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Poe, malgré son indéniable succès, reste un mauvais élève de la littérature universelle. Le daguerréotype de Hartshorn restera à jamais associé à son nom : une figure de folie, le front proéminent, surplombant un regard fantomatique. Une moustache masquant un rictus. Un foulard cravate clair, contrastant avec l'obscurité du gilet. Les bras croisés. Dans l'attente du photographe. Un visage de mort. Comme pour donner raison à Balzac qui croyait que la photo enlevait de la vie, et à Baudelaire qui détestait cette technologie de la modernité instantanée. Le double assassinat de la rue Morgue est à lire, cette photo à la main. Non que l'oeuvre soit le fruit nécessaire d'une physionomie. Qu'il soit impossible pour un auteur d'écrire autre chose que ce que son paraître produit. Mais autrement, on passe à côté de cette nouvelle. Certains y verront la naissance du roman policier. D'autres, la création du fantastique... Il faut y voir avant tout le rejet du monde moderne : on trouve des corps sans vie, démembrés, éparpillés ici et là. Sans motif apparent. Pour découvrir finalement que c'est l'animal le coupable. Le singe. Comment ne pas donner raison à Poe? Au XIXe siècle, la raison triomphe... et pourtant, la cruauté est toujours aussi aiguisée, toujours aussi puissante, enracinée dans une humanité qui ne cesse de se perfectionner dans le crime. Poe comme Baudelaire qui le traduit sait l'entreprise humaine désolante de présomption et d'hypocrisie. Retrouver la bête qui dort en soi, l'accepter, sans remords. Prendre acte de la tragédie de l'existence, préfigurant le grand "oui" à la vie de Nietzsche quelques années plus tard sur un autre continent. Et laisser la science à son triste sort : celui de remplacer la foi. Dupin n'est pas dupe. On l'a bien longtemps considéré comme l'archétype du détective rationaliste. Il sent. Devine. Bref, tout à l'intuition. Le gut feeling des Américains. La présente édition reprend celle des Frères Lévy en 1869, avec une traduction de Charles Baudelaire.
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