"Qu'il emporte mon secret", le dernier roman de Sylvie Le Bihan
Au cours d'une nuit d'errance dans les rues de Paris, entre Montsouris, Pigalle et Montparnasse, Michel Audiard invoque ses fantômes et ses souvenirs. Requiem, complainte ou rêverie hallucinée, La nuit, le jour et toutes les autres nuits ressuscite un Paris populaire marqué dans sa chair par les années noires de l'Occupation. On y croise Quenotte, fille d'un « charbon, vins, liqueurs » de la rue Saint-Jacques, tondue le dernier jour d'août 1944, et Myrette, la prostituée aux yeux couleur d'huître. On y retrouve la grosse Sophie Clodomir, ancienne championne de basket et joueuse de banjo, ou encore l'inénarrable Pamela de Sweerte, la femme du monde « aurifiée, emperlousée, sertie, damasquinée », dont le narrateur guette les fabuleuses apparitions.
Une dérive de noctambule inspiré, avec la drôlerie et la verve irrésistibles du dialoguiste des Barbouzes et des Tontons flingueurs.
"Qu'il emporte mon secret", le dernier roman de Sylvie Le Bihan
Ne dit-on pas que les clowns sont les plus doués pour nous faire pleurer ?
Les meilleurs Slows n'ont-ils pas été composés par des groupes de hard rock ?
Les romans les plus sensibles, les plus "à l'os" (comme aiment à dire les critiques littéraires parisiens) ne sont-il pas écrits pas des amuseurs, des "branquignolles" ?
J'aime à croire sur OUI !
Dans cet ouvrage tendre, nostalgique et amer, Michel Audiard crache son venin sur une Humanité qu'il exécre de plus en plus.
Appelant de ses voeux à l'extinction finale (une bombe qui anéantirait l'Humanité), il trimballe sa souffrance dans les rues parisennes.
Même son incroyable notorité, ses talents de dialoguistes pour le cinéma lui paraissent futiles. Juste bons à gagner son pain.
Ce sont les bassesses humaines tellement nombreuses en cette période d'après guerre (L'occupation, puis la Libération de Paris ont vu se retourner quantités de vestes.... ) qu'il vomit.
Myrette, Quenotte, Hortense, Nanar , Clodomir....des amitiés vraies, sa jeunesse à jamais enterrée mais le hantant quotidiennement .
De désillussions en amertume, s'installer à Montrouge, Bld Romain-Rolland, dans un petit immeuble des années 1920, en brique, avec perron sous marquise, exposé au nord mais très bien étudié côté vue: juste au-dessus du cimétière.... ne serait pas pour lui déplaire.
J'ai pris beaucoup de plaisir à déambuler dans les rues de Paris avec Michel Audiard. Un Paris oublié que les bombardements allemands ont scarifié, éventrant les rues et... les âmes.
Un ouvrage "à la Audiard" (vous y retrouverez ce style inimitable) empreint d'une forte sensibilité .
Les nostalgiques du célèbre dialoguiste, de sa verve et de sa gouaille, ne seront pas en reste. Le scénariste des tontons flingueurs refait l’histoire de l’après-guerre en nous comptant les déboires de Myrette, la prostituée aux yeux couleur d ‘huître, de Sophie, l’ancienne joueuse de basket reconvertie dans l’amour saphique, sans oublier Paloma qui décide un jour d’entrer dans les ordres : « Depuis longtemps persuadé que les deux faits majeurs du vingtième siècle sont la déconfiture du catholicisme et la prolifération des partouzes, l’entrée de Paloma en religion bouleverse tout un concept. Mais la douce ne pêcherait-elle pas par ignorance ? Amazone multinationale ayant caracolé de Floride en Scylla imaginerait-elle la vie conventuelle dans le vison et le crêpe de Chine ? » Quant à Mimile : « c’était un persévérant. Tournant depuis longtemps autour de la connerie, ce ne fut qu’en 42 qu’il y fit une entrée solennelle ». Drôle, irrévérencieux, le roman de Michel Audiard est réjouissant à une époque où le politiquement correct englue les esprits.
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