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Avant de devenir le célèbre dessin animé de Takahata Isao, La Tombe des lucioles est une oeuvre magnifique et poignante de l'écrivain Nosaka Akiyuki. L'histoire d'un frère et d'une soeur qui s'aiment et vagabondent dans l'enfer des incendies tandis que la guerre fait rage ; une histoire qui est celle que Nosaka vécut lui-même, âgé de quatorze ans, en juin 1945. Mais Nosaka, c'est aussi un style inimitable, une écriture luxuriante que l'on reconnaît d'abord à son brassage de toutes sortes de voix et de langues.
Une prose étonnante, ample, longue, qui réussit à, concentrer en une seule phrase des couleurs, odeurs et dialogues, secouée de mots d'argot, d'expressions crues, d'images quasi insoutenables, qui trouvent ici une beauté poétique et nouvelle.
Au travers de cette courte nouvelle semi autobiographique, Nosaka Akiyuki semble s’infliger l’expiation en se mettant à mort sous les traits du petit Seita. Il règle là aussi quelques comptes avec sa mémoire, celle des années de l’après-guerre. Orphelin né en 1930 d’une mère qu’il n’a jamais connu, d’un père qu’il ne rencontrera que plus tard et par hasard, Nosaka a vécu la guerre dans sa famille d’adoption à Kôbe. Il a quatorze ans quand il voit tomber du ciel en août 1945 une mort aveugle lâchée comme une manne par un ennemi invisible et hors d’atteinte. Pour l’adolescent pétri d’éducation militaro-nationaliste, cette expérience des bombardements dépasse l’horreur. C’est l’effondrement de toutes ses certitudes, celle d’être né pour être soldat, celle d’une guerre où il s’en va l’arme au poing , combattre glorieusement, et si le destin le veut, se sacrifier en héros pour l’Empereur. Devant les bombes c’est une autre réalité qu’il faut apprendre : l’instinct, la fuite-panique, une affreuse impuissance et après les bombes, l’humiliation pour survivre, le chacun pour soi la patrie pour tous, le sentiment d’avoir été trahi. Sentiment qui se brouille chez Nosaka, peut-être d’avoir trahi son destin de victime innocente et de sentir peser sur sa conscience un triple poids : celui d’avoir abandonné sa mère adoptive sous les bombes, d’avoir au lendemain de la défaite, laissé mourir sa sœur de faim au milieu de la dévastation, bref de s’en être finalement bien tiré de ce cauchemar, en y laissant le sien.
Cette nouvelle commence donc le 22 septembre 1945 par le dernier souffle de Seita adossé à l’une des colonnes de la gare à Sannomiya. Un cadavre de petit miséreux sans famille parmi tant d’autres « ramassés » tous les matins. Flash back ensuite sur le tournant dramatique qu’a pris son existence lors du bombardement de Kôbe du 5 août 1945 par une escadre de 350 B29.
Sa mère mourut de suite de ses brûlures et sa petite sœur Setsuko sur le dos, il part rejoindre des parents à Nishinomiya, chez qui ils furent rapidement indésirables. Ils finirent par se refugier dans une cave et vécurent des larcins de Seita qui visitait les maisons durant les alertes d’attaques aériennes.
Cette nouvelle, adaptée en film d’animation en 1987 montre sans concession aucune le pauvre sort des enfants devenus orphelins lors de bombardements en 1945. Une lecture qui ne peut laisser indifférent.
Nosaka Akiyuki reçut le prix « Naoki », la plus haute distinction couronnant au Japon les auteurs de la littérature dite « populaire » pour cette nouvelle ainsi que pour « Les algues d’Amérique » .
Deux nouvelles semi-autobiographiques composent ce recueil. Dans La tombe des lucioles, deux enfants, un frère et une sœur prénommés Seita et Setsuko, sont livrés à eux-mêmes après le décès de leur mère sous les bombes américaines qui pilonnent le Japon en 1945. Ils tentent de survivre en vagabondant, accrochés l’un à l’autre, dans la ville bombardée. Les algues d’Amérique se déroulent vingt-deux ans plus tard : à l’initiative de sa femme qui avait fait leur connaissance lors de vacances à Hawaï, le presque quadragénaire Toshio accepte à contre-coeur de loger chez lui un couple d’Américains en visite au Japon. Le fossé culturel et, pour Toshio, la honte conservée de la période d’occupation du Japon par les Etats-Unis après-guerre, ont tôt fait de lui rendre ce séjour très pénible.
