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Ce texte est né d´une commande.
Je suis passé à côté : on m´a demandé une chose, et dans un premier temps je n´ai pu qu'écrire ça. Ce texte-là.
Comme une envie lointaine, une obligation. J´avais depuis longtemps le projet d´écrire pour des filles, sur des filles.
J´avais dans mes carnets, dans mes cartons, un projet, ainsi, qui avait pour titre Les robes. Ce texte est un premier aboutissement de cette envie.
Et puis, dans un atelier en lycée que je mène, j´ai rencontré, croisé disons, une jeune fille, un personnage, une fille vive et sans doute intelligente, qui assez vite et brutalement a disparu, est partie avec une de ces bandes de punks à chiens que l´on voit ici, dans une de ces villes du sud, traîner. Qui zonent journées entières près des marchés, près des postes, dans les rues commerçantes. Qui tendent la main. Qui, parfois chantent, parfois jonglent. Qui vivent ça et là dans des immeubles squattés.
Toujours été fasciné par la marge. Sans doute, mélange de semblant d´absolue liberté et de détresse.
Suis donc parti à raconter deux jeunes filles amies pour la vie qui brutalement se séparent, une qui disparaît et l´autre qui reste avec son manque. La vie de son coté sans elle. Et puis des retrouvailles, tard, elles deux devenues femmes âgées.
Retrouvailles dans une maison de retraite. Ce qui subsiste. Ce qui s´efface.
ED.
Emmanuel Darley a commencé sa carrière professionnelle comme libraire, il l´était encore lorsqu'il a publié son premier livre, "Des petits garçons", en 1993, chez POL, puis lorsque j´ai découvert son travail avec "Un gâchis chez Verdier" en 1997.
Emmanuel Darley est installé depuis de nombreuses années à Narbonne. Mais, comme beaucoup d´entre nous, les chemins du livre sont devenus des chemins pour de vrai : si l´écriture est un partage, on a sans cesse à le refaire là où on est. Emmanuel Darley a pris le chemin des ateliers d´écriture (et même a croisé, à Lodève, mes propres chemins), et le glissement s´est fait de là à la scène.
Est-ce pour autant installer au-dessus du texte la catégorie théâtre ? Est-ce que plutôt les compagnonnages qu'on y inaugure (pour Emmanuel Darley avec Jean-Marc Bourg, autre croisement) ne partent pas de la même interrogation côté scène, pour retrouver parole directe, échange ?
On sait cette ambiguïté dans les grands derniers écrits de Nathalie Sarraute, en particulier Oui : rien n´a changé de la forme dialogique des livres, et la scène est juste une sorte de suspension d´espace, un prolongement de silence pour que la voix prononcée appelle votre propre imaginaire. On peut appliquer cette réflexion aussi à La dernière bande, de Samuel Beckett, ce texte pour haut-parleurs...
C´est ce non-territoire qui me fait apprécier la musique de Darley, et la façon dont l´inscription du temps dans la parole et son échange en fait cet appel à l´imaginaire, question retournée à la parole elle-même, et donc à la littérature.
Emmanuel Darley continue d´en distinguer les chemins. Quand on lit régulièrement son Journal irrégulier, on mesure bien ce lien profond de la quête d´écriture, et son travail, avec les voyages, les lectures, les résidences, mais aussi l´observation du quotidien, la matière ville, et ce qu'on exige de soi-même... La pratique solitaire de l´aviron, ou l´achat d´un appareil photo argentique grand format, ou récemment la guitare électrique :
Emmanuel Darley est un chercheur, et cette suspension de la parole dans le texte, quand on dirait que c´est elle qui sculpte la relation entre les personnages, est ce qui dépose de cette quête.
FB
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