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Chaque société a toujours voulu accomplir, avec les corps des personnes qui la constituent, des métamorphoses, pour modifier leur image originelle, fabriquer une représentation qui transcende une réalité brute, trop naturelle. Mais en Afrique ces altérations de l'apparence sont également un art, au même titre que les masques, la statuaire. Avec une forme esthétique des coiffures, des peintures corporelles, des parures, aussi accomplie que celle de la sculpture. En certaines contrées, plus le corps est orné, plus sa présence, charnelle, spirituelle, est grandie, sublimée. Pour le transfigurer ? Le restituer plutôt à lui-même, le faire devenir ce qu'il est : une peau devenue graphisme, travaillée au même titre que les matières des sculpteurs, des orfèvres. Le magnifier comme on le ferait d'une statue, ce n'est pas le déformer mais le transmuer, d'un état indifférencié, vers la culture. Dans certaines contrées, quand un matériau, bois, pierre, métal, fait défaut, que reste-t-il, sinon son propre corps ? S'il est vrai que l'Afrique est entrée dans les contraintes et le jeu de la civilisation européenne, et que les scarifications, par exemple, sont souvent abandonnées, il existe encore des lieux, isolés, où les arts du corps sont célébrés comme autrefois. Loin des villes : au centre du Niger, au sud de l'Ethiopie, au nord de la Tanzanie, dans le bassin du Congo, certains peuples, avec une admirable obstination, refusent encore les us, les coutumes, les modes vestimentaires occidentales.
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