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1990, Nevers. Katia, lycéenne rebelle, étouffe au bord de la Loire et rêve d'indépendance. Elle tombe follement amoureuse de Pierre-Yves, libre et anticonformiste comme elle aimerait l'être. Mais la soif d'absolu du jeune homme va plus loin que la sienne.
1990, Zagreb. Le tube « Fuck you Yu » fait danser la jeunesse yougoslave, qui se reconnaît dans ses paroles iconoclastes. Et souvent mal comprises : la chanson va devenir un hymne à l'éclatement de la Yougoslavie.
1990, Vukovar. Dans cette ville pluriculturelle, personne n'est censé savoir qui est serbe et qui est croate. Mais est-ce vraiment le cas ?
Dans Demain la brume, Timothée Demeillers met en scène des destins malmenés par l'Histoire, dans une Europe où les frontières se renforcent au lieu de s'effacer.
1990, la Yougoslavie est de brume et de détresse. Les enfants perdus dans le dédale des incompréhensions et de l’impondérable. Hier, et si près encore. « Demain la brume » est plus qu’un récit mais une mise en abîme époustouflante. Aucun parti pris, aucun jugement, plus que les faits, les actes accompagnés des mouvances d’une déchirure irréversible. L’écho d’une guerre fratricide. Les pages sanglotent et murmurent cette vérité, ce qui s’est réellement passé. Thimothée Demeillers est un passeur. Il délivre la mémoire d’un pays qui ne sera plus jamais comme avant. Les hôtes des pages sont authentiques, vivants. Nos contemporains, frères et sœurs, voisins de palier, musiciens « Les Bâtards Célestes » et leur duo « Fuck you Yu » qui sera la banderole d’une jeunesse fracassée. Le symbole de l’arrachement, le point d’appui des frontières en advenir. Ce livre tremble sous la pluie, les bombes, les douleurs intestines. Dans les torpeurs agonisantes, l’ami d’hier est le serbe à tuer, le frère et la sœur croate sont l’identité révélée qu’il faut immanquablement détruire et vice versa. « Demain la brume » est dans une polyphonie des intériorités à l’instar d’une frontière qui était prédestinée. « Demain la brume » est un cri dans la nuit. Les cruautés assoiffées, les horreurs commises au nom d’une idéologie, d’une culture, d’une religion, d’une appartenance muselière.
« Dans ma Yougoslavie
Demain la brume
Demain la brume
Dans ma Yougoslavie. »
« Demain la brume » est une référence historique. La contemporanéité fait froid dans le dos, tant elle sonne juste. On ressent plus qu’une écriture urgente des dires mais un chuchotement, un calme maîtrisé à l’extrême. Comme si Timothée Demeillers écrivait la nuit dans un couvre-feu. Il est au cœur du livre l’essence même des respirations d’un pays à feu et à sang. Les résistants affrontant la paix en comptant les leurs tombés à terre. Ce livre est d’utilité publique. Il entonne l’avertissement de la méfiance. Faut-il craindre la paix comme si elle était éphémère ? Faut-il prendre peur d’un regard trop vif ? Comment œuvrer au vivre-ensemble lorsque l’on pense l’autre en étrange (er). Timothée Demeillers délivre l’idiosyncrasie d’un bouleversement irrévocable. Le summum est de loin l’alliage des pensées contraires qui en deviennent un symbole. Chacun, ici présent est un morceau du pays arraché à coup de dents. Le livre n’est pas. Il s’échappe et cède sa place à Timothée Demeillers. Fracture abyssale, gouffre sans fond, larmes des mères et la tasse de café qui tombe sur le sol, brisée en mille morceaux. Parabole d’un homme abattu par une balle en plein front. On ressent l’amplitude d’un déchirement. Vol d’un oiseau de nuit, « Demain la brume » est un témoignage crucial.
A noter que pour la préparation de cet ouvrage Timothée Demeillers a bénéficié d’une mission Hors les Murs Stendhal en Croatie et Serbie grâce à l’Institut français. « Demain la brume » est indispensable à la belle humanité. En lice pour le prix Hors Concours des Éditions indépendantes 2021. Publié par la majeures Éditions Asphalte.
À travers les portraits de jeunes qui ont envie de mordre la vie à pleines dents, Timothée Demeillers raconte comment en 1990 la Guerre s’est invitée en Europe. Et a balayé leurs rêves, de Nevers à Vukovar.
Dans ce beau roman choral, Timothée Demeillers présente successivement les personnages qui vont nous accompagner au fil des chapitres et qui finiront par se croiser bien plus tard. On commence par Katia Koné, une jeune fille de dix-neuf ans qui a soif de vie. Elle s'ennuie à Nevers où il ne se passe rien en ce début d'années 90. Le seul petit titre de gloire des habitants aura été nomination de Pierre Bérégovoy au gouvernement.
