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Par une nuit de décembre, une macabre disparition est signalée à la maternité de l'hôpital. La direction demande à son personnel de ne rien dire : il en va de la réputation de l'établissement.
Les années passent, le secret est enterré.
Pourtant, dix-huit ans plus tard, le destin s'en mêle quand, après une terrible découverte, Caroline fouille dans le passé... c'est incompréhensible...
ça ne « peut » pas être.
Caroline et Augusta, deux femmes que tout oppose. En apparence...
Que s'est-il passé qui disloque leur vie et ternisse leur bonheur ?
Jusqu'où peut-on aller dans le renoncement, par amour pour une mère, par amour pour un ?ls ?
Il est des rencontres qui bouleversent nos silences.
Peut-être courons-nous après l'amour sans en donner assez ?
https://www.alombredunoyer.com/celles-qui-se-taisent-benedicte-rousset/
Celles qui se taisent est le nouveau roman de Bénédicte Rousset publié par les éditions La Trace mi mai. Bénédicte Rousset m’avait conquis l’an passé avec Romilda, un « pas totalement polar », un « pas entièrement roman » si bien écrit, si poétique, si sensible, si émouvant… Je suis donc ravi de la retrouver et j’ai pris un réel plaisir une nouvelle fois avec cette production.
"Il faut vivre avec les conséquences dramatiques que ce fameux jour de décembre a entraînées. Mais elle n’y arrive toujours pas. La graine qu’elle a semée la persécute par le manque qu’elle lui inflige et ce nouvel acte clandestin lui jette à la face sa déroute maternelle."
Deux femmes aux destins liés
Caroline et Augusta sont deux femmes que tout oppose en apparence. Et pourtant …
L’une travaille pour l’autre ; l’une est « riche », l’autre ne l’est pas ; l’une est dans le travail l’autre dans l’apparence.
L’une est mariée, mais régulièrement seule. L’autre vit seule avec ses enfants. Les deux ont des vies bien remplies.
Les deux tombent enceintes durant la même période: joie pour l’une, malheur pour l’autre. Partageant la même chambre, les destins de Caroline et Augusta s’unissent à la suite d’un événement aussi dramatique que terrible.
Mais que s’est-il passé ? Quel est ce fait aussi rocambolesque qu’incompréhensible qui ne doit surtout pas être ébruité ?
Bénédicte Rousset nous plonge au cœur d’une enquête palpitante à propos d’un secret (trop ?) longtemps gardé.
"On pense, à tort, qu’un amour, un vrai, peut mourir du jour au lendemain. C’est faux. Un amour meurt lentement, par ces petits riens qui le ravivent, en triturent la cicatrice, la rouvrent à force de taillader le même endroit. Ce sont les petits détails – une odeur, quelqu’un qui lui ressemble, un mot, un souvenir – qui le tuent et le font vivre à la fois. Quand cet amour revient nous voir, le coup de couteau est direct, profond. Une bise, quelques banalités, des mots gentils: voilà qui nourrissent, lui font croire qu’il existe, intact, alors qu’il n’est plus corps mais ombre."
Secret, construction, reconstruction …
Après avoir posé le contexte dans la première partie, un subtil et inattendu twist nous entraîne dans une enquête captivante à la recherche de la vérité passée.
Au centre de cette dernière se trouve Jean, l’enfant de Augusta. Le fils chéri dont le destin est tout tracé: il rentrera dans les ordres, il sera prêtre. Mais est-ce vraiment ce qu’il souhaite ? Doit-il faire plaisir à sa mère ou vivre sa vie ? Doit-il remiser ces envies ou à l’inverse les assouvir quoiqu’il advienne ? Comment être soi, comment se construire alors que son destin est tracé d’avance ?
Augusta a interdit, a protégé, a diligenté; la toute puissance de la mère qui donne l’impression de nager dans le bonheur.
A l’inverse, Caroline est tourmentée et tiraillée entre les faits et les actes, la vérité et les mensonges, l’impression donnée et les peines ressenties si bien mises en exergue par les cauchemars réguliers. Le lecteur ne peut qu’être sensible, ému, compatissant dans ce besoin de reconstruction de Caroline.
Les personnages « secondaires » ne le sont pas. On s’attache à Brieuc, on « kiffe » le franc parler de Elise. Ils occupent une vraie place dans l’intrigue et apporte un plus indéniable.
Bénédicte Rousset a son propre style d’écriture, si unique, si caractéristique. Elle confirme de la plus belle des manières toutes les qualités entrevues dans Romilda. Elle nous envoute et nous rend dépendant avec une grande facilité. Magistral.
"Par où commencer ? Il faut prendre garde aux mots. Les mots, bien souvent, tailladent la pensée, la mettent en miettes ou au mieux l’altèrent, comme la chaleur transforme l’eau en vapeur et il ne reste alors plus qu’une ombre déformée de ce qu’on voulait dire. On peut regretter des mots, pas des pensées."
