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Nicolas Scouarnec, alias Gwaz-Ru, « l'homme rouge », a quitté sa campagne de Briec pour s'embaucher comme manoeuvre dans le bâtiment. À Quimper, il se syndique, fraye avec le parti communiste, côtoie des nationalistes bretons, rencontre la femme de sa vie et fonde une famille. Il traverse les périodes troubles de l'entre-deux-guerres, de l'Occupation et de la Libération sans se départir de son esprit frondeur, restant ce qu'il est : rebelle à tous les pouvoirs, excepté celui qu'exerce sur lui le travail de la terre. Au bout de sa quête d'un monde meilleur, trouvera-t-il son jardin à cultiver, une terre qui lui appartienne ?
Hervé Jaouen commence cette histoire à la fin de la Première Guerre et la finit (provisoirement, car une suite est prévue) en 1944, à la libération de Quimper et des environs. Comme d'habitude avec lui, ses personnages sont forts, aux caractères bien trempés, totalement ancrés dans leur terre natale. Dire de Gwaz-Ru qu'il est têtu serait un pléonasme, il est Breton, ça devrait suffire pour connaître son entêtement, son côté obtus et rigide et indépendant. C'est un beau personnage, un patriarche qui ne s'en laisse pas compter, mais Hervé Jaouen n'en a pas fait un tyran : il règne sur sa maisonnée, c'est à la fois une réalité et une tromperie ; certes, il dirige, prend des décisions, mais Tréphine est omniprésente, et si dans certains romans ou films, on doit deviner que derrière l'Homme se cache la Femme, là Tréphine n'est absolument pas en retrait. L'auteur en fait une femme douce, travailleuse et aimante pour son mari et ses enfants, mais au caractère assuré et assumé qui ne se prive pas de dire à qui de droit ce qu'elle pense, ce que d'ailleurs Gwaz-Ru accepte et aime aussi chez elle.
Souvent chez Hervé Jaouen, je trouve des portraits jouissifs, ce roman ne fait pas exception :
"Un nommé Fichou, une espèce de gnome, batracien binoclard mâtiné de pécari : une figure plate de crapaud, mais plantée d'un long et gros nez recourbé comme une trompe qui touchait sa lèvre supérieure. [...] Dans le civil, contrôleur des impôts, Fichou, de derrière ses culs de bouteille, fixait sur vous un regard de Méduse, vous écoutait parler..." (p.117)
L'écriture est truculente, tout à fait adaptée au parler franc et direct des paysans de l'époque (enfin, ce que j'en imagine, puisque je n'étais point né), et si elle fait la part belle aux protagonistes, elle n'oublie pas de parler du pays, de la Bretagne, présente dans toutes les pages, à la fois par son paysage, par son climat et sa langue, le breton que parle une grande partie des intervenants, Gwaz-Ru en premier.
Pour être très franc, ce roman n'est pas mon préféré de l'auteur, le genre saga quand bien même il se passe en Bretagne n'est pas vraiment mon truc, je me suis même demandé plusieurs fois pourquoi je continuais à le lire, mais j'étais bien incapable de m'arrêter et même survoler comme je peux le faire parfois m'était difficile. Je n'ai donc point boudé mon plaisir et ai humé profondément l'air breton qui devait passer entre les pages, dans les mots de Gwaz-Ru et Tréphine et dans l'écriture d'Hervé Jaouen, toujours au diapason des histoires qu'il raconte avec talent.
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