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Kautokeino. Localité de Laponie norvégienne s'étendant sur quelque dix mille kilomètres carrés, où une poignée d'habitants appartenant au peuple same vit de l'élevage des rennes, et selon des traditions ancestrales.
Pour Anna Magnusson, Kautokeino n'évoque que de lointains souvenirs de vacances d'été, puisque sa mère, refusant un destin tout tracé, avait décidé de venir s'installer en Suède. Procureur adjointe à Stockholm, la jeune femme mène une existence indépendante, parfaitement intégrée à la société « moderne ».
Jusqu'au jour où sa grand-mère, la matriarche du clan, lui lance un appel à l'aide : son cousin Nils Mattis est accusé de viol. Un an après la mort de sa mère, Anna accepte de sacrifier quelques jours de congés pour essayer de régler l'affaire et renouer des liens avec cette famille same qu'elle connaît très peu.
Mais ce « retour » à Kautokeino est moins évident que prévu. La jeune femme comprend vite que son cousin n'est pas innocent. Traitée comme une étrangère, Anna doit s'adapter à cet héritage qu'elle méconnaît et s'aperçoit que dans ces contrées reculées, les clans ont leur propre conception de la justice et du droit. À rebours de la mission que lui confie sa famille, elle encourage Karen Margrethe, la victime du viol, à maintenir sa plainte.
Refusant de céder aux pressions et aux menaces, Anna poursuit son enquête et découvre un monde complexe où il est difficile de trancher entre le bien et le mal. Elle en reviendra transformée en profondeur. Et le lecteur avec elle.
Premier roman d'une grande richesse, cette histoire se vit, s'entend, se ressent, si bien qu'on ne voit pas les pages défiler. Lars Pettersson sait donner juste assez de détails pour nous faire partager ce que vit l'héroïne : le froid extrême et tout ce qu'il implique, la dangereuse majesté des paysages polaires, la réalité de la société same contemporaine, ses archaïsmes et sa force millénaire...
Après la formidable trilogie -pour le moment- d'Olivier Truc, voici un autre roman lapon. Cette fois-ci écrit par un Suédois qui est tombé sous le charme de Kautokeino, localité tout au nord de la Norvège, et qui y passe ses hivers. C'est un roman lent. Très lent. Tout est blanc, gelé, on frôle parfois les moins cinquante degrés, et lorsque la température s'approche des moins dix, c'est que la météo est clémente. La première remarque qui vient à l'esprit est que l'auteur nous décrit beaucoup les différents parcours en voiture ou en scooter des neiges des différents personnages, Anna en particulier. D'où une certaine sensation de répétition, d'histoire qui tourne en rond et d'enquête qui fait du surplace. En outre, Lars Pettersson ne décrit pas les us et coutumes des Sames par des grands paragraphes. On peut donc ressentir une lassitude certaine et un ennui à la lecture, mais ce ne fut pas mon cas. En fait, Lars Pettersson est très habile et tisse son roman avec des fils visibles et invisibles. Il parle beaucoup des spécificités de la langue same et des paroles prononcées ou pas : "C'était ma mère qui m'avait appris cela. Ce que l'on taisait avait plus de poids que ce dont on parlait tout le temps. Il fallait apprendre à déchiffrer ce qui n'était pas dit. L'art de la conversation consistait à comprendre ce qui se cachait derrière les paroles que l'on prononçait réellement. Une vie en sous-texte." (p.71) Il construit son ouvrage de la même manière, le non-dit étant important. Il faut lire entre les lignes, rassembler les bribes d'informations semées de-ci de-là pour comprendre. Plus on avance dans l'histoire plus on intègre le truc et plus on comprend le mode de vie des Sames.
C'est très difficile pour Anna de revenir, elle est mal acceptée, sa mère ayant quitté la communauté depuis longtemps, tout ramène les habitants à elle et non pas à Anna qui reçoit et subit les reproches et les jalousies. Les Sames sont soudés, ils se connaissent tous. Les vieilles familles vivent de l'élevage des rennes sur des terres qu'ils sont les seuls à pouvoir exploiter. Mais si certains continuent l'élevage traditionnel avec peu de têtes, d'autres ont considérablement augmenté leurs cheptels et lorgnent sur les terres de ces familles, n'hésitant pas à s'accaparer des bêtes et tout faire pour couler l'adversaire. La société same qui semble si calme est en fait totalement bousculée par les notions de rendement, de richesse et par l'appât du gain. Les conflits d'intérêt sont légion mais comme les Sames se méfient des lois norvégiennes, ils préfèrent régler ça entre eux. C'est ce monde là que va découvrir -et nous faire découvrir- Anna. Elle va petit à petit trouver des indices qui la mèneront à soupçonner pas mal de monde. Elle va apprendre à connaître sa famille, tout un pan de son histoire personnelle.
C'est aussi un roman sur la condition féminine dans des sociétés où elles ne sont pas reconnues, même si de fait, ce sont elles qui les font tourner. Ajoutons à cela une nature somptueuse, blanche, silencieuse, les aurores boréales, ... et vous aurez toutes les bonnes raisons de jeter un œil attentif à La loi des Sames, un polar assez loin des clichés du genre.
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