Une construction addictive
Si l’intrigue vous tient en haleine, c’est aussi et surtout grâce à l’écriture de Bénédicte Rousset. Le style est direct, épuré à l’instar du silence et très efficace. Il impulse un vrai rythme à l’intrigue. Il entraîne le lecteur dans une envie de plus en plus intense de connaître le fin mot de l’histoire tout en s’amusant avec lui, en le baladant sur de mauvaises pistes.
A l’inverse, la plume poétique, fluide, ciselée et en même temps très détaillée, très évocatrice lui enjoint de ralentir, de savourer. Elle incite également à s’interroger sur la vie, la religion, la tolérance, l’amour et d’autres sujets contemporains pour lesquels Bénédicte Rousset expose des remarques argumentées.
Le lecteur alterne entre émotion et impatience, entre compassion et introspection. Le silence est d’or… mais toute vérité doit-elle être cachée ? Un secret a-t-il vocation à être dévoilé ? La vie d’un enfant est-elle écrite d’avance ou façonnée par les événements, les rencontres, le destin … ? Oui le silence fait des ravages parfois, souvent…
Je souhaite également souligner l’intelligence du choix du titre: comment ne pas mettre en parallèle Celles qui se taisent avec notre monde où la communication est privilégiée, le buzz est recherché, où beaucoup ferait mieux de se taire ?
"La meilleure façon de détruire un enfant, c’est de le préférer aux autres."
Vous ai-je convaincu que ce roman était incontournable ? Je l’espère très sincèrement tant Bénédicte Rousset mérite des louanges. Celles qui se taisent est un roman certes inclassable mais parfaitement maîtrisé et totalement réussi. Il m’a profondément marqué tant il est fort, passionnant et addictif.
Je suis non seulement conquis mais convaincu qu’il aura une très belle carrière. N’hésitez pas, connectez-vous sur le site internet des éditions La Trace ou rendez-vous chez votre libraire indépendant préféré pour vous procurer Celles qui se taisent.
Merci Bénédicte Rousset et surtout bravo!
Coup de coeur 5/5
« L’adulte n’est que l’armure de l’enfant humilié. » Alain Cadéo.
« Mais qui suis-je ?
Un enfant braillant dans la nuit,
Un enfant braillant pour la lumière,
Et pour tout langage, un cri. » Tennyson. « In Memoriam. »
Émouvant, prévenant, « Celles qui se taisent » est lumineux. Une couverture de laine par grands froids, la marée-basse inspirante, le poème banderole des silences. Un livre bleu-nuit, le courage des mères. « Celles qui se taisent » est le kaléidoscope de femmes. En l’occurrence Caroline et Augusta. L’intrigue est une fenêtre ouverte où le vent pénètre, vif, froid, et insistant. Une histoire cousue d’or et profondément humaine. Caroline est dans le versant de la pauvreté. Battante, altière, le front haut, la larme cachée.
« Non, Caroline n’est pas fréquentable. Une femme seule, si jeune, avec des enfants, ce n’est pas normal. » « Elle a bien dû fauter ailleurs, pour qu’il s’en aille, disent les gens. »
Trois enfants, une maison rangée au carré, la moindre goutte de lait est comptée. Caroline est l’exemplarité, non pas d’une soumission aux tâches domestiques dans son antre, mais sa force de caractère et d’endurance forgent son indépendance et sa résistance.
« Depuis, en créature silencieuse et digne, elle se bat à mains nues contre un monde sans pitié. Caroline visualise si bien sa solitude qu’elle l’effraie. »
Elle travaille chez madame de saint Germain (Augusta) pour trois heures de ménage. Augusta est conformiste, bourgeoise, lasse et mélancolique. Toujours fatiguée, si conventionnelle que les murs de sa maison semblent lisses et froids. Une fille qu’elle éduque plus qu’elle n’aime. Elle désire un fils, implore Dieu. Augusta a vingt-cinq ans, le même âge que Caroline, jeunes et semblent déjà si âgées. Caroline est l’employée et doit rester à sa place et pourtant depuis qu’Augusta pressent Caroline cultivée, elle lui offre du thé. Les conversations restent légères et distantes. Nous sommes dans le livre des silences. Le relationnel n’est pas une corde à nœuds. Caroline a des devoirs, travailler plus pour gagner plus, seule et engagée à affronter le rocher de Sisyphe. Caroline est le berceau de l’humanité, la grâce et la pureté, le féminisme et la loi du silence. Se taire, bousculer les diktats du pied.
