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Inflammables, ces années qui virent Gérard Guégan passer de Contre-Champ à Champ libre, d'une revue de cinéma communiste, surréaliste et marseillaise à une maison d'édition ultra gauchiste et parisienne. Inflammable, comme les films de l'époque, qui annonçaient, chacun à sa manière, le déclin des fausses vertus et le retour du déraisonnable.
Trente ans après son premier roman (La Rage au coeur, 1974), Guégan nous fait tout un cinéma avec Truffaut, Sterling Hayden, Gérard Lebovici, Orson Welles, William Burroughs, Sam Peckinpah, et quelques autres qu'il a croisés, nous livrant, en même temps que la substance de ses rencontres, un parfum de coulisse, d'inédit. Autant de séquences qu'on coupe au montage de l'histoire officielle mais qui, seules, rendent vivantes les icônes.
François Truffaut y passe un savon à son ami Lebovici, coupable d'avoir produit La Société du spectacle, tandis que Sterling Hayden remâche son passé maccarthyste à bord d'une péniche amarrée devant le Louvre. Burroughs, traqué par le FBI, découvre Le Parrain à Londres où il s'était réfugié. Roger Leenhardt plaide, lors d'un entretien avec l'auteur, pour la transformation de la lutte des classes en comédie sentimentale alors que Godard, bien avant l'émeute de mai, tente de dénaturer l'information télévisée. Orson Welles déclare ne connaître que deux directeurs d'acteurs " réellement compétents, Hitler pour les plans larges et Himmler pour les scènes plus intimes " tandis que Sam Peckinpah part en chasse d'une nymphette dans les rues de Paris.
Par delà la colère, l'émotion, la démesure et bien souvent la cocasserie des situations, s'ébauche aussi, tout à la fois pudique et échevelé, le portrait d'un franc-tireur : jamais Guégan n'a abdiqué ses premiers engagements en faveur du rêve, des désirs, des utopies que charrient les livres et les films qu'il aime, jamais il n'a laissé s'éteindre sa capacité d'enthousiasme pour la création sous toutes ses formes, jamais il n'est tombé dans le nihilisme ni la nostalgie passéiste.
Contre l'idée communément reçue de la fin de la dialectique et de son impossible renversement, Inflammables est un filtre puissant : Guégan nous dit d'expérience qu'entre la littérature, le cinéma et la vie, il n'y a pas de différence. La preuve, ce livre, formidable leçon de style.
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