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Dans ce troisième tome consacré au XXe siècle, on passe du désordre créateur des années vingt à l'ordre terriblement réducteur des années trente, marqué par le terme à la fois ingénu et menaçant de « réalisme socialiste ». Un catéchisme idéologique s'impose et cache un effroyable souterrain de terreur et une industrie de la mort qui a nom « goulag ». De grands créateurs oeuvrent dans l'isolement total (Pasternak ou Boulgakov), cependant que d'autres prennent le chemin des officines de torture (Mandelstam), d'autres encore capitulent (Léonov) ou prennent la tête du mouvement d'acquiescement (Gorki). La guerre apporte sa bourrasque de souffrance et de liberté intérieure recouvrée, mais le plomb retombe dans les cerveaux d'abord en 1946, avec le jdanovisme, puis en 1948, avec la campagne anticosmopolite. « Gels » et « dégels » se succèdent, mais aujourd'hui la littérature témoin de l'inhumain est publiée: Chalamov, Grossman et SoIjénitsyne dialoguent dans la conscience des lecteurs. Les retrouvailles avec la diaspora qui avait emporté un morceau de Russie à ses semelles sont consommées. Et cette diaspora rejoint les destins tragiques de grands poètes comme Akhmatova, poète saphique passé d'une poésie intimiste miniaturisée à la grandeur épique d'un Requiem pour les générations muettes de douleur. Dominant tout le siècle, pas seulement le russe, la lucidité poétique et prophétique du poète Ossip Mandelstam, mort au goulag, fournit une réponse de l'homme au sphinx de la terreur. Ce tome montre les filets de créativité qui n'ont jamais cessé de couler, comme il montre la grande glaciation politique et culturelle de l'utopie réalisée: celle d'Andreï Platonov, aux résonances religieuses puissamment ambiguës, celle, dérisoire, du satiriste Alexandre Zinoviev, ou celle, classique et postmoderne, du poète joseph Brodsky qui interroge les tyrans de toujours. Plus que précédemment l'ouvrage est collectif, il s'est enrichi de collaborations de Soviétiques naguère encore interdits de publication à l'étranger. Terme chronologique de l'entreprise (qui va se poursuivre en présentant bientôt la littérature russe des origines à la fin du XIXe siècle), ce tome ne prétend pas conclure, mais il offre deux voix en guise de finale, deux voix libres venues de l'Est pour dire ce qu'il advient d'un organisme puissant et paralysé lorsqu'il dégèle et qu'il souffre d'un violent retour à la vie...
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