On nous change la religion ! Beaucoup de Français l'ont pensé en observant, sur les trois derniers siècles, les considérables évolutions sociologiques qu'implique ce titre-programme : "De la charité à l'action sociale". Fort banale, pourtant, pourrait sembler à nos contemporains cette transformation de la charité d'Ancien Régime, au nom de "l'éminente dignité des pauvres" en stratégie et pratique d'une reconnaissance sociale des plus démunis, des plus marginalisés. Mais, sait-on par quels débats, tâtonnements, combats il a fallu passer pour que devant les urgences de la question sociale s'impose le christianisme social contre la philanthropie au XIXe siècle, le mutualisme comme les prêtres ouvriers au XXe siècle ? Face aux Églises elles mêmes : Ozanam racontait que la naissance des conférences de Saint-Vincent de Paul, toujours gérées par des laïcs, avait jailli de sa propre indignation : "Vous qui vous vantez d'être catholiques, que faites-vous ? Où sont les oeuvres qui démontrent votre foi ?" Face à l'État-providence : les historiens discutent aujourd'hui des contradictions de son rôle dans la protection sociale : au XIXe siècle, trop subsidiaire par rapport aux organismes privés à vocation caritative ; trop omnipotent et centralisateur au XXe siècle.
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