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La Jeunesse morte est le premier et seul roman que Jean Guéhenno (1890-1978) ait jamais écrit : inédit jusqu'à ce jour, ce récit autobiographique évoque la Grande Guerre, sa Grande Guerre. Tout comme Jean Guéhenno, Toudic, le héros de La Jeunesse morte, est un jeune provincial, d'origine modeste, qui a réussi le concours de la rue d'Ulm. Doté d'une «foi farouche en la puissance des idées», Toudic croit en l'importance des livres et des maîtres, en la grâce de la paix et de l'amitié. Au Quartier latin, il a deux compagnons normaliens, Hardouin et Lévy (inspirés par les figures, bien réelles, de Marcel Étévé et d'André Durkheim), avec lesquels la vie «était magnifique et adorable tout ensemble»...
Mais un archiduc autrichien est assassiné à Sarajevo, puis Jean Jaurès, et voici toute leur génération qui sombre dans le «bruit de la guerre», sous les encouragements de Maurice Barrès, d'Albert de Mun et des «vieillards» qui gouvernent la France. L'ardeur de ces jeunes gens, qui se veulent des «hommes nouveaux», nourrit dans un premier temps leur enthousiasme à défendre la patrie. Bientôt résignés à faire leur devoir, ils sentent monter indignation et révolte: «Les mythes en eux étaient morts. Ils savaient que la ligne de feu était une ligne de cadavres, que les balles qui vibrent autour des hommes couchés n'étaient point un vol d'abeilles, que le sang au soleil était horrible à voir, et fiers d'être vainqueurs, ils avaient honte d'être des hommes.» C'est le début d'un cauchemar, ponctué d'événements terribles: Lévy est tué ; Toudic, grièvement blessé, est évacué vers l'arrière où il apprend la mort de Hardouin. Désormais, Toudic-Guéhenno a charge de la mémoire de ses deux amis, dont la «mort inutile» pèsera moralement sur son parcours d'intellectuel dans le siècle...
Aucun éditeur ne voulut publier ce « roman lyrique », commencé en décembre 1917 et achevé en octobre 1920. Ni l'oubli, ni l'inaction ne furent donc permis à Jean Guéhenno: «Beaucoup de nos amis sont morts tandis que nous avons la chance de vivre ; mais avons-nous le droit de nous reposer ?»
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