«J'obéis à ma mère pour ne pas lui faire de chagrin. À la première demande,
elle dit non. [...] Elle est sévère par peur de ne pas y arriver car elle est seule
à nous élever. Et puis, elle devine mon caractère à travers mes réactions.
Elle sent que je ne suis pas comme les autres.»
Née en 1939 dans le milieu ouvrier du Nord de la France, Thérèse est
orpheline de père et en ressent un vide profond. Enfant rêveuse et
généreuse, elle se confie rarement à sa mère accaparée par la survie de
sa famille. C'est donc seule qu'elle découvre sa vocation : offrir sa vie au
Seigneur et aider son prochain. Bientôt, l'épiscopat lui propose de devenir
«soeur ouvrière». Elle travaille alors sans relâche en usine, verse la moitié
de son salaire à sa congrégation et trouve encore le temps de s'occuper
de sa famille, des plus démunis et de militer pour la cause des ouvriers.
Au-delà de son destin étonnant de religieuse syndicaliste, ce sont sa
détermination et son humour qui font de Thérèse un personnage hors
du commun.
Dominique Sampiero nous parle ici de ce qu'il connaît le mieux : le Nord de la France, dont il est originaire. Il raconte l'histoire de Thérèse, basée sur un véritable témoignage, soeur ouvrière dans les années 1960 qui a voué sa vie aux autres.
L'auteur évoque le travail, la solidarité, la misère, les difficultés familiales. Grâce à Thérèse, rebaptisée Soeur Bernadette, il évoque avec beaucoup de pudeur les problèmes récurrents de la région. A travers son regard d'enfant, d'abord, puis sa vie de jeune adulte, ses engagements, ses peines et ses joies. L'écriture semble aussi suivre cette évolution, pour terminer par une fin très poétique et douce, un accomplissement bien mérité.
L'écriture de Dominique Sampiero m'évoque une rivière : à la fois pure et mouvante, à la fois transparente et aux profondeurs envoûtantes, moirée de toutes les teintes du temps, de toutes les nuances d'une vie. C'est cette écriture lumineuse qui donne une voix à Thérèse, une des premières soeurs ouvrières, et qui redessine les contours de sa vie pour en faire un destin. D'une compassion qui refuse la pitié et la sensiblerie, Thérèse accompagne la souffrance des hommes, lutte avec eux. Elle donne et partage sans ostentation, sans condescendance. Le récit à la première personne a la simplicité des "gens de peu", l'innocence lucide des justes et la bonté inépuisable de ceux qui dressent la générosité contre les murs de l'indifférence. Juste beau, juste et beau.
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