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L'aménagement du territoire concentre de très vives tensions politiques, alors que la concurrence internationale fait rage entre les grandes métropoles et entre les régions (y compris au sein de l'Europe). Les représentants politiques élus, ayant pris acte de leur impuissance face à cette évolution (ou conscient de l'intérêt qu'ils y trouvent), soutiennent et encouragent des projets d'aménagement qui ne font l'objet d'aucune concertation publique véritable. Cette tendance, dont l'origine se trouve selon Hacène Belmessous dans la construction du quartier de la Défense (EPAD, 1958), prés carré gaullien n'ayant à l'époque toutefois fait l'objet que d'une faible contestation, est symptomatique de la séparation toujours plus grande entre les habitants et leurs représentants élus, sur fond de retrait de l'État, et d'une défiance toujours plus grande des citoyens vis-à-vis de ces processus, qu'Hacène Belmessous qualifie de « dé-démocratiques ». Grand Paris, Notre-Dame-des-Landes, barrage de Sivens sont aujourd'hui le terrain de véritables batailles, qui voient s'affronter, parfois brutalement, la force publique et des individus « hyperréalistes » fermement décidés à entraver la marche du « lobby spéculo-marchand ».
Si c'est bien d'un processus de « dé-démocratisation » auquel nous avons affaire, c'est notamment en raison de la mise en place de partenariats « publicprivé » (dont l'invention remonte seulement au début des années 1990, au Royaume-uni). À présent généralisée sans avoir fait l'objet d'une quelconque concertation éléctorale, ces partenariats consistent à confier la construction et la gestion d'équipements et d'aménagements publics à de grandes entreprises du BTP. Hacène Belmessous décrit ainsi de façon très instructive les cellules de communication spécialisées mises en place par ces « bétonneurs » à l'attention des politiques ainsi qu'à celle des usagers (thinktank, ou fondations). Lorsqu'on connaît la puissance financière de groupes d'envergure mondiale comme Vinci, Eiffage ou d'autres, leur proximité historique et « organique » avec les représentants élus au plus haut niveau, ainsi que leur présence au sein des principaux groupes de médias, on comprend que la consultation citoyenne ne constitue pas leur priorité (ils n'y sont d'ailleurs pas formellement soumis). Cette confusion des genres est devenue exemplaire de la désorganisation du fonctionnement républicain.
Qu'en est-il alors des leviers d'action dont disposent encore les habitants-citoyens ? Depuis la lutte du Larzac (1971-1981), soldée victorieusement par le renoncement de Mitterand à l'extension de l'emprise militaire sur le plateau, il semble acquis que seule une mobilisation locale vigoureuse est susceptible d'infléchir un projet d'aménagement particulier. Autrement dit, en l'absence prolongée d'alternative politique, toute victoire lors d'une lutte locale ne constituerait que l'exception à la règle du renoncement institutionnel généralisé. C'est cette orientation pessimiste qui caractérise le présent essai : quand, peut-être, le barrage de Sivens ne verrait « reporté sine die », le dernier mouvement social enregistré en France, celui des émeutes de 2005 dans les périphéries des grandes villes françaises, aura simplement été réprimé, et leurs habitants, rayés de la carte citoyenne, victimes d'un « séparatisme social » plus que jamais à l'oeuvre.
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