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Il m'arrive de rêver que nous aurions pu nous connaître avant. Avec le même âge. Je crois que nous serions restés amis. » (Georges Perros à Jean Paulhan) 1953 : La Nouvelle Revue française renaît de ses cendres. Jean Paulhan, alors septuagénaire, cherche des regards neufs : Jean Grenier lui présente le jeune Georges Poulot, tout juste âgé de trente ans, ancien sociétaire de la Comédie-française avec Gérard Philipe, lecteur pour le TNP de Jean Vilar. Ainsi débute à La NRF celui qui prend le nom de Georges Perros.
Cinquante-huit critiques et quelques «papiers collés» plus tard, le «petit noteur» est devenu un écrivain à part entière. Entre temps, il a préféré s'esquiver, prendre la tangente sur sa pétaradante moto et se réfugier au fin fond de la Bretagne.
Refusant d'être publié en volume ou de se présenter à des prix littéraires, Georges Perros assume sa «sociale insignifiance» : «Ce que ces notes m'ont apporté, explique-t-il en septembre 1954, m'a comblé. Vous savez ce que je veux dire. L'important, c'est de continuer, quoique comblé.» Sauvage, instable, Perros ne décourage pas Paulhan. Bien au contraire, sa personnalité tourmentée l'intrigue, son esprit ironique et pince-sans rire excite sa curiosité. Mieux : il voit en son cadet la figure même de la littérature vivante - celle qu'il faut soutenir, publier, pousser dans ses retranchements.
Mais Georges Perros est aussi l'un des rares correspondants de Jean Paulhan à lire son oeuvre de manière désintéressée et à le suivre sur ce terrain du langage qui hante le directeur de La NRF : «Vous tournez autour des difficultés centrales - et rien moins que littéraires -, écrit Perros dans sa toute dernière lettre, comme un tigre qui voudrait manger un bout de la cuisse de la vérité.» Non sans courage, il tente de cerner le secret de Jean Paulhan, à l'aide des prismes de la poésie et de la psychologie. «Ce qui se passe (à l'endroit qui nous occupe), lui répond celui-ci, est tellement bizarre et contradictoire qu'il est d'abord difficile de se défendre de la conviction qu'on est vide, très exactement que l'on n'est personne. Mais je crois qu'il faut se défendre et qu'on est assez vite récompensé. Eh bien vos pages sont l'une de ces récompenses.» Il est d'autres «récompenses» au coeur de ces 211 lettres qui rythment «l'épreuve du compagnonnage» des deux épistoliers : les parties de boules aux Arènes de Lutèce, les visites à la ménagerie du Jardin des Plantes ou les nouvelles des migrations saisonnières des sardines dans la baie de Douarnenez...
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