« Aucune histoire n’est achevée se dit-elle. Elle n’est qu’un maillon dans le déroulement infini de la vie. »
Agir avec Augusta comme le lait qui ne peut déborder. Les gestes du quotidien étouffent les syllabes sèves. Encerclée d’épreuves Caroline va vivre des drames, Augusta aussi. Tsunami, ces drames sont le levier vers le plein de ce récit des vies de ressacs et de turbulences. Taire la vie en soi, graine maudite, limbe et cachette. Augusta attend un nouvel enfant : l’envoyé de Dieu, le fils vénéré : Jean. Ces femmes mères, emblèmes générationnels, leurs secrets sont des chapelets brisés sur le sol glacé. Dans ce livre poignant, superbe, il y Brieuc. Le seul homme vrai. Magnanime, constant, persévérant, les vertus théologales et les mains lianes. Prenez soin de lui, l’amour règne. « Celles qui se taisent » est criant de lucidité, de regards et d’étreintes. Les invisibles passages vers la rédemption, l’alphabet reflet des pardons à soi-même. La confiance qui délivre la première lettre, telle l’espérance du jour d’après. Bouleversante, sans pathos, l’histoire est dans ce degré supérieur qui assigne le culte. Ici, il y a les paroles endormis dans les coffres des mémoires. Ici, il y a les destinées mêlées, labyrinthe dont le fil échappe aux normalités bien pensantes. Ici, il y a Bénédicte Rousset qui délivre l’histoire de femmes qui sont nos sœurs. Ce récit est le nôtre. Chacun, chacune a un secret enfoui dans les murailles de son cœur. Ce livre est une feuille qui vole au vent des interpellations. On ne peut quitter le point final sans retenir dans nos bras la belle Caroline. Magistral. Bénédicte Rousset merci ! Publié par les majeures Éditions La Trace.
30 décembre 1984, une disparition à la morgue de l’hôpital. Rien ne doit filtrer, l’établissement est mal classé, il ne doit pas sombrer.
Avant cette nuit fatidique, dans un village du Vaucluse, trois maisons, trois foyers totalement différents.
Caroline Litovski élève seule ses trois enfants, elle loue une petite ferme délabrée car elle peut y faire un potager et avoir une basse-cour. Cela lui permet de payer avec de la volaille et des légumes une nounou lorsqu’elle part faire des ménages pour survivre.
C’est une femme qui du fait de son histoire familiale se sent déclassée.
Depuis le départ du père de ses enfants, la vie est devenue extrêmement difficile, Elle avance sans se plaindre, avec la dignité d’une jeune femme qui fait face.
« Les mêmes mèches folles qu’elle tente de discipliner dans une demi-queue, la même étincelle dans les yeux, les mêmes épaules, aux contours osseux, carrés, la même odeur ; tout est là, intact, et le temps, au lieu d’abîmer cette femme que la vie n’épargne pas, l’épanouit. »
Les ménages, elle les fait principalement dans la maison des Saint-Germain, demeure qui a vu vivre trois générations. Rodolphe le mari est toujours loin car officier de marine ; Augusta a déjà une fille Cécile. Elle attend un second enfant. Augusta se montre affable avec Caroline, à l’heure du thé, elles le prennent ensemble. Une amitié ?
Augusta a un leitmotiv « On ne se met pas en travers de ma route. »
Avec la naissance de son fils Jean, elle va s’investir dans la vie communautaire, elle a besoin d’exister, d’être vue.
Elle aime tirer les fils de ses marionnettes c’est-à-dire, mari, enfants et employés…
« Elle ressemble davantage à une businesswoman qu’à une mère au foyer rentière et femme de militaire. »
Son fils la verra ainsi : « superficielle et secrète, loin de la femme épanouie qu’elle aurait pu devenir. »
Un troisième foyer, celui des Cadoret, Brieuc et Soizic viennent de Bretagne. Au début, Augusta se rapproche d’eux et fait étalage de sa vie aisée. Puis le couple se séparera et Augusta les déclarera persona non grata. Est-ce parce qu’ils divorcent ?
Quelques mois après la naissance de Jean, que se passe-t-il entre Caroline et Augusta ?
C’est la fracture, Caroline part avec ses enfants pour devenir décoratrice d’intérieur.
Mais la vie n’en a pas fini avec elles.
Les lecteurs vont vivre dix-huit années intenses de ces vies parallèles. Quel secret va exploser et faire voler en éclats la façade de ses trois foyers ?
La construction du roman vous rendra addictif, vous oscillerez en permanence entre l’envie de tourner les pages vite pour savoir et l’envie de vous arrêtez pour prolonger le plaisir de cette lecture.
C’est un roman qui par l’écriture a la beauté des Classiques, Balzac s’est-il égaré dans le Vaucluse ?
Les portraits sont ciselés physiquement et psychologiquement, il y a une justesse dans les sentiments exprimés et dans la gestuelle de chacun des protagonistes.
L’auteur y imprime une souplesse qui forge une trame qui nous rappelle les années fondatrices d’une vie, il y a une intemporalité et une pérennité dans ce qui construit chacun de nous.
L’auteur ne joue pas sur le terrain de la surenchère, elle est fine mouche et vous délivre quelques bribes qui pourraient vous mettre sur la piste du secret, mais en fait elle vous illusionne jusqu’au bout.
Une belle démonstration des dégâts du silence sur les vies, car les forts et les faibles sont à égalité dans le travail de sape des choses tues.
« Le vrai basculement, se produit le jour où l’on fait connaissance avec quelqu’un qui partage notre vie depuis toujours. »
©Chantal Lafon
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