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Le savoir-vivre ensemble« Le comportement de l'équipe de France de football en Afrique du Sud en juillet 2010 a mis la France Black, Blanc, Beur, en état de choc ; mais ce manque d'éducation n'a fait que mettre au jour ce que je vois se déployer dans nos écoles depuis quinze ans, et qui est à l'oeuvre plus largement dans notre société depuis des décennies, dans les familles, dans la rue, dans les bureaux. » Professeur au lycée où elle enseigne les sciences économiques et sociales, Cécile Ernst côtoie chaque année des centaines d'adolescents de toutes cultures et de tous milieux sociaux, certains malmenés par la vie, d'autres incroyablement gâtés. Une chose les réunit pourtant : leur manque de savoir-vivre en société, et la fierté (ou pour le moins l'impunité) qu'ils en retirent.
Au fil de ce petit livre où s'entremêlent son vécu et ses recherches de sociologue sur la question du savoir-vivre, Cécile Ernst montre comment les incivilités (au lycée, dans la rue, le RER, à la télé...) ne sont que l'écho d'un monde qui fait de l'indifférence à l'autre une valeur tendance, un acte profondément libérateur et une nouvelle norme sociale. Mais il n'est pas trop tard pour réagir.
Intéressant de lire, quasi 10 ans après sa sortie, un essai sur la nécessité d’inculquer le ‘Vivre ensemble’ dans la tête des élèves, futurs constructeurs de notre société et déjà citoyens en puissance. Qui fait la Loi ? Au service de qui ? Quel est le pouvoir qui en sort renforcé ?
Ces trois questions, présentes dans l’entre-dit des mots de Cécile Ernst, me semblent fondamentales pour comprendre l’essai, en accepter – ou non - les analyses et les propositions de solutions prônées par l’auteur.
Comme souvent, dans le monde de l’école, les références des enseignants et celles des élèves ne coïncident pas et, à tort, restent souvent non dites, même pas implicites.
Cécile Ernst est professeur au Lycée. Elle est confrontée à des adolescents de tous les milieux sociaux, certains gâtés par la vie, d’autres cabossés plus que nécessaire. Ils ont tous en commun un manque de savoir-vivre en société et ils semblent en retirer si non un certain prestige, en tous cas la fierté de rester impunis. Pour eux, c’est le mode de vie normal, la Loi de la rue, le pouvoir du caïd.
Publiant ce titre en 2011, Cécile Ernst semble persuadée que tout le monde a encore en tête le comportement de l’équipe de foot de France lors du Mondial de 2010 en Afrique du Sud. Je suppose qu’elle s’étonne donc que le monde international de la presse puisse qualifier ce comportement de désastre moral alors que le quotidien vécu dans les écoles trouve ses marques à la même source : L’autorité n’a pas à exister, le détenteur du pouvoir est celui qui le prend !
Mon passé d’enseignant ne peut m’empêcher de penser aux vives discussions alors dans les salles des profs face aux dérapages des joueurs de France… Et ce, sans aucune interrogation sur le vécu quotidien dans les classes ou, par exemple, l’enseignement au cours d’éducation physique de la faute obligatoire sur le dernier homme avec, si pas enseigné, largement toléré au cours, le cinéma bien connu des « Moi ?! Mais je n’ai rien fait ! »
Cécile Ernst s’attaque donc aux comportements des jeunes dans les classes. Avec brio, je pense, son essai prend sa source au passage de la civilité au savoir-vivre. Elle pointe combien la première est affaiblie et la seconde discréditée avec des conséquences néfastes pour le pacte républicain. Pourtant, insiste C. Ernst, des solutions existent. Elles passent par des principes simples à fixer et des actions à mettre en place auprès des jeunes. Les adultes-parents seront appelés, de facto, à suivre le mouvement. Son essai se terminera par une conclusion réclamant des choix à poser dès maintenant, seule condition pour sauver l’idée même de démocratie, même si le modèle d’aujourd’hui est, à ses yeux comme aux miens, perfectible.
Elle montre aussi comment elle réagit et instaure une tolérance zéro basée sur l’ordre (Elle dirait probablement ‘consignes de travail’) et la sanction. Réaction parfois excessive selon moi, dans la mesure où elle manipule les élèves, laissant croire une manière d’être et de faire qui ne sera qu’une apparence, une façon de les contraindre par un registre de sanctions sans mise à plat du fond. Tout se passe, selon les exemples donnés, comme si les attentes professorales étaient implicitement légitimes et ne demandaient aucune explication. Cécile Ernst situe sa pratique dans un rapport de force permanent. Je ne peux être en total accord avec ce mode d’éducation. Elle ne conduit pas le jeune en dehors de lui, vers l’âge adulte, elle le façonne à garder sa place, celle qu’un autre lui désigne. Et je le reconnais, cette attitude peut faciliter l’apprentissage des matières. Mais, à mes yeux, pas l’épanouissement de la personne à long terme. Je crois encore à une éducation qui partage l’espace et le pouvoir, qui aide chacun à trouver sa place dans une relation qui respecte l’autre dans ce qu’il est, a été, devient et sera plus tard.
Mais, au-delà de cette limite que je vois à l’essai de Cécile Ernst, « Bonjour Madame, merci Monsieur » a le mérite d’exister, de pointer lucidement les zones de non-droit de nos classes et la pénibilité du métier pour l’enseignant comme pour l’élève désireux d’apprendre. La présentation du raisonnement est fluide, écrite de manière lisible sans jamais tomber dans le jargon psychopédagogique et les questions posées doivent l’être.
Encore aujourd’hui, près de 10 ans après, l’urgence de ce besoin de savoir-vivre ensemble est une nécessité trop peu prise en compte. Merci donc à l’auteure pour cet ouvrage.
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