Après le lycée, il lui reste la musique – sa chambre est tapissée de posters des Clash – et l’envie de prendre le large. L'occasion va s'offrir à elle lorsqu'elle rencontre Pierre-Yves, musicien punk. Lors d'une soirée chez une copine, il va lui propose non pas de la ramener chez elle, mais d’aller jusqu’à Paris. Un voyage qui va changer sa vie.
Changement d'univers dans le second chapitre. Nous sommes cette fois dans l'ex-Yougoslavie, au moment où Tito meurt et où les pays de l'est vont basculer les uns après les autres. C'est là que nous faisons la connaissance de Damir Mihailović qui, avec Nada et Jimmy, ont formé un groupe de rock contestataire baptisé les Bâtards Célestes. Lors d'un concert, il se font remarquer en interprétant Fuck you Yu qui ne va pas tarder à devenir l'hymne de tous ceux qui aspirent à davantage de liberté et d'indépendance dans cette Yougoslavie qui a rendu l’âme, même s'ils n'entendent pas pour autant être récupéré par les nationalistes Croates qui poussent les feux. Peur eux, il n’est pas question d'être inféodé à un quelconque pouvoir.
Nada, quant à elle, se retrouve aussi désœuvrée que son père, licencié après vingt-cinq ans à l'usine de Vuteks. Une décision que Milan, son ami d'enfance, explique comme un choix politique: il faut éloigner tous les Serbes. Nada n'y croit pas trop. Mais en cet été 1990, elle décide de «faire attention».
Des extraits du journal intime de Sonja Kojčinović viennent s'intercaler au fil d'un récit qui se tend de plus alors qu’en France ce qui se trame à quelques centaines de kilomètres est vécu dans une indifférence quasi-totale.
On sent combien Timothée Demeillers s’est documenté et combien il essaie, en détaillant les exactions commises, d’éviter tout manichéisme. Cette saloperie de guerre ne peut être propre, obligeant bien malgré eux les gens à prendre parti. Pierre-Yves pourra témoigner de cette horreur, lui qui rêvait d’aventure va se retrouver en première ligne là où «la civilisation est réduite à un panorama jaune, brûlé, constellé d’impacts, de jardins labourés, de bicoques éventrées, de débris de désolation». Roman puissant qui peut aussi se lire comme une piqûre de rappel face à la montée des nationalismes, aux solutions populistes, mais aussi au déni de réalité, à cette furieuse envie de tourner la tête pour ne rien voir. Alors s’élèveront les paroles de «Le vent froid a gommé les frontières», une chanson composée alors, la houle a atteint les arbres des forêts, a obscurci les sentiers de montagne, laissant des villes brûlées, du gros sel et les cris du silence, demain la brume, demain la brume.
https://urlz.fr/eAMA
ujourd’hui, je vous parle de ma deuxième lecture dans le cadre du Prix des lecteurs Privat 2021.
Couverture du livre « Demain la brume » de Timothee Demeillers aux éditions Asphalte
Des années, les années 90. Des lieux, ici et là bas.
Ici, c’est la France, Nevers plus exactement. C’est Katia, une jeune femme de 18 ans, punkette pour faire oublier son métissage dans cette ville où elle est une des rares personnes noires. Ici, c’est la rencontre entre Katia et Pierre-Yves, un jeune homme ombrageux, aux idéaux politiques affirmés. Ici, c’est le début d’une histoire sentimentale avec ses hauts et ses bas. Ici, c’est la jeunesse tranquille française…
Là-bas, c’est le monde de Jimmy et Damir, les amis musiciens, les Bâtards Célestes et de Nada, la cousine de Damir. C’est le monde où un morceau de musique, un tube est détourné pour servir des enjeux géopolitiques. Là-bas, c’est le début d’une rupture, celle d’une amitié, celle d’un pays, déchiré entre Serbes et Croates. Là bas, c’est un monde qui disparait et n’existe déjà plus sous les obus et la violence.
Demain la brume est un roman où les destins se brisent, se rencontrent, où des vies disparaissent, des mondes s’effondrent pour mieux renaître. Son auteur, Timothée Demeillers, au fil des pages nous emporte dans ces vies, celles de Katia, de Nada, du Français, de Jimmy, de Milan, dans ce pays qui n’en est plus un et qui vole en éclats au nom du sang, des origines, de l’identité.
Dans ce roman, pas de jugement ni de parti pris, dans ce récit, les destins sont en marche, se rencontrent et se séparent. Demain la brume, c’est le panorama d’une jeunesse européenne en quête d’identité entre Ici et Là-bas. Le récit est sombre, le sujet est grave et pesant, du sang coule, des vies disparaissent, la violence éclate, les liens se brisent mais l’écriture de Timothée Demeillers rend attachants ces héros ordinaires emportés par une Histoire qui les dépasse.
En résumé : DEMAIN LA BRUME, c’est l’histoire d’une jeunesse qu’on découvre et qu’on a du mal à abandonner.
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