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Holan est né à Prague en 1905. Il a connu la fondation de la Tchécoslovaquie, l'occupation hitlérienne, la libération par l'Armée rouge, le régime soviétique. Il renonce alors à l'idéologie communiste et se retire du monde pour se consacrer à l'écriture. Après une interdiction de publication pendant près de vingt ans, l'horizon s'ouvre à partir de 1964 : Une nuit avec Hamlet est traduit dans une dizaine de langues et publié chez Gallimard (préfacé par Aragon), il reçoit le Grand Prix d'État, il est même pressenti pour le prix Nobel. Mais ces appels du monde ne suffisent pas à rompre sa solitude et il meurt en ermite en 1980. Cet « enfoncement en lui-même » est pleinement voulu : Holan est le poète de l'espace intérieur. Il est comme « le gardien de la maximalité du coeur » (Dominique Grandmont) : « Un tel amour / que tu n'as pas assez du monde, ne serait-ce que pour un pas. » (« Il y a »). À la conscience, il préfère l'intuition. Au vivre, l'être. Aux mots, « un poème si simple et si limpide (...) qu'il ne puisse qu'être invisible » (« Témérité »). C'est là cette « dette » envers lui que se reconnaît Bouvier, qui signe la préface du présent recueil : « Cette impossibilité à dire absolument la création, cette marche nocturne et tâtonnante vers un point d'eau que la fugacité, la précarité mais aussi la lourdeur de la condition humaine nous interdisent à tout jamais d'atteindre, est sans doute le plus grand cadeau qu'un vivant puisse faire à son semblable. »
Douleur et Une nuit avec Hamlet sont les deux grandes oeuvres de Holan, découvertes par les lecteurs francophones surtout grâce au traducteur Dominique Grandmont, lui-même poète, et qui disait de lui : « Sa parole n'était que la partie émergée de son silence, son brasier intérieur. » Dans sa préface à Une nuit avec Hamlet, Aragon lui rend à son tour un vibrant hommage : « Il est le plus haut des arbres de la forêt tchèque, celui qui est le plus près de l'orage, et ses yeux reflètent naturellement les éclairs ». Car cette oeuvre réputée sombre est pourtant fulgurante et souvent tout simplement lumineuse. Et surtout, empreinte d'un amour (complexe) de la poésie dont Holan fait, pour ainsi dire, son manifeste : « ... car la poésie ne consent à nous parler qu'à une condition, à la seule mais inexorable condition de l'aimer. Je ne dis pas cela dans le vide : On ne peut rien faire sans amour. Sans amour, on ne peut même pas mourir. » (Sur la poésie, 1940).
Avec notre recueil Douleur, publié pour la première fois en 1967 par Pierre Jean Oswald et réédité chez Metropolis en 1994 grâce à l'intervention de Nicolas Bouvier, c'est une poésie de la sobriété, qui ne cède pas au moindre artifice, qui ne se veut même pas littéraire : « C'est ce qui n'est que poésie qui tue la poésie » (« Et de nouveau »). Une poésie qui ne demande qu'à s'invisibiliser pour rejoindre le monde, dans son impression la plus brute, la moins médiatisée possible. Cette disparition, ce tremblement de légèreté, pour reprendre les mots de Nicolas Bouvier, Holan en fait l'acte poétique par excellence. Que la forme poétique de ses textes ne fait que préparer, et dont ils ne donnent, comme par une infinie humilité qui n'est rien de moins que leur titre de noblesse, pas plus que le titre : « Même le poème le plus long du monde / n'en reste qu'au titre et la fin manque » (« L'automne à Vsenory »).
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