"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Après une énième dispute avec son père - un universitaire à la vie austère, Jeremy fugue et arpente un Londres ravagé par les bombardements nazis. Seul et fauché, révolté contre un monde qu'il juge étriqué, il survit grâce à sa passion pour la musique.
Vissé à son piano dans un bar enfumé, Jeremy réchauffe les nuits glacées des êtres brisés tout en rêvant de devenir un grand pianiste. Un soir, il fait la connaissance de Percy, un jazzman noir américain. Un rencontre qui bouleverse son existence... mais cette existence sera-t-elle comprise par son père pétri de certitude ?
Mené sur un rythme trépidant qui épouse la sensualité du jazz, ce roman interroge les tensions générationnelles avec un regard perçant et serein. Si chaque génération semble toujours perdue aux yeux de la précédente, une trêve est possible quand les pères et les fils reconnaissent qu'ils portent en eux un peu de la souffrance de l'autre.
Le roman s'ouvre dans les années 30 et s'étend jusqu'au milieu des années 45, sur fond de Seconde Guerre mondiale. Ayant perdu sa mère tôt et élevé par un père autoritaire, professeur de langues anciennes, Jérémy est un adolescent en pleine révolte contre les valeurs paternelles. Son rêve ? Devenir un grand jazzman. Dès qu'il en a l'occasion, il joue du piano en secret, car pour son père, le jazz est synonyme de débauche. Très vite il quitte le lycée et s'enfuit à Paris, avant de revenir s'installer à Londres. Là, il mènera une vie sans contraintes ni responsabilités. Dans le club de Jazz dans lequel il joue, il côtoie de nombreux musiciens, mais c'est Percy, un jazzman noir américain fuyant une Amérique ségrégationniste, qui changera le cours de sa vie. Très vite, Percy devient un mentor, un ami, une figure paternelle.
Un grand coup de coeur!
Jeremy, passionné de jazz en conflit avec son père éminent professeur de langue grecque, fugue presque malgré lui et finit par vivre la vie de ses rêves.
Il faut replacer ce roman dans son époque de l'entre deux guerres, d'où des principes d'éducations assez désuets et un manque d'ouverture flagrant de la part du père. La tante fait ce qu'elle peut pour maintenir le lien, mais malgré celà presque sans s'en rendre compte Jeremy fait une escapade à vélo un après midi au lieu d'aller au lycée, il ne reviendra plus chez lui et mener sa vie de musicien de jazz. Nous suivons en parallèle la vie de Jeremy mais aussi les réflexions de son père et de sa tante.
Après une mise en place qui m'a paru un peu longue et pendant laquelle je me suis demandé si j'allais pouvoir poursuivre ma lecture tant l'attitude du père m'tait insupportable et cette histoire vraiment trop datée, je me suis prise au jeu de suivre la vie de Jeremy, vie de bohème, de liberté, loin des exigences de la société.
Passionné de Jazz, Jeremy ne va plus vivre que pour ces moments qu'il passe sur scène et les belles rencontres qu'il va faire dans ces bas-fond de Londres.
C'est pour finir une belle histoire sur les passions, les amitiés, les incompréhensions générationnelles, les poids de l'éducation.
Une belle aventure humaine en plus de l'histoire de la musique subtilement distillée tout au long du récit.
Jeremy a perdu sa mère lorsqu’il était tout enfant. Depuis lors, il est élevé par son père Alfred et sa tante Eleanor.
Alfred est professeur latin-grec dans une université et ne conçoit la vie pour son fils que comme la sienne, à savoir en dehors de toute éducation religieuse, et dans la religion du latin-grec. Son propre père était pasteur et Alfred a dû s’opposer à lui, au retour de la guerre 14-18 pour être universitaire.
Le schéma se reproduit avec Jeremy qui ne supporte plus l’autorité paternelle. Lui, pianiste, ne voit que par le jazz alors qu’Alfred ne conçoit la musique que classique. jouer ou écouter du jazz avait quelque chose de déshonorant, un peu comme la masturbation »Autre source de discorde, le grec l’ennuie profondément (je suis polie!), alors que pour le père, « un bon fils est un fils qui sait la grammaire grecque »
Alfred, arc-bouté sur ses principes ne comprend plus Jeremy qui, par un beau jour de printemps part en vélo et, oh sacrilège ! ou Oh liberté ! Déchire son livre de grammaire grecque. Un gros poids en moins sur la poitrine et, d’un cœur allègre, pédale jusqu’à un club où se retrouve une faune populaire. Là, il joue du piano en prenant la place du pianiste en retard. C’est une soirée de première ; première fois où il joue en public, première femme qui le fait danser, premier baiser, première cuite et première bagarre. Le voici de retour au bercail tout penaud et tuméfié.
Mais la graine de la liberté est là. Il s’enfuit du collège pour ne plus revenir, sans donner aucune explication ni au recteur, ni à son père ou sa tante. Il fuit direction Londres. Une capitale dévastée, nous sommes en 1943.
