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Josef Schovanec n'est pas fou. Ni luxembourgeois, tchèque ou plutonien. Il n'est pas non plus un génie. Il est autiste.
Diplômé de Sciences-Po, docteur en philosophie, Josef maîtrise une dizaine de langues, mais n'a pas parlé pendant plusieurs années. À huit ans, il était capable de présenter un exposé d'astronomie mais restait presque inapte au discours social.
Est-ce son intelligence, la vivacité de son esprit, son sens de l'humour ? Josef est spécial... comme tout un chacun.
Un témoignage salutaire qui contribue à changer notre regard sur l'autisme.
Avec un humour mordant et une honnêteté vertigineuse, [Josef Schovanec] observe en détail notre façon d'être autant que la sienne. Le Monde Un récit drôle et instructif. Le Point Édition revue et augmentée, avec une postface inédite de l'auteur
Récit autobiographique de l'auteur, autiste syndrome Asperger, qui nous conte son quotidien depuis l'enfance jusqu'à aujourd'hui. A travers ses lignes, nous découvrons un monde d'incompréhension où la question serait : comment définir la normalité ?
Je pense que vous l’aurez tous remarqué : depuis quelques semaines, je lis énormément d’ouvrages sur l’autisme. C’est que j’ai eu les yeux légèrement plus gros que le ventre lors de mon dernier passage à la bibliothèque du CRA (Centre Ressources Autisme) … La prochaine fois, je me limite à trois ouvrages, afin de pouvoir jongler entre emprunts, services de presse et lectures personnelles ! Toutefois, je ne me lasse pas de découvrir, à travers divers romans et témoignages, plusieurs facettes de ce handicap encore bien méconnu dans notre pays. Quand on pense à l’autisme, on pense soit à ces gamins qui se tapent la tête contre les murs en hurlant nuit et jour sans jamais apprendre à parler, soit à ces « singes savants » capables de débiter des centaines de décimales de pi ou connaissent le nom de toutes les étoiles déjà découvertes. Rares sont ceux qui savent que l’autisme, ce n’est pas cela, ou du moins pas que cela. Que l’autisme est pluriel … qu’il y a, finalement, autant d’autismes que d’autistes, d’une certaine manière. Chaque lecture apporte donc une lumière différente sur cette particularité qu’est l’autisme …
Dans cette autobiographie, mêlant anecdotes et réflexions, Josef Schovanec offre sa propre expérience et sa propre vision de l’autisme, précisant à de très nombreuses reprises qu’il n’est ni spécialiste dans ce domaine ni l’unique « référence » à avoir lorsque l’on tient à ce documenter sur l’autisme. Il raconte son enfance et son adolescence, sa scolarité compliquée, il raconte ses déboires avec le monde de la psychiatrie, les très nombreux diagnostics erronés, les traitements médicamenteux toujours plus lourds et qui font plus de mal que de bien. Il raconte également son quotidien, sa « cohabitation » avec l’autisme, les astuces et stratégies qu’il a progressivement mises en place pour « vivre avec l’autisme » : non pas s’en guérir, non pas s’en séparer, juste s’adapter à ce monde qui n’est pas adapté à lui, puisque le contraire ne semble pas possible …
Josef Schovanec critique en effet très fortement le concept de « normalité » et met en garde contre les dangers de la sacro-sainte « normalisation ». Normaliser, c’est « rendre normal ce qui ne l’est pas ». Il faut ainsi « éduquer » les personnes avec autisme afin qu’elles puissent vivre une vie « normale ». Cela part généralement d’un bon sentiment, mais cela soulève toutefois de très nombreuses questions. Premièrement, qu’est-ce que la normalité ? Dans un monde fictif où la majorité des personnes seraient autistes, les rares individus à ne pas l’être seront les anormaux. La normalité est relative, et la norme est profondément subjective. Aussi, avons-nous réellement raison de vouloir faire rentrer dans le moule de la « normalité » les personnes avec autisme, ou bien cédons-nous seulement à notre besoin maladie d’éradiquer toute différence ? (Pourquoi ne peut-on pas concevoir une famille suffisamment unie pour que parents et enfants vivent harmonieusement et durablement ensemble ? Pourquoi vouloir à tout prix que le jeune adulte « prenne son indépendance » si ce n’est pas cela qui le rend heureux ? Pourquoi l’absence de conflits parents-enfants est-elle considérée comme « anormale » et même problématique, alors-même qu’une famille est censée être construite sur l’amour ? …)
