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Loïc est ouvrier dans une usine de tôlerie fine. Sa vie, c'est sa soeur Nini, ses parents Mémé et Pépé, et le théâtre, qu'il vient de découvrir grâce à Ali, l'animateur de la maison de quartier de la place carrée.
Quand la France sort du confinement, en mai 2020, Loïc préfère attendre. Il se cloître chez lui. Un an plus tard, il y est toujours, épiant la vie du quartier par la fenêtre, écrivant une pièce de théâtre inquiétante, ruminant sa détresse et ses souvenirs, l'oeil posé sur la lunette de sa carabine .22 Long Rifle.
Dans ce troisième volet des Chroniques de la place carrée, irrigué par un suspens larvé, Tristan Saule poursuit son entreprise noire et sociale, à mi-chemin entre The Wire et les Rougon-Macquart.
Les Chroniques de la Place Carrée III
Nous suivons cette fois-ci Lolo et sa soeur Nini. Lolo habite un immeuble de la Place carrée et vit reclus chez lui depuis le confinement.
Nous découvrons son passé par petites touches : enfant différent et solitaire, il fait une fixation sur la fausse-couche de sa mère bien avant sa naissance ; sa soeur s’occupe de lui car ses parents ne savent pas comment faire ; ses rares amies ont disparu brutalement sans que le lecteur ait de détails.
Lolo a fait partie du groupe de théâtre d’Ali, il était un élément prometteur. Lolo a voulu écrire sa propre pièce et a pris en grippe Ali.
Lolo regarde ce qu’il se passe sur la Place carrée avec la lunette d’une arme à feu.
Lolo écrit une pièce de théâtre dans laquelle Clic et Cloque sont les personnages principaux. Je n’ai pas aimé ces parties dans lesquelles Clic et Cloque discutent à la façon de Lennie et George (Des souris et des hommes de Steinbeck).
J’ai eu de la peine pour Lolo qui suit le compte d’Elora Silva sur Instagram, avant de comprendre qu’elle a aussi une page Onlyfan sur laquelle il faut payer pour la voir dévêtue. C’est son seul moment de joie dans sa journée : regarder cette jeune-fille sourire.
J’ai eu du mal avec les voix qu’entend Lolo : d’abord celles de ses personnages, puis, la nuit, celle à travers la cloison qui le sépare de l’appartement d’à côté.
J’ai eu du mal avec ce huis-clos, cet enfermement volontaire de Lolo qui a peur du Covid même après le déconfinement.
Un huis-clos pendant lequel les jours et les nuits s’enchainent sans repères de temps.
Mais ce roman très noir m’a fait découvrir Jean Walter et les Mines de Zellidja (pour en savoir plus, c’est ici). J’ai aimé découvrir sa vie à travers les mots d’Ali.
Un roman sur un homme dont l’esprit dérape, sur une soeur qui le porte à bout de bras et sur les ravages d’Internet (fake-news et faux comptes).
L’image que je retiendrai :
Celle de la lunette du fusil de Lolo à travers laquelle il regarde le monde. A chaque fois, je pensais qu’il allait tirer.
https://alexmotamots.fr/jour-encore-nuit-a-nouveau-tristan-saule/
Après « Mathilde ne dit rien » et « Héroïne », voici le troisième tome de la série des « Chroniques de la Place Carrée » de Tristan Saule.
On y fait la connaissance de Loïc, un habitant plutôt ordinaire de la cité. Un jeune homme d’une trentaine d’années, employé dans une usine des environs, qui vit seul mais est assez proche de sa famille : les parents, les grands-parents, et sa grande sœur, qui est quant à elle mariée et mère de deux enfants. Un peu par hasard, Loïc découvre les cours de théâtre donnés par Ali, et s’y épanouit: pressenti pour jouer un rôle important dans la pièce qu’écrit le professeur, il crée en parallèle sa propre œuvre.
