennes de Bizerte et, un jour, se frotte à la coque d’un cuirassier russe à bord duquel se trouve une créature de rêvevêtue de blanc, Yelena. Nous sommes en 1921. La Tunisie est sous protectorat français et l’aristocratie russe fuit à bord d’immenses bateaux.
Avec une plume élégante et précise, Didier Decoin, nous livre un conte historique avec deux personnages que tout oppose : le milieu social, la culture, le pays, l’avenir …
C’est un récit flamboyant et romanesque, une très belle histoire sur fond politique, des portraits de personnage détaillés.
De la littérature française qui donne toute sa place à notre langue à travers des personnages exotiques.
Ce texte commence par de belles pages de nage : Tarik est docker sur le port de Bizerte et s'entraîne pour la prochaine compétition de natation en eau libre. Nous sommes en 1921, à Bizerte. Tarik va alors se retrouver face à un immense navire et en levant la tête va apercevoir une belle jeune fille habillée de blanc. Il s'agit de Yelena, aristocrate ukrainienne qui fuit avec sa tante les massacres des bolcheviques. Elles ont fui la Russie Rouge avec l'armée blanche et se retrouve bloquées dans le port de Bizerte.
Bizerte est sous protectorat français, est le seul port de la Méditerranée à accueillir les bateaux de russes blancs qui ont fui devant l'avancée des Bolcheviques . Mais les réfugiés ne peuvent pas encore débarqués. Tarik va tout faire pour retrouver cette belle jeune fille. Et ils vont se retrouver et apprendre à sa connaître. Yelena vit dans l'univers de Tchekov et se verrait bien une héroïne de « La Cerisaie ».
Texte de stature classique, romanesque à souhait, Didier Decoin avec une écriture classique nous décrit cette ville en 1921, les habitants qui survivent et observent ces navires russes de réfugiés qui attendent une décision politique. L'auteur nous fiat de beaux portraits de personnages, que ce soit le jeune Tarik, de sa mère, d'Yelena et sa tante, ou des cosaques. Il parle aussi de la Russie de 1919 après la révolution bolchevique et la fuite de l'armée blanche et des aristocrates qui vont chercher des ports de refuge. Il y a de belles pages sur la littérature, en particulier sur le texte "la Cerisaie".
J'ai apprécié cette lecture classique et ai pensé à me lecture récente du dernier texte de Makine, lui aussi académicien, "l'ancien calendrier de l'amour", qui d'ailleurs débute à la même période, en 1918 lors de la révolution bolchevique. Des textes d'auteurs de stature classique, romanesque mais qui font de ces textes des moments agréables de lecture.
#LenageurdeBizerte #NetGalleyFrance
1921, Bizerte, sous protectorat français, est le seul port de la Mediterranée à accueillir les bateaux de russes blancs qui ont fui devant l'avancée des Bolchéviques .
Deux personnages que seul le hasard permet de se rencontrer : Tarik, un jeune et modeste docker, nageur en plein entraînement dans le bassin du port, aperçoit sur le pont d'un des cuirassiers rouillés et immobilisés qui encombrent le bassin, Yelana, une jeune aristocrate russe toute vêtue de blanc dont la voix le séduit : une apparition qui bouscule sa vie et qui constitue le point de départ du roman dont je vous laisse le soin de découvrir la suite.
Ce ne sont pas tant les étapes de l'intrigue amoureuse à laquelle on s'attend qui forment le cœur de l'oeuvre, mais bien plutôt le passé de chacun des personnages.
Pour Yelana, sa jeunesse privilégiée de Russe blanche dans un riche domaine et les péripéties de sa longue fuite en compagnie de sa tante pour échapper à la terreur de ses poursuivants, puis de la vie inconfortable qu'elles mènent confinées dans ce bateau pourri dont elles n'ont pas le droit de sortir .
Pour Tarik, c'est son état d' humble employé portuaire en charge d'une mère veuve et d'une soeur courtisée par un photographe américain, dont le prochain mariage dans la tradition berbère entraîne des frais considérables.
Un magnifique ouvrage romanesque à cadre historique , fortement documenté, construit sur une narration alternée entre deux pôles géographiques : la Russie en 1919 et le port de Bizerte en 1921.
Didier Decoin prend son temps pour installer son lecteur dans ces deux atmosphères opposées, pour en faire ressentir les couleurs, les odeurs, les bruits. Il y déploie l'écriture classique, élégante et souple qu'on lui connaît déjà. Sa phrase, le plus souvent longue, au tempo musical, s'élance progressivement , sans heurts , plane élégamment sur plusieurs lignes avant de retomber, comme dans une tranquillité majestueuse.
Du grand art !
La mer était vide, et soudain ils sont là, surgis du néant comme une escadre fantôme : des centaines de navires de toute taille, dépenaillés et brinquebalants, venus s’entasser sur le lac de Bizerte, cette lagune au sud de la ville éponyme transformée en rade militaire par le protectorat français de Tunisie. Vestiges de la flotte de l’Armée blanche, ces bâtiments ont à leur bord cent cinquante mille réfugiés, civils et militaires, évacués de Crimée trois mois auparavant alors que les unités de l’Armée rouge s’apprêtaient à envahir cette seule région russe non encore tombée sous leur contrôle.
La France ayant accepté de leur venir en aide, ils affluent en ce début de 1921, pour un internement dans le port de Bizerte dont on ignore encore qu’il durera presque quatre ans. Quatre ans d’une lente décomposition pour ces bateaux bientôt irrécupérables. Quatre ans d’une longue attente pour les exilés restés à bord tout ce temps, maintenus en vie par l’aide d’urgence française et par le troc mis en place avec la population locale. Alors seulement, le gouvernement français ayant reconnu l’URSS, ce qu’il restera de l’escadre sera rendu aux Soviétiques, et les émigrés russes autorisés à poursuivre leur exode vers la métropole.
S’emparant de ces événements méconnus, Didier Decoin a composé une poignée de personnages mirifiques, pour un roman aussi magique que tragique. A bord du plus grand cuirassier de ce camp de réfugiés flottant, la jeune Ukrainienne Yelena, toujours miraculeusement vêtue de blanc malgré la crasse et la noirceur ambiantes, survit en se prenant pour une héroïne de La cerisaie de Tchékhov, comparable dans son esprit à son ancien domaine de Zagoskine. Docker sur le port et nageur émérite, Tarik est fasciné par la silhouette immaculée et la voix de miel de cette fille entr’aperçue de loin. Se rencontreront-ils et parviendront-ils à se prêter main-forte dans ce télescopage improbable de leurs mondes diamétralement opposés ? Il leur faudra compter avec la folie des hommes, tapie à fond de cale comme l’un de ces aliens survivant aux voyages spatiaux...
L’exactitude historique sous-tend ici une fiction flamboyante, un feu d’artifices sensoriel où se retrouve l’une des marques de fabrique de l’auteur : chaque page est un concentré de couleurs, de saveurs et d’odeurs dont on ressort ébloui et enchanté, conquis par l’élégante précision de la plume et par la puissance d’évocation de ce conteur-magicien. Un roman que l’on se plaît à imaginer adapté à l’écran.
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