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S'il s'agit bien ici des sagas islandaises du XIIIe siècle, ces deux textes relèvent d'une catégorie particulière, celle des sagas légendaires (fornaldarsögur) rédigées, bien entendu, dans le style tellement caractéristique du genre, mais fort différentes des sagas d'autres catégories par les caractères et les motifs. Elles sont censées remonter à des temps archaïques (ce que dit le forn- de fornaldarsögur), mais frappent surtout par la place qu'elles font au surnaturel, au merveilleux, au fantastique, ce qui les amène à évoquer quantité de survivances païennes, pensons-nous, et à proposer tout un arsenal de thèmes et de rites magiques.
Ces deux sagas sont férues d'« exotisme », elles détonnent de manière remarquable sur les grandes sagas des Islandais (Islendingasögur) par la place qu'elles accordent à l'amour-passion. Elles se font l'écho, également, de quantité de motifs de contes populaires, de réminiscences poétiques peut-être très anciennes ou de souvenirs historiques perdus dans la nuit des temps. Ce sont des sagas « vikings » qui obéissent aux lois de dynamisme, d'énergie et d'esprit d'aventure carastéristiques des grands aventuriers-marchands du Nord.
Mais leur propos n'est pas historique, dans quelque sens que ce soit. En fait, elles valent surtout, à nos yeux, aujourd'hui, pour la manière souveraine avec laquelle elles nous livrent, souvent ingénûment, de grands mythes qu'elles n'entendaient pas, il va sans dire, mais que nous parvenons à restituer dans leur fraîcheur. Suicides sacrés, pendaison rituelles, roi selon l'idéologie indoeuropéenne, vierges qui sont en fait des androgynes, géants aux ténébreux savoirs, héros archaïques détenteurs du grand art poétique, trolls maléfiques, aventures fabuleuses, etc. : tout ce que nous appellerions un « folklore » se cache derrières ces textes disparates, souvent énigmatiques, mais superbement composés pour notre « divertissement ».
Régis Boyer a été professeur de langues, littérature et civilisation scandinaves à l'Université Paris-Sorbonne et Directeur de l'Institut d'études scandinaves en la même université. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et traductions qui font autorité. Il dirige aux Belles Lettres la collection « Classiques du Nord ». Il a publié dans la collection « Vérité des Mythes » La mort chez les anciens scandinaves (1994), Les sagas légendaires (1998) et Les sagas miniatures (1999). A paru également aux Belles Lettres en 2013 son Pourquoi faut-il lire les Lettres du Nord ?
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