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Je suis envahie d'une froideur bizarre, je frissonne. Je suis transie et molle.
A` coup su^r, je suis seule et dans des ténèbres hostiles.
Le silence... si ce n'est cette machine insolite qui grogne et halète tout près de moi.
Aucun souvenir.
Des bruits de pas. Une voix féminine :
- Bonjour, Lucie, comment vas-tu aujourd'hui ?
Je veux répondre, mais j'en suis incapable.
Aucune logique pour expliquer cet état, mon état. Suis-je morte ? Aveugle ? Paralysée ? Immobilisée ?
J'essaie pourtant de me concentrer, de bouger ne serait-ce que ma langue, mais rien ne suit ma pensée.
Je n'ai plus de bouche...
Afin de nous interpeller sur les thèmes de la filiation, de la résilience, de l'érotisme et de la renaissance, l'auteure nous présente une victime d'attentat, plongée dans le coma, dont l'esprit chemine entre une douloureuse réalité et les portes de l'au-delà où elle trouve réconfort et espoir.
Lucie et son papa reviennent de leur visite de l’exposition Klimt, ils sont heureux de ce moment partagé, presque volé au quotidien .
Une parenthèse qui s’achève brutalement par l’explosion d’un attentat aveugle, qui tue Jean et plonge Lucie dans le coma.
Cette parenthèse se transforme en digression pour Lucie qui flotte entre deux mondes. L’un, l’attire dans un cocon douillet et presque joyeux, l’autre essaie de la ramener à la surface de sa vie, celle d’avant.
L’auteur nous amène avec finesse dans cet univers nébuleux.
« J’ai l’impression que ma tête est comme la boîte d’un puzzle qui aurait éclaté dans l’espace, et où chaque morceau chercherait en vain son voisin…
Cette immobilité forcée est incompréhensible.
Je me concentre et tente de commander mes doigts de remuer, mais aucun n’obéit. »
En dehors de ce dernier, de beaux portraits se dessinent de l’entourage : l’univers médical, familial et amical.
Des portraits tendres, d’autres caustiques. On a de l’empathie pour le mari et la sœur. La mère nous fait rire jaune avec son égoïsme, on connait tous des gens qui quelles que soient les circonstances sont repliées sur leur nombril, entre agacement voire sentiments plus violents et pitié nous fluctuons.
Les tableaux de Klimt sont déployés sous nos yeux en mots choisis, célébrant les femmes et la vie. Les couleurs flamboient sous nos yeux, les lignes se dessinent, les sensations sont exacerbées.
Le quotidien de chacun est bouleversé, un planning s’établit avec naturel pour former une chaîne bienveillante autour de Lucie.
Chacun déploie des trésors pour faire face et aucun d’entre eux (ou presque) en sortira différent…
Le temps est suspendu, mais la vie continue. De cette incertitude chacun va tirer un fil d’une pelote de laine et repousser ses limites pour que le fil ne se rompe pas.
Dans le doute, dans cet univers inconnu les gestes banals du quotidien sont autant de ressorts qui viennent dompter les angoisses.
La narration toute en délicatesse et grâce fait bien ressentir les divers aspects de cette situation.
Si le sujet est d’apparence lourde, l’auteur y a mis beaucoup de vie, d’éclairs joyeux car rien n’est noir ou blanc.
Elle a su nuancer en permanence les situations sans tomber dans le pathos.
Elle a écrit un roman de vie, bien mis en lumière où le lecteur peut se voir endosser plusieurs rôles.
Les personnages de Martine Magnin sont autant de reflets de chacun de ses lecteurs.
J’aurais préféré une pagination avec des chapitres distincts pour ce roman polyphoniques, sans ces titres « Lucie » « Les autres » qui visuellement m’ont gênée. Mais c’est un sentiment personnel. Pour la description des tableaux de Klimt j’aurais choisi un encadré sur une page, comme les cartels dans une exposition.
Merci aux éditions Pierre Philippe et à l’auteur pour ce SP.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 11 août 2019.
Martine MAGNIN nous fait vivre un véritable tour de force, accrochez-vous, il y a 210 pages au programme ! Ouvrir le roman "Le baiser de Gustav", c'est assurément monter dans un ascenseur émotionnel, vous allez être suspendu(e) aux lèvres des médecins, vous allez vous emballer pour un frémissement de paupières, vous allez perdre espoir aussi... Vous allez encore, et c'est là une originalité de la narration, accompagner Lucie dans ses délires. Entre deux environnements, ses pensées naviguent, il y a la réalité qu'elle aimerait parfois retrouver et les rêves dans lesquels elle apprécie de se ressourcer, cet univers cotonneux, douillet, merveilleux, qui la met à l'abri des agressions, au sens propre comme au figuré.
Il y a ce fil tendu entre la vie et la mort sur lequel Lucie marche comme un funambule, une temporalité pendant laquelle rien n'est joué, tout peut encore arriver, un lieu de transition, cette chambre d'hôpital dans laquelle la patiente est appareillée pour surVIVRE. Le champ onirique offre des envolées paradisiaques, des pauses salutaires, des moments entre parenthèses empreints de sérénité, de calme et de douceur. Le roman tout entier est affaire d'équilibre.
La plume de Martine MAGNIN, est singulière, elle a une manière unique d'aborder la vie, les sentiments, les relations d'amitié, la maternité... le tout mené tambour battant et en beauté s'il vous plaît.
En parlant de beauté justement, l'écrivaine invite prodigieusement l'art, la peinture, le grand Klimt dans un roman déjà haut en couleur. Là, je ne vous dévoile pas de grand secret, le titre est à lui seul évocateur. Quant à la première de couverture, elle est une copie de la toile du maître autrichien mondialement connue, une de ces œuvres que l'on se délecte à regarder, l'œil attiré par moult détails, charmé par la splendeur des étoffes, séduit par l'expression du visage de la femme portée tout entière par le désir, enveloppée par les bras et la cape de l'être cher.
L’écrivaine rivalise d’ingéniosité pour nous peindre un tableau familial divers et varié. Outre le fait d’accompagner Lucie, chacun tente de mener sa vie, partagée entre le travail, les enfants pour certains... Le quotidien est ponctué de mille et une péripéties donnant du rythme au roman, les destins se croisent, les histoires s’entremêlent, et la chute, quelle chute, juste magistrale !
Le tout servi par une plume sur laquelle je ne reviens pas, je crois que tout est dit, enfin presque... les mots sont tendres, les phrases belles, le propos lumineux, l'écrivaine nous met, le temps d'une lecture, sous perfusion. Elle nous fait une injection de sa philosophie de vie pour renforcer la confiance en soi et nous inciter à aller jusqu'au bout de nos envies. Elle nous fait couler un goutte-à-goutte de plaisir et de volupté. Je crains déjà le sevrage !
http://tlivrestarts.over-blog.com/2019/04/le-baiser-de-gustav-de-martine-magnin.html
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