Le quotidien en apparence tranquille de Loïc bascule avec le confinement lié au Covid. Lorsque les mesures sanitaires s’assouplissent, le jeune homme n’arrive plus à sortir de chez lui: il ne se rend plus à l’usine, décline les activités proposées par ses amis, se retranche chez lui malgré les interventions de sa sœur, et scrute la vie de la cité à travers le viseur de son fusil installé à la fenêtre…
J’ai trouvé que ce troisième tome se distinguait des deux premiers : c’est un roman noir, poisseux, oppressant, dans lequel on plonge dans la tête d’un jeune homme perturbé. Privé d’interactions, tournant en rond chez lui, il perd la notion de la réalité, et s’enferme dans la peur et la paranoïa.
Avec ce fusil pointé sur la place carrée, le danger n’est jamais loin, et j’ai retenu mon souffle tout au long du récit, en me demandant qui allait être victime des démons de Loïc. L’intrigue revient sur des épisodes de sa vie, qui entraînent doutes et confusions : son passé est-il aussi sombre que ce que l’on devine, ou sommes-nous entraînés dans les fantasmes d’un cerveau malade?
Si le livre a du mal à maintenir son intensité sur la longueur, et tourne parfois un peu en rond, à l’image du personnage principal, le côté sombre et dérangeant, l’atmosphère de huis clos étouffant, sont parfaitement réussis, et j’ai été agréablement surprise par le fait que Tristan Saule sache se renouveler et proposer une œuvre différente dans le cadre de cette série, surtout après la déception que j’avais ressentie à la lecture du précédent opus.
Vivement le prochain tome !
Ce début d'année m'a offert plusieurs lectures que j'attendais impatiemment, et en bonne place dans les romans qui me faisaient trépigner d'impatience : Jour encore, Nuit à nouveau, le troisième tome des Chroniques de la Place Carrée.
Travelling arrière : il y a deux ans, en tant que jurée du Prix Orange, je reçois un carton de livres que je déballe, toute excitée à l'avance de ces découvertes à venir.
Un titre, la sobriété d'une couverture : 'Mathilde ne dit rien' retient mon attention et sera mon premier coup de cœur de la sélection. Je tenterai même de le défendre avant qu'on me dise que finalement, il n'est pas éligible au Prix.
Cette erreur d'aiguillage aura eu le mérite de me faire plonger tête la première dans Les Chroniques de la Place Carrée.
L'année suivante, le second tome, Héroïne, est à nouveau un coup de cœur (et reste à ce jour mon petit chouchou parce que Laura quoi ).
Bonne nouvelle, on continue sur la même lancée avec ce roman qui se dévore et qui fait mouche.
Ce troisième tome s'ancre dans l'actualité en se centrant sur Loïc, cloîtré chez lui depuis le confinement. Car Loïc a peur, peur du virus, de ce danger dans les rues, à sa porte. Alors il écrit dans ses carnets et contemple par sa fenêtre la vie qui continue.
Ce huis-clos dans les pensées et les souvenirs du jeune homme est oppressant à souhait ; ça bouillonne dans la tête de Loïc.
Insensiblement, la tension monte. À peine est-elle allégée de temps à autre par les souvenirs de théâtre et de Maroc d'Ali, un autre habitant de la Place Carrée. Et elle continue à monter, jusqu'à cette fin effrénée qui a fait mon régal.
Encore un roman qui ne se lâche pas. Allez, plus qu'un an à attendre avant le prochain tome.
« Alors, avec son petit sourire énigmatique, il demande : Si vous ne croyez pas les souvenirs des vieux, qu’est-ce que vous allez croire ? »
Engagé, sociétal, « Jour encore, nuit à nouveau » est un kaléidoscope sociologique.
Troisième volet d’une série dont on retrouve les mêmes protagonistes de « Mathilde ne dit rien, d’Héroïne. » Avec à chaque fois un personnage central, fil rouge d’une histoire réaliste, urbaine, au fort pouvoir cinématographique.
Cette mise en abîme de la Place carrée – 3 – est tout en mouvement, fébrile et stupéfiante de justesse. On est en assise dans ce livre d’ouverture, intime et touchant dont on ne lâche rien .
La trame fusionne avec notre contemporanéité. C’est un livre attachant, chaleureux, dont la force et la beauté, l’humanité émigrent en nous.
