Pour bien attaquer la rentrée, un roman graphique et un manga étonnants !
Une femme coréenne en proie à des doutes existentiels dans la Corée d'aujourd'hui , une société ultralibérale qui laisse de nombreuses personnes dans la précarité. Yeong-jin, jeune quarantenaire, enseigne dans un lycée privé protestant de Séoul. Elle est confrontée à des violences sociales de toute part. Non titulaire, elle se sent obligée, pour conserver son poste, d'accepter tout ce que lui demande son employeur.
Submergée de travail - elle s'occupe aussi des enfants de sa soeur pendant ses vacances - elle souffre de n'avoir aucune reconnaissance de sa hiérarchie. Son petit ami travaille dans une association d'aide aux travailleurs migrants qui se font exploiter par les agriculteurs coréens dans des conditions qui frôlent l'esclavagisme. Sa mère continue à faire les ménages bien qu'ayant l'âge de la retraite.
Et Yeong-jin vient de subir un hystérectomie... La violence de la société libérale l'affecte de plus en plus et l'amène à se poser des questions sur son rapport au travail, sur sa relation avec ses parents et sur l'avenir de son couple. Superbe portrait d'une femme en révolte, La capacité de survie est une réflexion très personnelle, politique et sociale, sur l'état d'un pays et l'état d'une femme.
Pour bien attaquer la rentrée, un roman graphique et un manga étonnants !
Un manhwa très intéressant sur les problèmes et situations rencontrés par une partie de la société coréenne. Certains aspects sont assez similaires à ce qu’on rencontre chez nous, d’autres sont typiquement coréens et donc plus difficiles à appréhender pour nous, je pense. Donc c’est mieux de connaître déjà un peu la société coréenne et son Histoire récente, mais ce n’est pas indispensable. Dans ce cas, attendez-vous à être choqué-e-s par certains points. Même en n’étant pas totalement ignorante sur ces sujets, je l’ai été.
J’ai trouvé le propos présenté efficacement, même si parfois on survole certains aspects. Le fait qu’on suive un ou deux personnages dans leur vie privée rendue difficile par des problèmes sociétaux importants donne de la force à ce qui est exprimé. J’ai ressenti de l’empathie pour la narratrice.
On est dans un monochrome un peu ocre/safran qui souligne la monotonie du quotidien, ce qui m’a semblé bien vu. Par contre je n’ai pas du tout aimé les dessins, que j’ai trouvés très brouillons. Je comprends que c’est en partie pour montrer que n’importe qui peut rencontrer les mêmes choses, mais il me semble que leur côté « vite-fait » dessert un peu le propos.
Bonne lecture!
Longtemps délaissés par le genre, il n'est désormais plus rare que le roman graphique s'attaque aux problèmes de société contemporains. Et la vie de l'héroïne Yeong-Jin, imaginée par la manhwaga Kim Sung-Hee est en proie à bien des soucis. Absence de reconnaissance sociale, rythme de travail harassant, problèmes médicaux, c'est un versant méconnu de la société coréenne que nous offre à voir l'auteur. Et cette vision est bouleversante ; qu'elle paraît loin l'image de la femme coréenne traditionnelle. Kim Sung-Hee signe une bande dessinée d'une très grande violence psychologique et morale. Certaines pages permettent toutefois au lecteur de reprendre sa respiration. Les dessins et les couleurs de la manghawa sont sobres et réduits à l'essentiel. Aussi, permettent-ils de ne pas dramatiser davantage le portrait de cette femme en souffrance dans une société impitoyable par bien des aspects. C'est une autre vision de la Corée du Sud que nous offre Kim Sung-Hee. Un portrait en nuances de noir et de gris bien loin des couleurs fluorescentes habituelles.
- Un certain regard sur la Corée du Sud -
Violence sociale du quotidien, mépris des travailleurs, esclavagisme et immigration, place des femmes dans la société coréenne.
Kim Sung-Hee nous parle du quotidien de Yeong-Jin une quadragénaire coréenne blasée, qui subit son métier de professeure (éternellement non titularisée), sa santé (elle vient de subir une hystérectomie) et les remarques méprisantes, paternalistes de sa hiérarchie ou de sa famille…
Elle nous livre un récit intimiste et la description d'un quotidien que vivent de nombreuses personnes en Corée du sud et dans nos sociétés libérales.
Avec toujours en toile de fond, cette dualité entre tradition et modernité qui non seulement divise mais questionne sur la société libérale et le vrai sens que l'on devrait donner à nos vies (c'est à la limite du philosophique).
Tout semble cyclique, les mêmes travers qui reviennent tout le temps, la même acceptation ordinaire après des phases de révolte.
