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Le changement de conception de la place de l'homme dans l'univers et le souci revendiqué de défendre la biodiversité ont revalorisé l'image du loup. Avec son retour dans les Alpes, le renversement de perspective crée un fossé au sein de l'opinion publique et accroît les tensions entre les acteurs des espaces pastoraux et les gestionnaires de l'environnement. Dans ce débat souvent passionné, les attaques de loups qui, des siècles durant, l'ont fait classer parmi les prédateurs les plus nuisibles sont remises en cause. Comme l'agression connotée la plus négativement, celle du loup considéré comme « mangeur d'hommes ».
Pour circonscrire les enjeux d'une question si sensible, il importait d'y voir plus clair. De quels témoignages dispose-t-on et quelle en est la validité ? Comment distinguer les attaques d'animaux anthropophages des cas de rage ? Pour quelle évolution chronologique et quelle répartition géographique ? Comment identifier les agresseurs et quelle en fut la perception culturelle ? Quelles techniques de prédation étaient-elles mises en oeuvre ? Quel fut l'impact démographique et sociologique des attaques ? Quel risque effectif le loup fit-il peser sur l'homme ? Pour répondre à ces questions, l'ouvrage a mobilisé les témoignages et les travaux publiés sur plus de cinq siècles d'observation - de la guerre de Cent Ans à celle de 1914 - et rassemblé un corpus statistique de plus de 3000 actes de décès, de 1580 à 1830.
Aucune synthèse historique n'avait engagé jusqu'ici une enquête aussi large sur l'ensemble du territoire français. Le travail est loin d'être terminé : l'ouvrage convie à élargir la recherche et à envisager les autres aspects du rapport entre le loup et l'homme. Car finalement, au-delà de l'explication donnée à un fait qui ne va plus de soi, l'étude réalisée renseigne davantage sur l'organisation spatiale des activités humaines que sur l'évolution biologique de l'animal. Le loup est un révélateur des choix de société.
Refusant de minorer ou de nier les prédations exercées par les loups sur les humains, Jean-Marc Moriceau est l’auteur d’un extraordinaire travail de recherche qui permet de se faire une idée la plus précise possible sur ce sujet.
Dans cette nouvelle édition corrigée et augmentée, un livre impressionnant de plus de 600 pages, le lecteur découvre les habitudes de ceux qui nous ont précédés, le fonctionnement de la société et surtout les réactions de la population devant des attaques bien réelles mais qu’il s’agit avant tout d’analyser pour éviter de tomber dans le piège des superstitions et autres croyances irraisonnées.
Jean-Marc Moriceau, documents à l’appui, nous emmène à travers tout le pays, s’appuyant sur les seuls récits disponibles jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, ceux établis par les curés de campagne. La plupart du temps, l’imagination prenant le dessus, les méfaits des loups anthropophages étaient attribués à un seul animal malfaisant, insaisissable. L’imagerie populaire aidant, une représentation de plus en plus féroce atteint son paroxysme avec la Bête du Gévaudan (1764-1767). La presse aussi, dès 1632 (La Gazette) s’est chargée de médiatiser la férocité des loups.
En fait, si certains loups ont pris goût à la chair humaine, c’est la faute des guerres et batailles incessantes qui ont égrené les siècles, laissant sur les champs de bataille, quantité de cadavres sans sépulture. S’ils nettoyaient le terrain, les loups, ensuite, cherchaient à prélever leur nourriture sur les vivants, hélas. L’exemple le plus célèbre de cadavre dévoré par les loups sur un champ de bataille est celui de Charles le Téméraire retrouvé nu et à moitié mangé, deux jours après la bataille de Nancy, le 5 janvier 1477.
Les autres attaques des loups sur les humains relèvent de loups enragés. Contrairement au loup anthropophage qui attaquait les plus faibles, les femmes et les enfants principalement, le loup enragé s’en prend à n’importe qui, infligeant d’atroces morsures sans dévorer sa victime. Une seule attaque pouvait se révéler être un véritable fléau parce que les conséquences étaient abominables à cause de cette maladie que l’on ne savait pas encore soigner. Jean-Marc Moriceau consacre une bonne partie de son étude à l’évolution de la rage et aux façons de lutter contre elle.
Cette « Histoire du méchant loup » permet de s’informer et surtout de dédramatiser le débat sur un sujet abordé sans œillères et avec le maximum de documents étudiés et reproduits dans le livre. En un peu plus de 500 ans, les loups ont fait un peu plus de 3000 victimes (1857 pour les prédateurs et 1201 pour les enragés). Rapporté à la mortalité importante durant cette période (chutes, noyades, maladies, etc…), ce nombre n’est finalement pas trop important.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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