Deuxièmement, est-ce réellement aider les personnes avec autisme que de vouloir les faire entrer dans le moule ? Bien évidemment, l’objectif est qu’elles puissent vivre dans le monde plus facilement, et ça c’est un objectif parfaitement louable. Toutefois, Josef Schovanec aborde le thème de la souffrance. Non pas de la souffrance que fait naitre l’autisme - lorsqu’il est chez lui, lorsqu’il n’a pas besoin de réfléchir pour se comporter « normalement », il ne souffre pas de son autisme -, mais bien de la souffrance que font naitre ces tentatives de normalisation. On cherche ainsi à « éduquer » les personnes avec autisme afin de leur apprendre à « vivre normalement » - c’est-à-dire quitter ses parents, emménager seul, travailler, se marier, avoir des enfants. Et on s’extasie au moindre progrès, on congratule le thérapeute d’avoir « réussi ce miracle » (d’avoir réussi à transformer une personne anormale en personne visiblement normale). Et à côté de cela, la personne avec autisme souffre bien plus qu’avant : l’angoisse et la fatigue nées des efforts pour réussir les exercices demandés sont plus terribles encore que ne l’était le problème initial (les personnes avec autisme ne souffrent pas forcément de leur solitude … au contraire, elles recherchent ce calme, cette sérénité). On voit le résultat et non pas la violence intérieure qui accompagne nécessairement les « progrès » tant fêtés … Est-ce vraiment une bonne chose ? Josef Schovanec n’en dit pas plus, il se contente de poser la question.
Cet ouvrage, donc, n’est pas une simple autobiographie dans laquelle l’auteur se contenterait de raconter sa vie de façon purement chronologique. Ce livre n’est pas non plus un simple témoignage sur l’autisme. Il ne cherche ni à susciter l’admiration face à son « intelligence hors-norme », ni au contraire à faire naitre la pitié face à ses difficultés. Bien sûr, il évoque l’angoisse que fait naitre la perspective de prendre un transport en commun, de répondre au téléphone, il explique les nombreux questionnements que font naitre l’envoi d’un mail (quelle formule de politesse utiliser ?), la ponctualité (être en avance, oui, mais de combien de temps ?) … Il se livre complétement, sans honte de dévoiler ses faiblesses, sans crainte de critiquer individus et institutions s’il juge que cela est nécessaire. Ainsi, par l’intermédiaire de ces anecdotes, racontées avec simplicité et honnêteté, Josef Schovanec questionne le monde qui l’entoure. Et c’est bien là la richesse de cet ouvrage : ne pas se cantonner à l’autisme - tout comme il ne faut pas réduire l’auteur à son diagnostic - mais ouvrir vers d’autres réflexions, d’autres horizons …
En bref, vous l’aurez compris, ce livre est vraiment très intéressant. Selon moi, il peut s’adresser à la fois à ceux qui souhaitent en savoir plus sur l’autisme et à ceux qui aiment s’interroger sur notre société et ses travers. J’ai particulièrement apprécié l’humour de l’auteur, qui ne conviendra peut-être pas à tout le monde mais qui m’a fait éclater de rire à de très nombreuses reprises. La plume de Josef Schovanec peut être légèrement déconcertante, mais en tant que grande amoureuse de la langue française, j’ai beaucoup aimé ces belles et longues phrases, complètes et riches. Certains trouveront peut-être ce style froid, impersonnel, mais je trouve pour ma part qu’il est au contraire très vivant ! Je suis ravie d’avoir enfin lu ce livre - dont j’ai beaucoup entendu parlé ces dernières années - et compte bien découvrir le reste des ouvrages publiés par Josef Schovanec !
https://lesmotsetaientlivres.blogspot.fr/2018/01/je-suis-lest-josef-schovanec.html
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