Vivant, délicieusement politique, il est le reflet des diktats du XXIème siècle.
« Ali a l’impression d’être le fils de Hassan II. Asseyez-vous ici. Á côté de Pablo. Elle ne semble pas surprise de voir un petit Marocain s’installer dans le carré d’or du théâtre, à côté de Pablo Picasso. Et voilà, dit Ali à sa troupe de comédiens. »
Loïc ne sait plus, ne va plus. Fragile jeune homme pris en tenaille dans les fragilités de ses tourments. Solitaire, apeuré, il craint le monde où le Covid sème ses lois et ses enfermements. Il semble échoué entre deux rives. Cherche immanquablement un point d’appui.
« Il se sentait petit. Il avait l’impression que toute la famille avait grandi, et pas lui. Il était tout seul à la table des enfants pendant que les adultes riaient et buvaient du vin. Alors il a imité sa sœur et il a appelé sa mère Mémé et son père Pépé. »
Loïc est dans son appartement. Il observe la Place carrée, vide de ses hôtes. Nous sommes dans l’ère du confinement, de l’arrêt sur image. Par la lunette de sa carabine.22. Long Rifle, il glisse sur un de ses voisins, touche une ombre et cherche à abattre ses angoisses intestines. Loïc est enfermé dans ses peurs , sans menace aucune, une prise de pouvoir sur ses souffrances, il se laisse glisser dans un silence où il n’a aucun espace de lumière. Il a peur de tout. Des autres, du virus, de ses collègues qu’il ne verra plus et pour cause. Loïc a abandonné son poste, Loïc ne va plus au théâtre. Il écrit sur des carnets , l’exutoire de ses blessures, une pièce de théâtre « Les aventures de Clic et Cloque », trame paranoïaque, dont l’enjeu est bien en de ça de ses troubles.
« Si la bête a mon apparence, qu’elle parle comme moi et qu’elle pense comme moi, ça veut dire que la bête, c’est moi. »
« Jour encore, nuit à nouveau » la voix parle sans cesse. Loïc étreint ses folies, ses rejets, ses douleurs infinies. Replié dans les rais sombres, il se sait plus se débattre contre l’incertitude, les peurs aux abois, le loup dans la bergerie. Son appartement est une muselière.
On aime Nini, sa sœur qui veille tel un phare sur son frère. Les habitants qui déambulent dans les tours de la Place carrée. Lui, Loïc, affolé, anxieux et dont le futur est un mirage. Endoctriné d’informations faussées par d’aucuns. Il a ses codes, ses manies, ses errances psychologiques. Il est l’emblème même d’un homme en proie aux responsabilités d’un état qui a failli. Le virus, le manque de masques, les morts, l’arrêt de l’aiguille à midi pile en pleine place Carrée. Il est « Jour encore, nuit à nouveau ». Le soleil ne se lève plus. La voix parle sans cesse.
Ce thriller sombre et lumineux est pétri de sentiments. Il y a au cœur de cette Place carrée le monde qui gravite par grand soleil et par temps de pluie. Mai 2020 sonne le glas. La fin de la récréation. Un, deux, trois, soleil. On ne bouge plus.
Tristan Saule est un observateur qui rassemble l’épars de notre société. La Place carrée est une étoile dans nos mains, tant elle réchauffe et rend hommage à cette France des quartiers où pourtant, ici, croustille le meilleur pain, celui de l’entraide et de la solidarité.
Ce récit est un miroir dont les fissures sont des électrochocs pour nos semblables . La fraternité, ici, est l’expression même des hôtes des pages. On aime l’écriture de Tristan Saule qui sait où se se situe les gravités et les faiblesses. Il est « Jour encore, nuit à nouveau ».
Ce livre noir et grave, d’urgence de lecture, est le macrocosme de nos humanités.
Loïc, tout un symbole, criant d’authenticité, d’amour fou et de besoin de vie et de reconnaissance.
Des chroniques cruciales et magistrales. Publié par les majeures éditions Le Quartanier éditeur.
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