Ces deux récits apparaissent désespérément hantés par le vécu traumatisant de l’auteur. Lui aussi a perdu sa mère adoptive sous les bombes en 1945, puis sa petite sœur, victime de la famine alors qu’il tentait, seul avec elle, de survivre dans les décombres. Ce sont également ses propres souvenirs qui alimentent le récit de Toshio, à jamais marqué par l’arrivée des Américains sur le sol japonais après la défaite nippone. Si la seconde nouvelle se teinte d’une forme d’ironie et prête parfois à sourire au vu des malentendus culturels qui séparent les Higgins de leurs hôtes, la première déroule une cascade dramatique si accablante qu’elle laisse le lecteur sous le choc, assommé et anéanti, presque au-delà de l’émotion. Seita et Setsuko, ces deux étincelles de vie livrées comme de légères et fragiles lucioles au vent de l’apocalypse qui souffle sur le Japon en 1945, incarnent le drame de leur pays tout entier avec une force sans pareille pour un récit qui tient en si peu de pages.
Ces scènes de famine au milieu des ruines, d’enfants vagabonds exposés au pire, puis, dans la seconde nouvelle, l’évocation de l’ambivalence, entre honte, soulagement et admiration, ressentie alors que la supériorité américaine se déverse dans le pays ravagé et hagard, peuvent faire penser à celles observées par Curzio Malaparte en Italie à la même époque dans son roman La peau. Si l’horreur et la sidération s’expriment chez l’auteur italien au travers d'une ironie grinçante, morbide et désespérée, elles déclenchent chez Nosaka un flux tumultueux de phrases et d’images, comme un raz-de-marée « de voix, de langues, de la plus vulgaire à la plus classique », rendu perceptible par la prouesse du traducteur Patrick De Vos.
De cette fin de la seconde guerre mondiale, Nosaka gardera de grands tourments existentiels, qui développeront chez lui une nette tendance à l’instabilité et un certain goût pour la provocation et le scandale. Ses écrits, couronnés par le prestigieux Prix Naoki et salués, entre autres, par Mishima, le classent parmi les auteurs majeurs du Japon. La tombe des lucioles a, en outre, été adaptée en film d’animation, devenu un immense classique. Autant d’arguments supplémentaires pour découvrir ces deux textes brefs, mais terriblement marquants.
C'est en le lisant que j'ai découvert que ce petit livre contenait deux histoires.
NOSAKA Akiyuki - Éditions Philippe Picquier - La tombe des lucioles - Traduit par Patrick de Vos
Le roman est court, les phrases très longues. On chemine auprès de Seita et de sa toute petite sœur Setsuko dans leur errance au sein d'un monde a feu et à sang, réduit en cendre par la guerre et les bombes.
On ressent tout de suite l'angoisse d'être petit au milieu du danger, d'être un enfant livré à lui-même au centre d'un champ de bataille, sans adulte protecteur auprès de soi. Car c'est extrêmement descriptif et immersif. Dans ce monde en guerre où la misère et la famine se sont répandues, c'est chacun pour soi et aucun regard ni compassion n'est accordé aux orphelins errants.
Cette histoire est une forme de catharsis pour l'auteur qui s'est inspiré de son passé avec sa culpabilité inaltérable envers sa petite sœur.
C'est terrible d'être malade de son enfance, doublement victime ; une première fois des adultes qui font des guerres ; une deuxième fois en s'autoflagellant ad vitam aeternam.
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Les algues d'Amérique - Traduit par Anne Gossot
Kyôko s'est mise à l'anglais et a rencontré des américains lors de son voyage à Hawaii. Elle les invite à séjourner chez elle et Toshio lors de leur prochain séjour au Japon.
Elle est ravie de leur visite mais Toshio pas du tout. Pour lui, ils restent les vainqueurs de la guerre, l'ennemi d'hier.
Contrairement au récit précédent, ici c'est léger. On voyage dans les souvenirs de Toshio, la découverte des américains en 1945, ces géants qui dépassent les japonais de vingt bons centimètres, ce qui explique qu'ils aient gagné la guerre selon lui. Il ne trouve que des bonnes raisons de ne pas bien accueillir les Higgins invités par son épouse.
Mais les choses ne vont pas forcément se passer comme il les avait envisagées.
Malgré une certaine légèreté apparente, la conclusion de cette histoire m'a serré le cœur.
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