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En novembre 1918, l'insurrection de la flotte allemande à Kiel s'étend à toute l'Allemagne et la monarchie prussienne s'écroule sans qu'un coup de feu ait été tiré pour la défendre. Des conseils de soldats et d'ouvriers se forment un peu partout, et tous les politiciens en vue, ou presque, se disent « socialistes ».
En octobre 1923, la révolution allemande est morte après quelques combats désespérés à Hambourg. Le livre retrace ces cinq années - depuis l'insurrection spartakiste (à l'issue de laquelle Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg furent assassinés), à l'« Octobre allemand », quand tous les espoirs semblaient permis, en passant par le putsch de Kapp - et analyse les raisons de cette défaite. « Si l'on ne la comprend pas, écrit Harman, la barbarie qui a fondu sur l'Europe dans les années 1930 ne peut pas non plus être comprise. » L'histoire de l'entre-deux-guerres, telle qu'elle est enseignée dans les écoles, charrie un poncif des plus tenaces : celui d'une « irrésistible ascension » du fascisme en Allemagne et dans toute l'Europe. Face à cet argument téléologique qui sabre tout examen sérieux de la période, Chris Harman nous invite à revoir notre copie. Non, la défaite du prolétariat allemand dans les années 1920 n'avait rien d'inéluctable. Il fallut au contraire toute la duplicité des dirigeants sociaux-démocrates, main dans la main avec les grands industriels et les vieux cadres de l'empire déchu, pour empêcher une révolution socialiste d'advenir.
Les conséquences furent désastreuses : en Allemagne où les ouvriers, désarmés, emprisonnés et désabusés n'avaient plus les forces pour s'opposer aux milices d'extrême droite et à leurs caporaux populistes ; comme en Russie où le pouvoir bolchevik, isolé pour de bon, dégénérait dans la bureaucratie stalinienne.
Mais Harman prend soin de ne pas résumer la séquence au martyrologe d'une classe ouvrière éternellement trahie. Pour lui, les raisons de l'échec sont aussi à chercher dans les propres faiblesses du mouvement révolutionnaire, dans les hésitations fatales de ses leaders et dans l'attitude ambiguë des chefs russes de la IIIe Internationale. Les appréciations de l'auteur résonnent alors comme d'humbles leçons pour le présent, et l'historien s'efface devant le dirigeant révolutionnaire - qu'il était avant tout. Son livre est précis, très documenté, mais reste dépourvu de toute prétention académique : comprendre l'histoire si l'on veut la changer, tel est le programme annoncé dans l'introduction. « J'écris à partir d'une position de sympathie pour ceux qui ont combattu avec l'énergie du désespoir pour faire gagner la révolution allemande - pour la simple raison que je suis convaincu que le monde serait immensément meilleur s'ils n'avaient pas été vaincus. »
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