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Marqué par un deuil déjà ancien, un homme décide de revenir dans la ville où il est né et où il a autrefois vécu. Tout a changé. Pourtant, petit à petit, les mêmes fantômes fidèles s'en retournent vers lui sous les apparences étranges et familières qu'ils ont désormais revêtues. Dans le quartier où il s'est installé, de grands travaux sont en cours. Les immeubles en passe d'être démolis voisinent avec les constructions nouvelles. Autour de l'homme qui raconte son histoire, les signes se multiplient. La demeure où il a élu domicile lui semble comme une maison hantée perdue au beau milieu d'un vaste terrain vague. Il y fait la connaissance d'une femme et d'un homme dont il finit par s'imaginer qu'ils détiennent peut-être la clef du mystère qui les entoure. Le roman vécu se transforme alors en une fable fantastique dévoilant le vide où s'en vient verser toute vie et qui en révèle la vérité.
Un grand roman de la rentrée littéraire 2016 : "Crue", de Philippe Forest, aux éditions Gallimard.
Le pitch : Tel un fantôme revenu hanter la ville de son enfance, le narrateur n’y reconnaît pourtant rien, tant les travaux de rénovation et modernisation lui donnent un nouveau visage. De nature discrète et solitaire, ce dernier semble isolé et seul, comme entouré de spectres dans une maison hantée. Voyant les êtres qui l’entourent disparaître peu à peu, le narrateur se décide à nous livrer d’étranges révélations sur la mystérieuse épidémie qui semble toucher notre monde sans que personne ne s’en aperçoive…
C’est à l’occasion d’une opération « Masse Critique », organisée cet par Babelio et Gallimard, que j’ai eu la chance et l’immense plaisir de recevoir ce roman, me permettant ainsi de me découvrir cette plume bouleversante.
Plongeant son lecteur dans un climat fantastique et apocalyptique, empreint de silence et de mystère, l’auteur aborde ici avec une troublante profondeur la question de la disparition et de l’absence, sans oublier le sens qu’il faut trouver à la vie après de telles épreuves.
Dans un décor que l’auteur a su nous suggérer avec un immense talent, le lecteur est amené à suivre ce narrateur – dont nous ne connaîtrons jamais le noms – qui tente une reconstruction par un retour aux sources suite à un deuil particulièrement douloureux, pour envisager un nouveau départ. Mais l’atmosphère lugubre de cette ville déshumanisée, qu’il ne reconnaît plus et dans laquelle il va devoir survivre lorsqu’arrive le déluge, permet de bien vite réaliser que tout n’est pas si simple.
Soumis à une intense réflexion, le lecteur est rapidement tenté de penser que le narrateur se livre bien plutôt sur son parcours intérieur, celui de son âme, du deuil qui la frappe, du chagrin qui la submerge tel le déluge qui s’abat sur la ville, puis l’annonce de la décrue, symbole qu’il fait continuer à avancer, bon gré, mal gré.
Phrase clé de ce roman, « Est enim magnum chaos » (extraite du roman « Holy Terrors » d’Arthur Machen), qui sera traduite ici par « En vérité, il est un grand vide », résume finalement tout le propos de ce fabuleux roman. Car c’est bien de ce vide dont il est question, du vide que laissent les disparus pour ceux qui restent, du sens que ces derniers cherchent à lui donner et des mots qu’ils espèrent tant lui attribuer. Tout est finalement question d’interprétation, comme le souligne si bien ce narrateur, désœuvré et malmené par la vie, auquel chacun peut tant s’identifier.
Servi en outre par une plume tout simplement magnifique et saisissante, le lecteur ne peut qu’être happé par ce roman particulièrement poignant.
En bref, un roman poignant, d’une rare éloquence, à découvrir sans hésiter en cette rentrée littéraire !
Le thème de prédilection de Philippe Forest est celui de la disparition. Il le décline depuis son premier roman "L'enfant éternel" avec une grande sensibilité et une belle pudeur. Un enfant, un père (Le siècle des nuages) chaque perte est une leçon de vie aussi difficile soit-elle. Après "Le chat de Schrödinger" (Le nom d'une expérience qui a attrait concomitamment à la vie et à la mort) ce nouveau roman aborde le thème sous la forme d'un récit d'une grande étrangeté, qui n'est pas sans rappeler le Bertrand Blier de "Buffet Froid".
Dans une grande et froide solitude d'un immeuble désertique, parfois on se parle, on s'aime mais on disparaît aussi. Cela va sans dire. Mais Philippe Forest le dit toujours aussi bien.
"C'est pourquoi la perte d'un chat qui s'enfuit dans la nuit peut être à l'origine de tous les deuils qui lui furent antérieurs"
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