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Le Paris des années 1990 est le décor d'un amour improbable entre un psychiatre et sa patiente. Pour lui, septuagénaire, survivant des camps nazis, le souvenir semble la clé de la joie de vivre. Pour elle, élevée derrière le rideau de fer, le corps est un obstacle dont il a fallu apprivoiser les limites.
Cet amour passion, amour transgression, dérangeant et fascinant, vrai et profond, jaillit comme une nécessité des débris des mémoires totalitaires. Il se développe dans la fugacité d'un présent hanté par le passé mais sans véritable avenir. Car la maladie fait son apparition, telle une tierce personne qui s'infiltre dans la relation. Les deux amants pourront-ils s'aimer dans plutôt que contre la maladie ?
C'est la confession d'une jeune femme de 35 ans que la peur empêchait de parler et d'exprimer librement ses pensées et ses sentiments pendant la période de la guerre froide. Derrière le rideau de fer, une enfance et une adolescence aseptisées de toute émotion même envers son père et sa mère au point d'inventer dans son corps un nouvel organe, le muscle du silence.
Installée à Paris après la chute du Mur, c'est au bout de plusieurs années qu'elle entreprend le lent apprentissage de la guérison auprès d'un psychiatre un peu excentrique ayant le double de son âge. le lien fort qu'elle entretient avec le vieux médecin qu'elle voit au début comme un clown car elle n'arrive pas à cerner le vrai du faux et voit plutôt les séances comme une mascarade, lui ouvre en réalité la porte de son âme et de sa personnalité.
Elle ose enfin vivre, être elle-même dans un Paris dont l'anonymat la rassure. Elle apprend à se délivrer des mensonges, elle trouve en elle la force et le courage de tout apprendre, à se faire sa propre opinion, à être elle tout simplement . Mais cette lente découverte d'elle même ne se fait pas sans douleur mais elle est nécessaire comme une blessure qui doit saigner pour guérir. Pour l'aider, elle lit beaucoup, elle écrit les mots, les décortique, les avale sans plus les vomir comme lorsqu'elle était anorexique : « A présent, je dégustais les mots, leur accent, leurs enchaînements inhabituels et pétillants, les épices de l'humour, le goût exquis de la subtilité. Je croquais dans les phrases comme dans des macarons-avec retenue-, la fine croûte se fendait et laissait se répandre en moi la crème, le sens. »
L'esprit de la jeune femme s'éclaire et libère aussi son corps dont elle a entravé la féminité par nécessité car « au nom de la féminité, il fallait baisser la tête. »
De ses rendez-vous avec son médecin, un nouveau mot va s'écrire « désir » qu'elle analyse de manière quasi chirurgicale et expérimente « C'est en marchant ou en roulant – en étant dans le mouvement- que Paris devenait érotique. »
Le médecin, rescapé des camps de la dernière guerre se confie lui aussi au lecteur par des paragraphes en italique dans le texte. D'abord hésitant et ne répondant pas aux nombreuses lettres que sa jeune patiente lui envoie, il prend avec elle le chemin de l'amour comme deux funambules sur le fil du destin mais une dernière épreuve les attend.
En lisant ce livre bouleversant, j'ai en mémoire les images du film argentin de Diego Lerman «L'oeil invisible », qui portent tous les deux en leur coeur le souffle de l'émancipation et de la résilience.
Je remercie Libfly et les éditions Intervalles pour ce moment de lecture dans le cadre de la voie des Indés.
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