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Flaubert effectue un voyage en Algérie et en Tunisie (le séjour le plus important est à Carthage) du 12 avril au 12 juin 1858, alors qu'il a commencé à rédiger Salammbô depuis six mois. Dans un petit calepin de poche (16 x 9cm), il tient un carnet de route à la fois journal intime et notes documentaires, prises en vue de son roman antique. C'est ce carnet en fac-similé et en transcription diplomatique qu'il est donné de lire.
Dans le but d’écrire Salammbô, Flaubert se lance dans six mois de recherche historique et encyclopédique frénétique (Pline, Polybe, etc.) qui l’épuise. Après avoir écrit deux chapitres, il sent qu’il n’y arrive pas et a besoin de s’immerger dans le cadre géographique où se situe son roman. Il part donc à Carthage.
Ce carnet de route n’a rien de littéraire mais il est intéressant car d’une part il dévoile l’écrivain et d’autre part il restitue l’ambiance et l’esthétisme de Carthage au printemps 1858.
Flaubert a un goût évident du dépaysement mais concernant ce voyage, on sent par le rythme d’une cavalcade journalière bien remplie qu’il est pressé d’accumuler des notes en vue de son projet d’écriture.
Ce sont des excursions d’investigation pour une esquisse préparatoire à Salammbô, avec un souci de réalisme et d’exactitude. Il ne visite pas Carthage par plaisir mais dans l’unique but du projet littéraire qu’il nourrit.
Les notes sont précipitées et le style télégraphique. Pas à pas, il écrit tout ce qu’il voit, ce qu’il sent et ressent sans aucun effet littéraire. (Voire très cru : Nous pioncions sur nos divans ; Un vieux qui a une figue au nez ; Grosse brune rougeaude ; Gros mastoc assez cordial ; Payé mon jeune Arabe et mon idiot de spahi ; Grosse dondon enceinte ; etc. mais ce sont aussi de belles descriptions paysagères et d’intéressantes vues de Carthage, des ruines et du site des citernes sans compter les odeurs et le souci de détail quant aux fleurs et à la végétation.) Au fil des jours, du 12 avril au 12 juin 1858, il filme en accéléré avec sa plume et son cahier.
C’est de retour en France, attelé à sa table de travail, qu’il transformera cet amalgame de notes prises à chaud en un riche écrit pour faire ressusciter avec réalisme la civilisation d'Hamilcar (père d’Hannibal) , trois siècles avant J.C, à partir des ruines et des paysages rencontrés mêlés à sa recherche encyclopédique.
Concernant l’homme, la fin de son carnet est intéressante car il dévoile l’écrivain rongé par sa passion. De retour à Rouen, il écrit :
« Mon voyage est considérablement reculé, oublié ; tout est confus dans ma tête ; je suis comme si je sortais d’un bal masqué de deux mois. Vais-je travailler ? Vais-je m’ennuyer ?
Que toutes les énergies de la nature que j’ai aspirées me pénètrent et qu’elles s’exhalent dans mon livre. A moi, puissances de l’émotion plastique, résurrection du passé, à moi, à moi ! Il faut faire à travers le Beau, vivant et vrai quand même. Pitié pour ma volonté, Dieu des âmes ! Donne-moi la Force — et l’Espoir !.... »
Ces notes ont aussi été éditées dans le recueil « Voyages » de Flaubert aux Éditions Arlea.
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