C'est gris jusqu'à l'écoeurement parfois, d'ailleurs les planches en trois couleurs viennent encore accentuer ce mal-être, une sobriété contenue qui se défoule dans les détails toujours pertinents.
Mais ne vous y trompez pas : il y a aussi beaucoup d'humour, un humour noir que manie à merveille l'auteur et qui permet de tacler au passage ceux qui induisent ces situations de précarité (précarité de l'emploi principalement pour les travailleurs coréens et les migrants mais aussi précarité relationnelle).
En Corée du sud on nomme les dessinateurs de BD manhwaga (littéralement dessinateur humoristique), ce sont généralement des femmes qui travaillent en indépendantes pour de petites maisons d'éditions et ne touchent au final que peu de droits d'auteur…
Livre reçu dans le cadre de l’opération « Recevez un livre-publiez un article » de Lecteurs.com que je remercie ainsi que les éditions mentionnées.
La capacité de survie est un manhwa (prononcez : ma. nhwa), nom donné à la bande dessinée en Corée. Issu du japonais, le manhwa est l’équivalant coréen du manga.
Dans cet album, dont la couverture annonce déjà une composition simple, claire et classique, on retrouve des cases, des bulles et des dessins qui se lisent de gauche à droite. Le décor (paysages, intérieurs), les comportements et attitudes sont empreints de la culture asiatique locale. Mais alors que le manga est en général en noir et blanc, "La capacité de survie" ajoute une couleur brun-ocre qui lui donne un relief et une profondeur tout en douceur. Le graphisme également, est différent du manga. Ici, le trait est libre, fin et dénoué, détaillé ou simplement évocateur d’un contour. Les pages sont séparées en six vignettes exactement, six carrés réguliers qui alternent bulles et cartouches, dialogues et commentaires. Quelques mots coréens s’y glissent (kimchi, hagwon, etc.) avec ou sans explication selon le contexte. Le public visé n'est pas celui des adolescents.
La manhwaga Kim Sung-hee introduit une narratrice appelée Yeong-jin. Elle est enseignante dans un lycée privé de Séoul. Son petit-ami travaille dans une association d’aide aux travailleurs migrants. Ses parents sont âgés, mais la « pauvreté relative » (p 151) (qui succède à la misère) les oblige à travailler encore. Leurs ambitions et leurs priorités diffèrent.
Son histoire débute à l’hôpital où elle subit une intervention pour un fibrome dans l’utérus. Cet événement déclenche une remise en cause des pressions que la femme subit, de ses attentes et de ses possibilités d’avenir. La société place Yeong-jin dans une situation de précarité sur le plan social, familial et professionnel : « L’enfant est adulte à quel âge ?/ environ quarante ans [l’âge de la narratrice]/ l’âge des parents ? / Non, l’âge de l’enfant. » (p 109).
Son parcours est jalonné de réflexions sur la vie (p 87), la structure familiale (p 24), la maternité (p 59, 63, 74), le célibat (p 94), le mariage (p 98, 118) les relations homme/femme (p 179, 181), l’amour (p 116, 198), la vieillesse (p 96, 153, 176), la société (p 162), le travail (p 167), l’argent, la politique (p137), l’enseignement (p 53), sur tout ce qui fait finalement le quotidien d’une vie.
Dans un pays où elle dénonce la corruption, l’hypocrisie et l’indignité à certains égards, la narratrice rencontre un sentiment d’échec (p 149) qu’elle refuse (p 164). À la fin du manhwa, Yeong-jin retourne à l’hôpital (p 160-1). Elle en sort, sinon apaisée – la colère est toujours sous-jacente (p 143, 182) –, mais avec une certaine sérénité pour faire face aux failles (p 160) et aux difficultés à affronter (p 199). Elle conclut : « je ne vivrai pas de la même façon qu’avant » (p 164).
"La capacité de survie" illustre, par touches plus ou moins appuyées, cette force « qui nous permet de nous lever le matin alors qu’on est effondrés la veille au soir » (préface). Le titre (issu de la page 54) nous le rappelle. Au « Acceptons, oui acceptons…sinon, c’est trop douloureux » (p 105), l’autrice nous enjoint, dès la préface, à « agir pour rattraper le temps perdu ».
Citations :
- p 24 : « Nous nous aimons, donc la famille est à la fois une bénédiction et un cauchemar. »
- p 51 : « Les enfants ne s’intéressent qu’à eux-mêmes. / Heureusement pour eux…/ ils oublient rapidement les problèmes des adultes. / C’est pourquoi je ne les déteste plus. »
- p 54 « La société a une dette envers notre capacité de survie. »
- p 169 : « Le monde restera toujours dur et insensible. / Seul le désir bouillonne en nous./ Ce désir qui nous harcèle pour qu’on le réalise. »
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