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Pour abréger sa pitoyable vie noyée dans l'alcool, la noyade, la vraie, semble être l'épilogue parfait.
Ainsi pense le narrateur. L'eau n'est décidément pas son amie, le suicide est manqué. Un changement radical s'impose. Il devient ouvrier agricole. Pas à pas, il part à la reconquête de lui-même. Sa renaissance est en fait un retour... à sa femme, à ses enfants. Et à son métier d'écrivain.
En panne d'inspiration, aux prises avec son vieux démon qu'est l'alcool, Eric devient invivable. Ses 2 enfants ont quitté le foyer familial et Myléna- sa femme- le somme de s'en aller.
S'ouvre alors le long et douloureux chemin de la reconquête. Une vaine tentative de suicide mais surtout le dur labeur d'ouvrier agricole (aux côtés de bucherons et de vignerons) Un travail qui fait souffrir les corps et laisse peu de place à l'apitoiement sur sa personne.
Eric s'accroche, évite les cafés et goûte les rares échanges que lui consent Myléna.
Une oeuvre courte, sensible, poétique et sensuelle. Eric Holder revèle ses failles avec pudeur.
Un roman qui mérite d'être lu pour le seul chapitre 10: une lettre bouleversante adressée à sa fille partie étudier en Argentine. .
Je pense mon avis partisan mais je suis certain que vous serez ému par cet homme à fleur de peau.
Un récit à la fois sobre et discret par son écriture minimaliste et épurée , mais puissant par la souffrance qu’il sous-entend . Tout est dans le non-dit !
Peu d’éléments sur le sevrage que l’on devine long, solitaire et douloureux , en revanche beaucoup d’informations sur l’immersion volontaire du narrateur dans un travail physique éprouvant et dans l’humiliation continuelle , qui ont pour vertu de le détourner de l’alcool et de l’aider à retrouver l’estime de soi .
Le récit d’un parcours moral qui va de la déchéance à la rédemption, d’un parcours littéraire qui va de l’impuissance à écrire à la reconquête de l’écriture . Dans les premières pages , qu’il rédige au sortir de sa plongée dans l’enfer ,et que Mylena découvre lorsqu’il revient vers elle, il présente celui qu’il était comme un ancien lui-même, mis à distance , qu’il tutoie , qui avait perdu l’aptitude à écrire « j’étais devenu incapable d’écrire une phrase correcte . La deuxième reprenait avec malignité les termes de la première, tâchant de les expliciter, à la manière dont un ivrogne insiste pour être compris »
Eric Holder sait recréer les discussions des bistrots de campagne, montrer leur rôle social et en restituer l’ambiance , il émeut par la lettre qu’il adresse à sa fille où se révèle ce qui semblait avoir disparu en lui, il explose dans la scène où il ose enfin dire ses quatre vérités à son patron, redevenant alors un homme au sens plein du terme .
Un ouvrage juste, pudique et émouvant
Beaucoup d'émotion à la lecture de ce roman d'Eric Holder après les beaux Duo Forte et La belle n'a pas sommeil entre autres ... ton écriture nous manquera Eric , notre voisin et ami du Médoc ... on a peu parlé de toi sur les réseaux et c'est bien dommage, tu es parti sans bruit , discret comme ton écriture ...
Après 30 ans de mariage, deux enfants, Myléna a craqué.
Mais le narrateur précise qu'elle ne l'a pas mis à la porte, c'est lui qui l'a prise et a essayé d'en finir dans l'océan ....
Mais il s'est retrouvé nu sur une plage, alors il a accepté l'offre d'un couple d'Anglais repartant au bercail pour l'hiver, et il s'est installé dans leur maison.
Imbibé d'alcool, en panne d'écriture, il va enchaîner des petits boulots alimentaires sur les marchés, qui lui permettent à peine de financer sa diète liquide ... et au départ des derniers vacanciers, quand les marchés s'arrêtent, il devient ouvrier dans les vignes ....
