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Non une histoire de la poésie anglaise (de tels projets existent déjà), mais un effort pour saisir ce qui fait sa spécificité, son « anglicité », ce qui, malgré les différences d'époques et de tempéraments, réunit des auteurs comme Chaucer, Shakespeare, Milton, Keats, Tennison : poésie d'un peuple dont le réalisme et l'empirisme n'excluent pas l'élan vers le sublime et qui jusque dans l'épopée admet le quotidien voire le trivial ; fortement conditionnée par une langue panachée, qui associe, depuis Leland et Chaucer, le fonds anglo-saxon, proche du commun et du familier, riche en accents et en monosyllabes, et le fonds franco-latin, avec ses polysyllabes et sa faculté à produire de l'abstrait, et ainsi baignant dans le réel tout en visant au delà, étrangère à la mimesis qui gouverne la poétique française pour inventer l'anaktisis, qui est moins imitation que recréation, regénération. Oeuvre d'un savant mais d'abord d'un poète et d'un poète en langue française, cette méditation, illuminée par la citation de mille textes merveilleusement commentés, dépasse largement l'étude de la poésie anglaise, elle revient, en lui donnant le cadre le plus large, sur les réflexions qu'inspirait à Claudel dans un court essai étincelant le parallèle de Shakespeare et de Racine ; et enfin, bien au-delà et à chaque instant (voir les pages consacrées à l'allitération ou aux traductions, ou cette définition de la prosodie : la parole qui chante), invite le lecteur à réfléchir sur l'être même de la poésie.
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