Là, il joue, fait des rencontres primordiales pour lui, se fait un nom petit-à-petit. L’amitié joue un très grand rôle. Un drôle de personnage débrouillard et roublard, Tim, lui sert de Pygmalion. Et puis, il y a Percy, son maître puis son égal, son ami le plus précieux, d’ailleurs présenté par Tim.
John Wain raconte un thème fort connu, souvent sujet de livres, faie mourir le père pour exister. Son interprétation, très anglaise pour moi, ne donne pas dans le face-à-face violent, même si l’attitude du père peut paraître violente dans sa non-intervention lors de la disparition de son fils.
L’émancipation de Jeremy se fait au rythme du jazz ; le livre donne la parole à Jeremy (principalement), Alfred et Eleanor. Chacun raconte, se raconte. « Selon lui (le père) il fallait choisir ; je ne pouvais pas quitter ma prime jeunesse et laisser la porte entrouverte derrière moi ; il fallait que je claque cette porte, ou que je rentre à la maison. Alors, je l’avais claquée ; et j’étais là, sans racines, sans histoire, sans mémoire. »
La seconde guerre mondiale, tout comme la première, amène un changement des mœurs, de la vie quotidienne. Le conflit entre les générations en est un exemple . Quoique bien que plus je lis, plus je constate que « tuer le père » est une réalité aussi vieille que la nature humaine.
En vieillissant, Jeremy se rend compte qu’il ressemble de plus en plus à son père, qu’il a les mêmes réactions. Oui, il se voue tout entier à la musique, travaillant sans cesse. Comme son père il ne choisit pas la carrière, mais le bien faire. Il a la même incompréhension face à ceux qui veulent aller dans une autre façon de jouer le jazz et je ne vous parle pas lorsqu’il entend la musique rock ! « Vous prenez le jazz et vous le simplifiez en vous rappelant que la plupart des adolescents s’intéressent plus au rythme qu’à la mélodie. Partant de ce principe, vous accentuez l’un et vous sacrifiez l’autre. Finalement vous obtenez une musique composée de neuf dixièmes de rythme et d’un dixième de mélodie, et cette mélodie se réduit à quelques phrases maintes fois répétées, sous forme de braillements ininterrompus ».
La filiation se rappelle à lui, comme elle s’est rappelée à son père qui ressemblait à son propre père. Qu’on le veuille ou non, qu’on l’accepte ou pas, nous sommes et resterons les enfants de nos père et mère. Ce, démontré magistralement par John Wayne.
Avec ce livre recommandé par Wilfrid, de la librairie Le Cyprès à Nevers, je découvre une nouvelle maison d’éditions. « Et frappe le père à mort entre dans le volet « Après la tempête » qui « entend proposer des auteurs qui, bien qu’éloignés dans le temps et l’espace, se retrouvent à être habités par une ambition commune : sonder les êtres après des périodes de conflits. »
Comment un tel texte n’est pas plus connu en France? Comment un auteur quasi classique Outre-Manche est quasi inconnu ici? Mystère.... Merci aux Éditions du Typhon de nous donner enfin à découvrir John Wain.
Associé au mouvement des « Jeunes hommes en colère » (mouvement de cinéastes et d’écrivains né vers le milieu des années 1950 dans une Angleterre révoltée, enragée et résolument à contre-courant d’un classicisme typiquement britannique), l’auteur a écrit une cinquantaine de titre et son œuvre est considérée comme l’une des plus importantes de la littérature britannique.
« Et frappe le père à mort « est paru en 1962.
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Vous avez surement grandi en pensant que la morale de vos parents n'était pas la vôtre ; nos enfants, normalement, ressentent aujourd’hui la même chose ; je crois que c’est ce que l’on appelle le conflit des générations.
En tout cas c’est bien l’état d’esprit de Jeremy Coleman en 1942. Son père est un professeur austère, féru de grammaire grecque et bardé de principes moraux rigides. Il ne peut que désapprouver la préférence de son fils pour la musique jazz par rapport aux études. Après une dispute, Jeremy s'enfuit de chez lui, disparaissant dans les bas fonds de Londres en temps de guerre, où il joue du jazz dans des boîtes de nuit tout en évitant la conscription.
« Et frappe le père à mort » est l'histoire de la rébellion d'un fils contre des valeurs morales et un mode de vie dans lequel il ne se reconnaît pas. Refusant le schéma d'une vie toute tracée, Jeremy affirme son droit à déterminer son propre destin.
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La narration à la première personne, à partir de trois points de vue différents, met en relief l’impossible dialogue entre les générations, la confrontation de deux conceptions opposées de la vie et la volonté de réconciliation qui couve.
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Imprégné de jazz, ce roman d’apprentissage est un chef d’œuvre. J’en ai aimé l’histoire, la modernité du propos, la complexité des personnages et bien évidement l’écriture. Ce livre a reçu en début d’année le Prix Mémorable 2020, et « mémorable » est en effet l’adjectif idoine pour le qualifier.
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Traduction de Paul Dunand révisée par les éditeurs
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