Entre actualités récentes et souvenirs, retour sur d'anciennes éditions du Prix...
Après sept ans de rupture avec son père, Elise pensait avoir conjuré les influences délétères de l'empire du tyran domestique qui régna sans partage sur son enfance et son adolescence. Mais sa réapparition la cueille dans un moment de vulnérabilité absolue, alors que la petite tribu qu'elle s'était amoureusement constituée dans un élan de rébellion et d'affirmation acharnée de sa différence - un homme en tous points contraire à la figure paternelle et deux garçons pleins de vie - vacille, menacée d'effondrement. Par sa faute, sa très atavique faute.
Aurait-elle aussi instantanément répondu à l'appel - à la convocation - d'un simple coup de fil ("Maman, il y a quelqu'un pour toi au téléphone" lui dit son fils qui ne connait pas son grand-père en lui passant le téléphone) si Simon n'était pas en train de la quitter ? Là n'est qu'une des questions qui assaillent Elise en rafale tandis qu'au volant de la vieille et poussive R5 vert-bouteille-intérieur-vert-absinthe de sa mère, elle prend la route de Marrakech sur fond de compilation vintage des années 1980 et de flashs infos commentant un Printemps arabe qui doucement déjà dégénère.
Improbable et dérisoire épopée que ce road trip presque in utero qui flirte avec la bande d'arrêt d'urgence, aux vertus magiques plus ou moins consciemment espérées : ce voyage saura-t-il abolir la distance qui sépare Elise de son père qui, à coups d'humiliations collatérales et de vilains souvenirs, de "petites" trahisons et de déceptions profondes, sont devenus Deux étrangers ? Elise trouvera-t-elle dans ce trajet le chemin entre la petite fille blessée et l'adulte qu'elle ne sait pas encore être face à son père ; la générosité de rendre à cet homme les prérogatives de sa propre enfance anéantie par l'Histoire et quelques balles perdues ; le courage et la clairvoyance qu'il faut pour, au mépris de sa propre douleur, faire le pas de côté pour voir enfin l'autre au-delà de ses défections. Et que faire de l'ironique concomitance de l'actualité brûlante et faussement étrangère ? Qu'apprendre de la redécouverte des origines quand tout jusqu'à l'étymologie des mots semble concorder pour affirmer la toute-puissance du destin et l'indéniable, l'intégrale, la viscérale transmission de l'héritage ?
Portrait d'une famille prise dans les glaces de souffrances jamais apprivoisées, trop longtemps tues, Deux étrangers est le roman d'une séparation (entre l'enfant et l'adulte qui cohabitent tant bien que mal en chacun de nous) et de retrouvailles impossibles et néanmoins essentielles (entre une fille et son père, mais aussi entre deux générations séparées par le couperet de l'Histoire). Un voyage dans le temps au rythme indomptable, tout en syncopes et ellipses, des souvenirs et des émotions, éclairé par un humour ravageur, une lucidité sans appel et un inextinguible désir de justice.
Entre actualités récentes et souvenirs, retour sur d'anciennes éditions du Prix...
Leur Prix Orange du Livre : le mot des jurés
Le 13 mai 2013, le jury a délibéré pour désigner les finalistes retenus pour le Prix Orange du Livre dont le lauréat sera annoncé le 11 juin 2013. Six titres ont été sélectionnés.
Le Prix Orange du Livre marque cette année sa (quasi) première décennie
Un roman fort et émouvant qui met en avant toutes les difficultés relationnelles qui peuvent exister entre un père dur, une mère effacée, et des enfants remplis de rancoeur à la sensibilité à fleur de peau. Elise réussit à nous embarquer dans son histoire personnelle, nous fait trembler parfois, sourire souvent grâce à une narration riche et détaillée, un retour aux sources qui prend l'allure d'une épopée à bord de sa vielle Renault 5, symbole des bons moments de l'enfance. Une belle lecture que je recommande.
Les confits parentales sait toujours très compliquer et pas facile a résoudre j en connais bien le sujet le livre doit être très intéressant a decouvrir comment ils arrivent peut être a se réconcilier sujet tres fort en émotion a decouvrir
Cela fait sept ans qu'Elise, mariée, deux enfants, n'a pas revu son père.
Et puis, un jour, il téléphone de Marrakech, il a des choses à lui dire, elle doit venir.
La jeune femme est saisie: ce père, despote violent, a ruiné sa famille et son enfance. Il l'a humiliée, réduite en bouillie et a eu sur elle une emprise telle qu'elle rêvait de le transpercer d'un pic à glace.
Et pourtant, elle part, comme étrangère à elle-même, dans la vieille Renault 5 "vert-bouteille-intérieur-vert-absinthe", dernier souvenir de sa mère morte et cocon dans lequel elle se love et roule tout droit, vers le sud, écoutant des flashs infos sur le Printemps arabe, échos lointains de sa propre volonté de se libérer du joug du tyran.
Dans une longue et lente introspection qui suit le rythme chaotique de l'antique et poussif véhicule, elle replonge dans son enfance, analyse son passé et chemine en elle et sur les routes, lentement, douloureusement. Elle s'interroge sur ce qui a détruit l'amour entre sa mère, jeune Polonaise ashkénaze et son père, séfarade d'Afrique du Nord. Comment cet homme est-il devenu un étranger au sein même de sa famille?
Lorsque, parvenue à Cordoue, elle a soudain la tentation de faire demi-tour, Simon, son mari, l'invite à poursuivre sa route jusqu'au bout:"... nous pourrions être des centaines à t'aimer que cela ne suffirait toujours pas. C'est le sien qu'il te faut."
