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Au coeur du propos d'Ivan Colovic figure l'héroïsation des criminels de guerre, parfois célébrés par des vers décasyllabiques, qui réactualisent la figure mythique du haïdouk, du bandit au grand coeur, ami de son peuple et des petites gens. L'auteur part du cas emblématique du bandit Ljuba de Zemun, tué en Allemagne dès 1986, pour étudier celui des chefs de milice du conflit : le capitaine Dragan, « nouveau héros guerrier serbe », Zeljko Ranatovic Arkan, le Croate d'Herzégovine Mladen Naletilic Tuta (aujourd'hui détenu à la prison internationale de Scheveningen), ou les Bosniaques Jusuf Praina Juka, Ramiz Delalic Celo et Muan Topalovic Caco (« Des criminels héros de la guerre »).
L'auteur s'attache aux liens entre ce « folklore politique » et la religion, à travers les exemples de la Serbie et de la Croatie. Les guerriers modernes sont en effet présentés comme des parangons de vertus chevaleresques, les combattants serbes mettant leurs pas dans ceux des héros de la bataille médiévale de Kosovo. Les chansons du tournant des années 1980 et 1990 n'hésitaient pas non plus à souligner le caractère messianique des leaders nationalistes.
Ivan Colovic étudie l'ensemble des productions qui portent la trace et constituent ce « nouveau folkore », comme la bande dessinée, avec l'exemple fameux de l'aventure des « Kninja », qui se battent « pour la liberté de la Krajina serbe », avec la belle et pulpeuse Milica, mais aussi l'exemple du superhéros croate Superhrvoje, qui dispose naturellement de pouvoirs fort spéciaux pour disperser les tchétniks, et dont l'histoire trahit l'influence bien visible de La guerre des étoiles...
La violence, la cruauté, la frénésie, mais aussi à l'occasion le rayonnement d'un halo mystique caractérise ces super-héros modernes, ces « saints guerriers », que sont les combattants des guerres yougoslaves. L'essai qui donne son nom au recueil s'intéresse plus particulièrement au lien bien connu, au moins depuis Freud, qui se tisse entre Eros et Thanatos dans le contexte de la guerre. En écho à l'exaltation de la libido qui précède, accompagne ou suit les combats, on retrouve bien sûr le dénigrement de ceux qui refusent de combattre, des pacifistes ou des déserteurs, nécessairement des « pédés ». Ce déferlement de références sexuelles est l'un des traits marquants du discours de la haine dont Ivan Colovic déchiffre l'archéologie et parvient à reconstituer la logique et la genèse.
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