Ce road-movie intimiste est l'une des BD à ne pas manquer en cette rentrée
« Ce soir-là, c'est en marchant et en tremblant que je franchis les cent mètres qui séparaient les deux maisons. J'entrai mort en fermant les yeux. J'étais à la fois éperdu de peur et assoiffé de la voir. Je voulais fuir pour empêcher qu'arrive ce moment qui serait celui de la dernière fois et voulais rester pour ne pas le manquer. Je pressentais cependant qu'il y avait là un devoir, une exigence qui ne me venait pas de la tête ou de la poitrine, mais de tout ce que j'étais, chair, sang, esprit, d'une pièce, à tout jamais entier.
La sonnette de la porte d'entrée, que je trouvais d'habitude si joyeuse, eut un mauvais rire. Il n'y avait pas de client et je ne savais plus si j'en étais content ou malheureux. Elle apparut presque aussitôt. Elle avait une robe brune que je ne lui avais jamais vue, qui mettait en valeur sa peau blanche et ses cheveux roux dénoués, lâchés sur ses épaules. Elle avait des larmes dans les yeux comme ma mère.
Dès qu'elle fut là, la mort, la peur, l'envie de fuite disparurent, il n'y eut plus qu'elle. Elle avait mis un genou au sol et me serrait dans ses bras. Ce fut trop. Je me mis à sangloter comme sanglotent les enfants quand les circonstances font que leur enfance sombre en eux.? » Pierre Popovic vit au Québec et enseigne la littérature à l'Université de Montréal. Le dzi est sa première ouvre de fiction.
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