" On dit qu'il y a un cheveu entre la folie et le génie, qu'ils sont presque siamois. Mais la langue française, langue de l'amour, a sûrement de bonnes raisons de poser le mot folie"comme féminin et celui de génie comme masculin, et les siamois ne pouvant, biologiquement, jamais être de sexes différents, je dirai que "Folie" et "Génie" sont plutôt mère et enfant et que, pour ne pas tomber dans la folie, il suffit d'avoir l'haleine nécessaire à "créer", d'avoir du souffle, ce souffle qui sectionne, relie et re-sectionne à chaque instant l'ombilical cheveu qui, tel une antenne, lie le génie à l'Esprit créateur, et, tel un trop mince cordon, le lie à sa mère, source terrestre de l'inspiration créatrice": l'y lie assez pour qu'il se nourrisse de folle Tendresse, tout en en restant assez séparé, assez aéré pour s'abreuver de ses eaux sans y sombrer.
Et il en est de l'amour comme du génie ! Si le rôle du travail, en l'occurrence artistique et littéraire, est d'entretenir la séparation, libératrice sans être sadique, saine sans être inhumaine, autonomisante sans être asphyxiante, entre Génie et sa mère, la création - travail avant tout psychique, comme doit l'être celui des femmes en couches - permet encore de modeler l'amour à l'image de l'homme qui le cherche, de créer sa propre histoire d'amour en séparant l'amour barbare, qui ne mène qu'à la folie, au meurtre ou au suicide, de l'amour orthodoxe, génialement serein... la première étape de cette sublimation séparatrice étant de rendre à l'amour barbarisé par le ça un peu de sa vue, de son moi, en pensant avec Georges Brassens que celle qui allait nous rendre fou n'est peut-être qu'une vache folle déguisée par le "surmoi" en un sage belle qui sait rire... et de nous demander si, à notre insu, l'on n'est pas soi-même un sacré misogyne sournoisement déguisé sous l'humble apparence d'un Amour fou! " Eugène LUCA
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