Un roman simple mais pourtant si efficace, aux descriptions minimalistes mais si évocatrices de la vie dans ces landes girondines où les bois de pins alternent avec les vignes.
Un roman d'hiver, de brumes, de travail manuel qui détruit les mains tout en permettant à l'âme de reprendre pied, au narrateur de réfléchir à ce qu'il veut vraiment de sa vie et à sa reconquête de son ego, de ses amours, de sa vie ...
Il est des écrivains qui ont le sens de la formules, où avec des phrases courtes et simples, ils décrivent un monde ... Eric Holder est de ceux là, voyez plutôt ces deux extraits :
"L'aïeule (...) entretenait son petit-fils qui, ignorant le travail, éprouvait à l'égard de ce dernier une crainte irraisonnée, épuisant sa vie, somme toute, à l'éviter."
"Franck a trois enfants. Il s'ennuie avec eux le dimanche."
Il y a des écrivains qu'on retrouve comme de vieux amis, où le temps passé se contracte, et dont on vient régulièrement (ou pas) prendre des nouvelles, lire ou relire leurs romans et se demander pourquoi on a laissé passer le temps ...
Eric Holder est de ceux là, et sa mort récente m'a attristée ...
Le narrateur est un écrivain dont la plume est desséchée par l’alcool qu’il ingurgite depuis 30 ans, addiction qui n’est plus vivable comme le lui signifie sa femme.
Il erre pauvre hère, même pour sa noyade l’eau n’a pas voulu de lui, alors il va essayer de s’ancrer dans la terre, par de multiples petits boulots très physiques. Il a besoin de sentir son corps lui faire mal pour se sentir un tout petit peu vivant.
La gestuelle devient très importante dans son quotidien, cela lui redonne un peu de fierté, il est épaulé par diverses personnes, qui vont lui procurer de quoi survivre.
« Les paumes éclatées laissaient apparaître par endroits la chair à vif. Leur dos était quadrillé de cicatrices. A l’extrémité des doigts boudinés, ayant doublé de volume, certains ongles étaient devenus noirs, l’un d’entre eux attendait de chuter. »
Un long chemin avec lui-même commence, ponctué de visites à celle qui lui a dit :
« Je ne veux pas revivre ce que j’ai déjà vécu. Je n’en ai plus la force, tu comprends ? »
Ainsi défile sous les yeux du lecteur, une galerie de portraits croqués au sein du village, dans ce lieu qu’est le bistrot, mélange des genres et diffuseur de rumeurs, des paysages de vignes et de dur labeur.
La vie est comme un cep de vigne, noueuse et branchue et prend des formes tortueuses.
Ce livre peut paraitre sombre comme un ciel d’orage au-dessus de l’océan, mais cette noirceur est régulièrement déchirée par des éclairs de vie, car le narrateur sait observer, engranger des moments de fulgurance qui lui permettent de se raccrocher aux branches de la vie.
L’écriture est à la fois âpre, rude, fine, ciselé, poétique toujours et d’une belle humanité.
Humanité d’un regard qui transperce les apparences, qui déshabille les convenances.
Un coquillage poli par les marées.
Et encore et toujours en filigrane cet amour des livres.
« Les livres sont des drôles d’objets magiques, des boîtes à récupérer des coïncidences. »
Eric Holder est parti bien trop tôt et comme l’a écrit Jérôme Garcin il savait si bien parler des « gens de peu ». Ne le quittons pas, pour cela lisons et relisons ses livres, comme l’on savoure un plat ou un vin : en gourmet.
Et je vous souhaite lecteur d’aller votre chemin vers « Une seule femme possède en même temps le derrière arrogant d’une adolescente, l’épanouissement irradiant des maternités heureuses, les pattes d’oie, au coin des yeux, de qui a tellement aimé rire. La sienne, si l’on a eu la chance de la rencontrer tôt. »
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 1er février 2019.
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