Feu est un roman multiple, éclaté, fait de plusieurs histoires, de différentes tentatives épistolaires, de poèmes, de méditations, pour explorer à sa façon aujourd'hui la notion d'« interzone », inventée par Burroughs pendant son exil à Tanger dans les années 1950. Ce « pays étrange », lieu des folies et des cau- chemars, que seule l'écriture parvient à restituer et à explorer.
Chez Bouyssi, il s'agit d'un état très particulier, qui semble toujours exacerber une altération produite par une rencontre, au sens le plus fort, voire le plus surréaliste, du terme : forme d'éblouissement et/ou de révélation, rencontre plaisante ou pas, ratée ou réussie, qu'importe ici, mais amoureuse, amicale, familiale, professionnelle, réelle, virtuelle, littéraire, philosophique, musicale... Le roman dressant, entre autres, le constat qu'on ne change pas tant que ça, à condition de pouvoir reprendre et approfondir un même état, une même expérience indéfiniment.
Feu est à entendre dans beaucoup de sens, qu'il signale l'arrêt (feu rouge) de plusieurs pistes pré- sentes dans les romans précédents pour mieux en ouvrir d'autres (feu vert). Qu'il indique un départ préci- pité et même une attaque, coup de revolver ou de fusil, ou bien cette forme d'ardeur et d'enthousiasme à l'oeuvre chez les cinéastes, écrivains, musiciens (feu sacré). Qu'il réfère à « feu le passé », et parce qu'enfin ce titre désigne aussi très concrètement un accident, un incendie qui a détruit l'endroit où le livre a été conçu...
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