Ce livre nous invite ainsi à une réflexion sur nos origines, notre identité, le poids de ce qui nous est transmis- que nous le voulions ou non-, l'impact de l'Histoire sur notre histoire. Comment ce père aurait-il pu assumer son rôle de père lui qui n'en a pas eu? Comment peut-on ne pas s'exiler lorsque nos ancêtres ont vécu l'errance: "Sefarade peut aussi venir de l'arabe, safar, qui veut dire voyage." découvre éberluée la narratrice lors de son périple. Tiens, elle aussi, sur les routes...
Un récit touchant sur l'identité et la terrible nécessité d'être aimé... "car la vie est ainsi faite qu'on ne peut pas se passer d'aimer et d'être aimé." François Truffaut, L'Argent de poche.
http://lireaulit.blogspot.fr/
Amour, c'est le patronyme qu'a choisi de porter le père d'Élise, pour gommer tout ce qui le rattachait à la terre qui l'a vu naître: l'Algérie. Un joli nom pour tenter d'oublier la blessure laisser par l'exil, l'expatriation, mais aussi et surtout la terrible perte d'un père qu'il aura peu connu.
Mais c'est bien de désamour - ce sentiment si froid, cette cessation de l'amour - dont est empreinte la relation qui unit Élise et son père. Pourtant, lorsque ce père-tyran qui a régné en maitre sur toute une famille - cet homme qui a su si mal aimer ses enfants (mais est-il facile d'aimer la chair de sa chair , lorsque l'on a trop peu reçu l'amour d'un père mort trop tôt ?) - convoque Élise et lui demande de venir le rejoindre dans sa retraite à Marrakech, elle obtempère comme lorsqu'elle était enfant. Sans réfléchir, mue par une volonté presque extérieure à elle-même, elle va quitter Paris, alors même que le couple qu'elle forme avec Simon le père de ses enfants est au bord de la rupture.
C'est au volant de la vieille R5 verte de sa mère qui fait presque figure de ventre maternel, de cocon, qu'Élise va entreprendre ce voyage quasi initiatique, voyage qui va l'a révéler à elle-même. Au fil de ce road trip, accompagnée par la musique délivrée par cette vieille cassette souvenir de ses premières relations d'amour adolescentes, afflue à la mémoire de la jeune femme tous les souvenirs d'une enfance et d'une adolescence blessée et déçue, par les gestes, les paroles et les actes posés ou mal posés par un père, qui est devenu pour elle un véritable étranger. À mesure qu'Élise avale les kilomètres, et que la vielle R5 émet des signes de faiblesse - comme pour mieux lui signifier qu'il est temps pour elle d'aller seule au bout de ce voyage, pour trouver sa propre vérité, sans l'ombre bienveillante de sa mère - la clairvoyante-réalité s'impose à ses yeux : elle ne pourra jamais se défaire du lien qui l'unit à ce père, tant détesté, elle est le fruit de la rencontre de ses parents, et porte en elle ce qu'ils lui ont transmis comme sa judaïté. Et quoi qu'elle fasse, aussi grand sera son combat, elle ne pourra pas lutter contre ce qui lui a été intrinsèquement transmis.
"Deux étrangers" se révèle un roman infiniment poignant notamment parce qu'Élise ,au cours de son voyage - au sens propre comme au sens instropectif - ne vit pas repliée sur elle-même, elle assiste et vit en toute conscience les évènements qui secouent ces pays qui ont soif de liberté de l'autre côté de la Méditerranée. Elle mesure à quel point ces peuples ont souffert du manque de justice et d'équité, et se réjouit du fait qu'ils -même si cela ne dure qu'un court instant - vont pouvoir au moins goûter une fois au sentiment exaltant de liberté. Cette conscience de la condition des autres qui affleure tout au long des pages de ce roman m'a beaucoup touchée.
"Deux étrangers" est une très belle rencontre, avec une auteure dont j'admire le talent et l'écriture pleine de force, parfois teintée d'humour, et qui écrit de manière franche et directe les mots, sans faux-semblants, juste cette vérité nue et si nécessaire. Mais c'est aussi une rencontre avec le judaïsme, une religion qui m'est étrangère, mais dont l'histoire sans que je sache pourquoi me fascine.
Le roman d'Émilie Frèche est un roman poignant, humain et en phase avec l'histoire contemporaine, un indispensable de cette rentrée littéraire qui procure autant d'émotions à chaque relecture.
Beaucoup d'émotion. Très beau livre sur la filiation, la transmission. Ce récit très personnel est en fait universel : ce que nous transmettons à nos enfants est lié à la relation que nous avons eu avec nos parents. J'ai découvert cette auteure lauréate au prix Orange du Livre 2013 et je vais m’intéresser à ses romans précédents.
C'est un récit personnel autour d'une histoire familiale.(Une fille va retrouver son père qu'elle n'a plus vu depuis des années). Au fil du livre et de son voyage, on découvre les différents caractères qui composent cette famille, petit à petit, à travers son vécu et ses impressions d'enfance.Chaque étape fait resurgir des souvenirs, des souffrances, des incompréhensions. Probablement ce voyage est une sorte de psychothérapie nécessaire.On ne s'ennuie pas un instant. Ce livre s'adresse à tous, concerne les relations père-fille et permet à notre personnage de mieux se comprendre elle-même et d'accepter de livrer ses émotions.
magnifique roman
Agréable lecture pour ce roman intimiste à la fois drôle et émouvant.
Devrait plaire à un maximum de lecteurs;pas iinoubliable tout de même!
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