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Les images d'Antoine d'Agata sont tramées dans du politique. Il les arme de sa révolte, de sa conscience et de sa lucidité. Toujours, en creux, en saillie, en fond, en figure, le politique est là. Dans la violence aussi parce que dire ne peut se faire dans les demi-tons. C'est un cri, un soulèvement qui viennent de loin, d'abord retenus dans le silence où Antoine s'est muré pendant ses années de vie dans la rue : « Entre dix-sept et trente ans, mon existence a été essentiellement marquée par des choix absolus liés au refus de toute compromission : la rue, la zone, la défonce, l'errance ».
La photographie a ouvert la brèche, libéré le passage à un exister qui trouverait sa forme dans « un langage qui lui permettrait d'aller jusqu'au bout de mes choix ». Ceci n'est pas sans contradictions : « Le langage pris, filmé, photographié n'est jamais un équilibre. Dès qu'on est dans la vie, les images sont de la merde, dès qu'on est trop dans la photographie, la vie passe... du coup, tout ce que je peux faire, c'est tenter en permanence d'atteindre cet impossible point où la vie et le langage qui rend compte de la vie se confrontent . » Aucune image n'existe pour elle-même, chacune d'elle vient écrire une histoire sans début ni fin. Elles arrivent, portées par un souffle qui s'épuise, une fatigue de plus en plus extrême. Mais tenues par une volonté de continuer ainsi parce que c'est le seul moyen qu'Antoine a trouvé pour affronter sa position « vis-à-vis de la nuit, vis-à-vis du monde, vis-à-vis de toutes ces rencontres, de toutes ces trajectoires ». Il dit aussi : « Je suis plus radical aujourd'hui que je ne l'étais . » Ses contradictions sont ses forces, ses fragilités sont son humanité. Toujours entier, ses avancées sont des tracés d'existence où jamais le confort d'un acte photographique ne vient altérer l'image. Dressé, lucide, sensible : « Je rappelle que quand j'ai fait mes premiers textes, je disais qu'on ne peut pas vivre et se photographier en train de vivre. Tout est impur, rien n'est pur, rien n'est vrai, rien n'est faux, on est dans une tentative...
Le fait de baiser en faisant des photos en même temps, cela rendait l'acte sexuel plus intense, plus conscient, tu le vis, tu le sens, tu le regardes, de l'extérieur, de l'intérieur, tu multiplies les perspectives, tu multiplies les sensations, mais tout est faux, dès que tu mets une caméra, un appareil, tout est faux. Personne n'oublie qu'il y a un appareil mais de mettre l'appareil, ça force à aller plus loin... Et c'est ce qui s'est passé pour moi avec la photographie en général, de commencer à faire des photos m'a forcé à aller plus loin dans mes choix et le langage photographique m'a donné le moyen au moins d'être sensible à mes contradictions, à mes forces . » Une voie qu'Antoine n'a pas quittée. Obstinément, résolument, il s'y est tenu. Mais après des années, il y a le constat : « Mes tentatives de revendiquer ce que je fais et ce que je suis n'ont pas abouti. Mais je dois aller jusqu'au bout, titrer les conséquences de cette remise en question de la photographie, lui donner une forme cohérente, rendre compte de façon plus juste et lucide de mon appréhension du silence et du vide . » Aller plus loin encore, sans répit, continuer jusqu'à l'exhaustivité. L'excès comme art de faire, comme résistance...
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